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armes autrichiennes ou françaises y garantissaient le maintien de la paix publique. Des deux puissances du premier ordre, l'une avait su se défendre seule contre les convoitises mal cachées de la Grande-Bretagne. On avait fait à Naples une assez coûteuse expérience du régime constitutionnel pour ne plus garder aucune illusion de ce côté. Tout ce que la royauté y reprendrait de libertés prétendues, serait autant de gagné pour le bonheur des peuples. Il n'en était pas de même en Piémont. Là, une aristocratie turbulente et irréligieuse, une bourgeoisie tracassière et avide de places, avaient trop d'intérêt à l'établissement du régime constitutionnel, pour ne pas entrer dans une ligue commune avec ces patriotes de nouvelle espèce qui avaient failli consommer la ruine du Piémont. Après des tentatives prématurées pour renverser la monarchie, le tiers parti révolutionnaire avait enfin compris qu'il ne fallait pas marcher trop vite, et que rendre, dès les premiers pas, l'établissement constitutionnel impossible, était peut-être le plus sûr moyen de restaurer l'autorité royale tout entière. Aussi le régime parlementaire semblait enfin se fonder sans secousses. Mais les premiers actes de ses inspirateurs devaient bien vite révéler quelles tendances anarchiques et dissolvantes se dissimulaient sous ces apparences régulières.

En dehors des gouvernements visibles, s'agitait toujours ce parti qui n'a pas de patrie et qui rêve en tous pays l'établissement de la dictature armée. Un prétendu Comité national italien, choisi par soixante représentants de l'Assemblée constituante romaine, continuait à se considérer comme maître des destinées de l'Italie. Ce comité, par un acte, en date du 4 juillet 1849, avait délégué sa souveraineté prétendue à trois membres, MM. Joseph Mazzini, Aurelio Saffi et Mathias Montecchi. Ces trois nouveaux triumvirs cherchaient, par menaces ou par séductions, à réaliser un emprunt révolutionnaire de 10 millions. Pour spéculer sur la peur des bourgeois italiens, le Comité promettait un secret absolu pour les noms des souscripteurs qui voudraient provisoirement rester inconnus. On tiendrait néanmoins un registre des sommes versées, ainsi que les noms des actionnaires, afin que plus tard les actions devinssent un certificat de civisme. Un certain nombre d'actions furent souscrites, mais surtout par la bour

geoisie anti-papiste de Londres. Les Anglais continuaient ainsi la politique de lord Palmerston.

Le projet qui peut contenir, pour l'Italie, cette unité qu'elle rêvait naguère par les armes, le seul qui puisse la réaliser, c'est l'union des territoires par la suppression des lignes de douanes qui séparent les Etats, l'égalisation des tarifs sur toute la surface des pays italiens. Mais les dissidences politiques, les défiances mutuelles laissent peu de place à l'espérance. C'est une puissance non italienne, c'est l'Autriche qui, à l'aide de ses Etats LombardoVénitiens et au moyen de son influence sur les puissances de second et de troisième ordre, tend à réaliser la première une partie de ce projet. Le 3 juillet 1849 et le 12 février 1850, les Gouvernements de Vienne, de Rome, de Modène et de Parme signaient un traité pour la libre navigation du Pô. Le 5 novembre, le ministre des Affaires étrangères, sénateur Andrea Corsini, duc de Castigliano, et le baron Hügel, chargé d'affaires d'Autriche, signaient un autre traité pour la formation d'une ligue austro-italique, et aussi une convention spéciale assise sur de larges bases, pour l'accession de la Toscane à cette ligue. Le complément de ces efforts est dans un projet qui doit relier Venise et Trieste à Livourne par des lignes de fer. Le Gouvernement romain balançait encore à donner son consentement à ce projet, qui menace les intérêts d'Ancône. Mais l'Autriche y tient, car elle y voit un immense débouché pour ses produits, et une source nouvelle et puissante d'influence en Italie. Livourne deviendrait par là le centre où le commerce de la Méditerranée se relierait au commerce de l'Adriatique et de l'Allemagne méridionale. La prospérité de Gênes est sérieusement menacée par cette combinaison, et le Gouvernement sarde n'en porte qu'avec plus d'ardeur ses efforts vers la réalisation d'un chemin de fer qui joindrait Gênes et Turin à la Suisse, en traversant les Alpes au moyen de gigantesques travaux. La Toscane possède déjà des chemins de fer de Florence à Pise et Livourne, de Florence à Orato, de Pescia à Lucques, de Pise à Lucques, parmi lesquels le premier a une grande importance. Dans peu de temps, on ouvrira une voie nouvelle, celle d'Empoli à Sienne. Dans les Etats de l'Eglise, les constructions sont nulles jusqu'à présent; Naples aussi s'abstient de tra

vaux. On ne construit que la petite ligne de Capoue à Castellamare et Nocera.

On le voit, excepté en Toscane et en Lombardo Vénétie, l'Italie est plus riche en projets qu'en lignes faites..

ÉTATS DU SAINT-SIÉGE.

