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tion constatée; elles ne permettent jamais à l'enfant d'obtenir de son père autre chose que des secours pécuniares. Même lorsque ce père a déclaré sa paternité ou qu'elle a été prouvée en justice, l'enfant naturel lui est étranger en droit; il ne fait pas partie de sa famille. Le droit germanique et le droit des pays scandinaves sont acquis à ce système.

A ces différences dans le principe et dans le point de départ viennent d'ailleurs se joindre d'autres différences, des différences de détail très nombreuses, entre les divers Codes, relativement à la constatation de la filiation naturelle, à ses conditions, aux formes dans lesquelles elle intervient, aux effets dont elle est susceptible. Une analyse rapide nous rendra compte des plus importantes.

Le mineur n'a pas, en tous pays comme en France, la capacité nécessaire pour reconnaître un enfant naturel. Le Code civil de Malte (art. 100, al. 2) lui en refuse le droit: celui des Pays-Bas exige que l'auteur de la reconnaissance ait dépassé l'âge de dix-neuf ans; et il dénie également tout effet à l'aveu de paternité, fait du vivant de la mère de l'enfant, sans que cette dernière y ait consenti (art. 337).

Le caractère adultérin ou incestueux de la filiation n'oppose pas d'autre part, dans toutes les législations comme dans la nôtre, un obstacle absolu à sa preuve. — Aucune disposition du Code civil allemand n'interdit à la mère d'avouer et de traiter comme son enfant celui qui est né de l'adultère ou de l'inceste, ni à cet enfant de faire la preuve de son origine, comme la ferait un enfant naturel ordinaire, à l'encontre de ses deux parents. Le Code civil italien, dans ses art. 180 et 193, semble bien reproduire le système de la loi française et prohiber la reconnaissance volontaire ou forcée de l'enfant adultérin ou incestueux1; parmi les partisans de son opinion, B. Boeresco, C. civ. annoté, sur l'article 48; Besteley, Actele starei civile, p. 46; Formulareel general al codulni eivil, p. 252; C. Naco, Comparatume intre codul civil roman si Codul Napoléon, sur l'art. 48, et p. 155.

1 Est réputé incestueux l'enfant né de personnes entre lesquelles le maW. — IV.

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mais cette prohibition disparaît et l'enfant adultérin ou incestueux a droit à des aliments, dès que la paternité ou la maternité se trouve indirectement constatée dans une sentence civile ou pénale, ou encore si sa preuve résulte d'une déclaration écrite expresse émanée des père et mère. Or, si l'on remarque que le législateur italien tient pour valable la reconnaissance même faite sous la forme d'un acte sous seing privé', il est facile de voir que sa défense est surtout platonique; elle concerne uniquement la reconnaissance reçue par un officier public, et laisse aux père et mère les plus grandes facilités pour reconnaître l'enfant né de relations adultérines cette reconnaissance est en réalité parfaitement licite, quoique ses effets soient moins étendus que ceux d'une reconnaissance ordinaire. Le Code civil espagnol tient de son côté pour établi le fait de la filiation adultérine ou incestueuse, par rapport au père ou à la mère, dans deux cas : 1° lorsque cette filiation est constatée par un jugement définitif rendu au civil ou au criminel; 2° si elle est expressément reconnue dans un document certain émané du père ou de la mère; par rapport à la mère seulement, toutes les fois que l'enfant aura fait en justice la preuve de l'accouchement et de son identité avec celui auquel elle a donné la vie. Au contraire la recherche judiciaire de la paternité adultérine ou incestueuse est rigoureusement interdite (C. civ. espagnol, art. 140 et 141). · Quant au Code civil portugais, il n'admet la preuve de la filiation adultérine ou incestueuse, mais il l'admet même au regard du père, qu'autant qu'elle découle d'un jugement ou d'une procédure criminelle, en cas de rapt ou de viol (C. civ. portugais, art. 136). Le recherche de la maternité est permise, en Roumanie, à l'enfant adultérin ou incestueux, comme

riage est impossible pour cause de parenté ou d'alliance en ligne directe à l'infini, et en ligne collatérale jusqu'au second degré (C. civ. ital., art. 186).

1 V. ci-dessous, p. 35.

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elle l'est aux autres enfants naturels et sous les mêmes conditions (C. civ. roumain, art. 308). Enfin les législations scandinaves ne font de différence qu'au point de vue des droits de succession entre les enfants adultérins et incestueux et les autres enfants nés hors mariage1.

Les formes de la reconnaissance volontaire ne sont pas non plus identiques dans tous les pays où elle est usitée. Le Code civil italien paraît, il est vrai, manifester, à ce point de vue, les mêmes exigences que l'article 334 du Code français, lorsqu'il prescrit la rédaction d'un acte authentique pour la reconnaissance d'un enfant naturel (Art. 181); mais il n'y a là qu'une apparence. Acte authentique et acte public ne sont pas synonymes dans la langue juridique italienne, comme ils le sont chez nous; et l'on peut dire que l'authenticité appartient en Italie à tout acte émané véritablement de son auteur et revêtu de toutes les formes exigées pour sa validité. Il a été jugé en ce sens par la Cour d'appel de Venise, le 11 avril 18762, que l'enfant naturel peut être reconnu par testament olographe, et à plus forte raison, par testament mystique3. Le Code civil espagnol de 1889 admet également la validité d'une reconnaissance testamentaire. « La reconnaissance de l'enfant naturel, porte son article 131, se fera dans l'acte de naissance, dans un testament ou dans un autre document public ». Or ce Code ne se contente pas, comme le Code italien et comme le Code français, de diviser les dispositions de dernière volonté en testaments olographes, authentiques et mystiques; il connaît encore

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* Encore cette différence a-t-elle disparu, en Norvège tout au moins, depuis la loi du 29 juin 1892 (Annuaire de législation étrangère, 1893, p. 674).

