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l'enfant est né trois cents jours après l'ordonnance du président du tribunal qui autorise la ferme à quitter le domicile coujugal, et moins de cent quatre-vingts jours après le rejet définitif de la demande ou la réconciliation (C. civ., art. 313, in fine, modifié par la loi du 6 décembre 1850 et par celle du 18 avril 1886)'.

2° Par certaines personnes, c'est-à-dire par le mari, ou, s'il est mort sans avoir exercé sa faculté de désaveu et étant encore dans le délai pour le faire, par ses héritiers (C. civ., art. 317).

3o Dans un certain délai, qui varie, suivant que l'action en désaveu est introduite par le mari ou par ses héritiers: dans la première hypothèse, le délai est d'un mois à partir du jour de l'accouchement, lorsque le mari s'est trouvé sur le lieu de la naissance de l'enfant, et de deux mois à compter de son retour, s'il était absent; enfin, lorsqu'on lui a caché cette naissance, il a toujours deux mois pour désavouer l'enfant, à partir du moment où la fraude lui a été découverte (C. civ., art. 316); dans la seconde hypothèse, le délai est toujours de deux mois; mais il ne court que de l'instant où l'enfant sujet à désaveu s'est mis en possession des biens du mari défunt, ou de celui où les héritiers du mari ont eux-mêmes été troublés dans leur possession (C. civ., art. 317).

L'enfant né pendant le mariage, et contre lequel n'a été élevée aucune cause de désaveu, est légitime; il peut, dans le cas où sa filiation serait contestée, en faire la preuve, soit par son acte de naissance, soit par une possession d'état constante, soit même par témoins, mais seulement s'il existe un commencement de preuve par écrit, ou des présomptions ou indices graves, qui rendent sa réclamation d'état vraisemblable (C. civ., art. 319 et s.).

Les règles applicables à la preuve de la filiation légitime ne sont pas les mêmes dans tous les Codes. Ici elle

Ce troisième cas de désaveu ne se rencontre pas dans la législation belge, qui a conservé, en cette matière, le texte primitif du Code Napoléon.

ne peut résulter que de l'acte de naissance; là un acte de baptême, ailleurs une simple possession d'état suffit; et si la présomption Pater is est se retrouve presque partout, les modes suivant lesquels elle peut être attaquée et contredite different. La plupart des législations admettent aussi une présomption pour la durée de la grossesse ; mais le maximum et le minimum qu'elles assignent à cette durée ne sont pas toujours identiques à ceux que le Code civil a fixés.

Le droit anglais considère comme légitime tout enfant né pendant le mariage, alors même que sa conception se placerait nécessairement à une époque antérieure; mais ce n'est là qu'une présomption de pur fait, que le mari ou tout intéressé est en droit de combattre et de détruire; à cet effet, tous les moyens de preuve sont admis. Le mari pourra notamment justifier de son impuissance ou encore de son éloignement à l'époque où l'enfant a été conçu. L'action en désaveu ne se heurte donc pas aux mêmes obstacles et aux mêmes restrictions qu'en France; aux tribunaux il incombe de faire justice de celle qui serait inconsidérée ou inspirée par un désir de scandale 1.

Ce n'est pas seulement, d'ailleurs, l'enfant né au cours du mariage qui peut se dire légitime. La même qualité appartient à l'enfant qui a vu le jour après la fin de l'union qui a existé entre ses père et mère, pourvu que, suivant l'ordre naturel, sa conception puisse avoir été contemporaine du mariage. La loi ne pose à cet égard aucune présomption analogue à celle de l'article 312 de notre Code civil; elle remet également à la prudence du juge le soin de décider s'il est ou non possible de faire coïncider avec le mariage l'époque probable de la conception. Dans le cas où une femme viendrait à se remarier dans les neuf mois

1 Stephen, Commentaries on the laws of England, liv. III, c. 3, I. Sur le désaveu de paternité d'après la législation écossaise, voy. aussi Bell, Principles of the law of Scotland, no 1626.

qui suivent la dissolution d'un précédent mariage, l'enfant, né peu après son nouveau convol, est en droit de choisir pour son père, lors de sa majorité, le premier ou le second mari de sa mère.

Quant à la preuve proprement dite de la filiation légitime, elle n'est assujettie en Angleterre à aucune règle, et les tribunaux jouissent, sur ce point encore, d'un très large pouvoir d'appréciation. L'acte de naissance, la possession d'état détermineront presque toujours leur jugement; mais rien ne les empêche de chercher ailleurs les éléments de leur conviction, par exemple dans les papiers domestiques de l'enfant ou de sa famille, dans les énonciations d'un testament, etc.'.