2 Journal du dr. int. pr., 1877, p. 89.

3 Une reconnaissance de paternité contenue dans un acte qui n'est pas authentique, au sens de la loi italienne, n'est cependant pas dénuée de tout effet; elle ne donne pas à l'enfant le droit de porter le nom de son père; mais elle lui confère une action pour en obtenir des aliments. Trib. civ. Tunis, 10 décembre 1894 (Journal du dr. int. pr., 1895, p. 822).

un testament verbal, réservé aux militaires et à ceux qui voyagent sur mer. Nul doute, en présence des termes généraux de l'article 131, qu'un semblable testament puisse contenir une reconnaissance d'enfant naturel. Les règles adoptées par la loi espagnole en matière de reconnaissance se retrouvent dans le Code civil portugais (art. 123). Quant au Code civil allemand, il n'exclut aucun mode pour la reconnaissance volontaire de l'enfant naturel par son père; cette reconnaissance peut même être tacite, et elle résulte de ce que le père a subvenu spontanément à l'entretien de l'enfant dans la mesure fixée par l'art. 17081. A plus forte raison peut-elle trouver place dans l'acte de naissance, soit même dans tout acte privé. Sans doute l'art. 1718 du Code civil ne mentionne expressément que la reconnaissance contenue dans un acte public, lorsqu'il interdit au père qui l'a faite après la naissance de l'enfant d'élever contre elle l'exception plurium concumbentium2; mais ce texte n'a nullement pour objet d'invalider la reconnaissance par écriture privée. Tout ce qu'on en doit conclure, c'est qu'une telle reconnaissance peut toujours être contestée par son auteur, sans que cette contestation puisse être paralysée par la fin de non recevoir spéciale dont la reconnaissance par acte authentique est susceptible3.

A l'exemple de la loi française, le Code civil italien (art. 188) permet à tous les intéressés, au premier rang desquels il place l'enfant lui-même, de contester la reconnaissance; mais, suivant l'interprétation généralement admise en Italie, les collatéraux ne peuvent agir que lorsqu'ils y ont un intérêt pécuniaire né et actuel, alors qu'en France, un simple intérêt moral, tel que la défense du

1 Journal du dr. int. pr., 1899, p. 249, note 1 in fine.

2 C. civ. allemand, art. 1718 : « Celui qui, dans un document public, reconnaît sa paternité, après la naissance de l'enfant, ne peut exciper de ce qu'un autre a cohabité avec la mère à l'époque de la conception ». Cf. Keidel, dans le Journal du dr. int. pr., 1899, p. 247.

nom, est considéré comme suffisant.

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Le Code civil es

pagnol refuse le droit de contester la reconnaissance dont il a été l'objet à l'enfant qui était majeur à cette époque : et cela s'explique très bien, puisque le consentement de cet enfant est une condition indispensable à la validité de la reconnaissance elle-même (C. civ. espagnol, art. 133, et 1); quant à l'enfant, mineur au temps où il a été reconnu, son action n'est recevable que pendant les quatre ans qui suivent sa majorité (C. civ., espagnol art. 133, al. 3). Et telle est aussi la décision que nous présente le Code civil portugais, avec cette différence que les quatre ans pendant lesquels l'enfant est admis à contester sa reconnaissance, courent, non seulement du jour où il est devenu majeur, mais encore de l'émancipation dont il aurait bénéficié avant cette échéance (C. civ.portugais, art. 127).

La recherche de la maternité naturelle est autorisée en général par toutes les législations qui tiennent la reconnaissance volontaire pour possible. Toutefois les conditions. auxquelles elle est subordonnée, et les moyens de preuve qui lui permettent de triompher, ne sont pas partout les mêmes. Tandis que le Code civil roumain (art. 308) reproduit sans changement les dispositions et les exigences de l'article 341 du Code français, les lois italienne, espagnole et portugaise se montrent moins rigoureuses.-L'art. 190 du Code civil italien s'exprime ainsi. « L'enfant qui réclame sa mère doit prouver qu'il est identiquement le même que celui dont elle est accouchée. La preuve par témoins n'est pas toutefois recevable, si ce n'est lorsqu'il y a un commencement de preuve par écrit, ou que les présomptions et les indices résultant de faits déjà constants sont suffisamment graves pour déterminer à admettre cette preuve ». Le Code civil portugais va plus loin; il admet indifféremment tous les moyens de preuve pour l'action dirigée par l'enfant contre sa mère naturelle : Art. 131 : «L'action en recherche de la maternité est permise; mais l'enfant doit prouver, par l'un quelconque des modes de

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