Le droit germanique attribue de même au mari la paternité de l'enfant né après la célébration du mariage; mais il lui accorde en général un droit de désaveu, soit que la naissance ait suivi de trop près cette célébration, soit qu'elle ait suivi de trop loin la dissolution de l'union conjugale. Le nouveau Code civil allemand contient à cet égard les règles suivantes :

L'enfant né au cours du mariage est réputé légitime, lorsque sa mère l'a conçu avant ou pendant ce mariage, et que le mari a cohabité avec celle-ci à l'époque légale de la conception, qui s'étend du 181° au 302° jour avant la naissance. L'enfant est au contraire illégitime, lorsque les circonstances démontrent qu'il est impossible que la femme l'ait conçu des œuvres de son mari. La loi présume la cohabitation des époux à l'époque de la conception; mais si cette époque se place avant le mariage, la présomption n'a lieu, qu'autant que le mari est décédé sans avoir attaqué la légitimité de l'enfant (C. civ. all., art. 1591 et 1592). De toute façon, l'illegitimité de l'enfant né pendant le mariage, ou dans les 302 jours qui suivent sa fin, ne peut être

1 Ernest Lehr, Eléments de droit civil anglais, p. 132; Glasson, dans la Grande encyclopédie du XIXe siècle, vo Filiation, t. XVII, p. 458.

invoquée que si le mari l'a désavoué, ou est décédé sans avoir, par une reconnaissance formelle ou par l'expiration du délai d'une année à compter du jour où il a été instruit de sa venue au monde, perdu le droit de le désavouer (C. civ. all. art. 1593, 1594, 1598).

L'action en désaveu est en principe dirigée contre l'enfant, s'il est encore vivant (C. civ. all. art. 1596); après sa mort, la contestation de sa légitimité résulte d'une déclaration authentique faite au tribunal de la succession (C. civ. all. art. 1597). Il est remarquable, notons-le en passant, que le Code allemand autorise le désaveu de l'enfant conçu pendant le mariage, dès qu'il est établi qu'il n'y a pas eu de cohabitation entre le mari et la femme, au temps de la conception; il n'exige nullement, ainsi que le fait la loi française, la preuve de l'impossibilité physique de cohabitation au cours de cette période; mais, à un autre point de vue, il se montre plus rigoureux, puisqu'il exclut le désaveu, si l'absence de cohabitation n'est pas prouvée, et cela alors bien qu'il y aurait eu adultère de la femme et recel de la naissance de l'enfant1.

Le droit de désaveu est également consacré par le Code civil autrichien et par les divers Codes de la Suisse allemande.

En Autriche, le désaveu est possible lorsque l'enfant est né avant le 7 mois qui suit le mariage, ou après le 10° depuis l'événement qui l'a dissous (C. civ. autr., art. 138). L'enfant né plus de 10 mois après la séparation de corps intervenue entre les époux n'est réputé légitime à ce point de vue que s'il est établi que, pendant la période légale de la conception, le mari a cohabité avec sa femme (Hofdecret du 15 juin 1835, no 39). L'action en désaveu doit être intentée par le mari, dans les trois mois à compter du jour où il a connu la naissance de l'enfant; il lui incombe de

1 Bufnoir, dans le Bulletin de la Société de législation comparée, 1890, p. 699; Keidel, dans le Journal du dr. int. pr., 1899, p. 244, note 1.

prouver contradictoirement avec le curateur nommé à cet enfant pour défendre sa légitimité, qu'il n'est pas possible qu'il ait été conçu de ses œuvres. L'aveu de la mère ne serait pas une preuve suffisante (C. civ. autr., art. 158). Dans le cas où le mari viendrait à décéder, étant encore dans le délai pour agir, ses héritiers, ayant intérêt à contester la légitimité de l'enfant, succèdent à son action, à la condition de l'intenter dans les trois mois qui suivent le décès de leur auteur (C. civ. autr., art. 159)'.

En Suisse, nous retrouvons des règles sensiblement analogues. Partout, il est admis que la présomption de légitimité qui protège l'enfant né à partir de la conclusion du mariage peut être combattue par le mari, s'il prouve qu'il n'a pas cohabité et qu'il lui a été impossible de cohabiter avec sa femme pendant le temps légal de la conception, qui s'étend ordinairement du 180° jour au 300° en remontant à compter de la naissance (V. not. C. bernois, art. 143 et 144; C. Zurich, art. 132 et 133; L. Saint-Gall, 4 janvier 1887, art. 3 et s. 2). Mais les divergences apparaissent, lorsqu'il s'agit de savoir quel est le point de départ de la présomption de légitimité. Ici (Argovie, Berne, Fribourg, Grisons, Lucerne, Soleure), il suffit, pour que l'enfant soit réputé légitime, qu'il soit né pendant le mariage, alors même que sa conception se placerait nécessairement avant cette époque. Ailleurs (Glaris, Schaffhouse, Thurgovie, Zurich), il est indispensable que cette conception ait pu avoir lieu au cours du mariage; en d'autres

1 Fuchs, Die Rechsvermuthung der ehelichen Vaterschaft, Vienne, 1880, p. 79 et s., 126 et 132; Ernest Lehr, Traité de dr. civ. germanique, Paris, 1892, t. II, nos 1249 et s. Cf. dans le Journal du dr. int. pr, 1877, p. 69, un arrêt de la Cour suprême de Vienne, du 2 mars 1871, et ibidem, p. 77, un autre arrêt de la même Cour, en date du 24 janvier 1871. Cette dernière décision fixe à 30 jours la durée du mois légal.

2 Annuaire de législation étrangère, 1888, p. 688. Une loi d'Unterwald, du 6 mars 1886 (art. 13) place entre la 42 et la 38 semaine qui précèdent la naissance de l'enfant venu à terme la période légale de la conception. Annuaire de législation étrangère, 1887, p. 560.

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