Le retour du saint-père annonça enfin le rétablissement de l'ordre et la cessation d'une crise pleine de périls. La présence du chef de l'Église promettait la sécurité au commerce en laissant entrevoir un nouvel avenir de calme et de prospérité. Si Si Pie IX consentit à rentrer dans ses États le 12 avril. Sans doute, la présence d'une armée étrangère ne laisserait pas à la politique papale toute sa liberté d'action; mais le saint-père ne voulut pas plus longtemps priver de sa présence ses sujets arrachés à une crise suprême, et cette ville qui ne vit que par lui. La direction loyale et bienveillante donnée par le général La Hitte aux rapports de la France avec l'Italie commençait à porter ses fruits. Une heureuse entente s'établissait entre le saint-père et le nouvel ambassadeur français, et on pouvait espérer que bientôt l'autorité papale serait rétablie avec toute sa force morale et toute sa liberté. Au mois de septembre 1849, après le rétablissement du gouvernement pontifical par les armes françaises, S. S. le pape Pie (X avait publié un motu proprio dans lequel il promettait de réorga niser l'administration de ses États sur de nouvelles bases. Le saint-père remplit ses promesses. Il ne fallait pas s'attendre, il est vrai, à voir le chef de l'Église introduire dans ses États une Constitution napoléonienne, comme le réclamait, l'année précédente, dans un document célèbre, le président de la République française. Ce qu'il fallait avant tout aux États romains, c'était une administration régulière.

Le 10 septembre, le premier secrétaire d'État, cardinal Antonelli, exécuta par deux édits les réformes promises. Le premier organisait cinq ministères, l'Intérieur, la Justice, les Finances, le Commerce et la Guerre, et spécifiait les attributions de ces divers départements. Le second instituait un Conseil d'État composé de neuf conseillers ordinaires et de six conseillers extraordinaires, et

présidé par un cardinal. Tous ces fonctionnaires seraient nommés par le pape, par l'intermédiaire du secrétaire d'État, Il faut ajouter à ces édits une loi sur le gouvernement des provinces et sur l'administration: provinciale,. et un décret constitutif des com munes. Par toutes ces mesures, le gouvernement du saint-père montrait la ferme intention de ne pas rétrograder au delà du motu proprio de 1849 cet acte resterait le point de départ de l'administration nouvelle..

Le côté faible de l'administration pontificale, c'est le côté fi nancier. Le pro-ministre des Finances avait à réparer tous les désordres causés par une longue anarchie. L'institution d'une banque des Etats romains, l'émission de certificats de crédit sur le trésor public, un remède héroïque, un emprunt plus ou moins volontaire, mais généralement consenti moyennant une prime, de nouvelles taxes sur les professions,, l'institution d'une consulte des finances, le maintien d'une contribution extraordinaire, toutes ces mesures, sans doute irrégulières pour la plupart, mais réparatrices, attestaient une activité qui ne tarderait pas à remettre> quelque ordre dans la situation financières.

Quant à l'action spirituelle du saint-siége, on sait avec quel éclat et quelle puissance: il relevait en Europe le drapeau du catholicisme. Il rappelait la Belgique à sa vieille foi un moment ébranlée par l'esprit libéral; il condamnait la direction fâcheuse du gouvernement sarde; il organisait fièrement le ca tholicisme en Angleterre malgré les indignations menaçantes du protestantisme intolérant. Partout la papauté montrait que, faiblement armée des armes terrestres, elle est toujours la maîtresse invincible du monde spirituel.

ÉTATS SARDES.

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L'ouverture des chambres piémontaises avait eulieu le 20 décembre 1849.. Le jeune roi avait donné, dans son discours, une leçon à cette opposition taquine dont le seub but paraît être de, précipiter le pays sur la pente révolutionnaire. « Cette situa i tion, si elle se prolongeait, nous enlèverait notre réputation au dehors, et elle dégoûterait le pays des institutions nouvelles. D

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On se rappelle qu'il avait fallu un appel désespéré de la royauté à ses sujets pour les transformer en électeurs, et faire entrer dans le parlement d'autres éléments que ces fauteurs d'agitations politiques qui forment la couche superficielle dans tous les pays, brouillons éloquents ou bavards qui suppléent à leur petit nombre par leur dangereuse activité. «Si l'on veut, disait encore S. M. Sarde, que ces institutions jettent de profondes racines dans les cœurs et dans les esprits, il ne suffit pas d'un décret royal; il faut encore que l'expérience en démontre l'utilité. » C'est qu'en effet, cette expérience constitutionnelle si maladroitement imposée à un pays italien, rien ne forçait le Piémont à la faire, si ce n'est l'aveugle obstination de quelques hommes qui voient dans le gouvernement aux pouvoirs équilibrés de la vieille Angleterre un modèle pour les États les plus divers, pour les tempéraments politiques les plus opposés. Ce succès du régime constitutionnel dans la Grande-Bretagne peut être considéré, en quelque sorte, comme la plaie du monde moderne. Fatal à tous les autres pays du monde, le Gouvernement constitutionnel semble n'être, ailleurs que sur le sol anglais, autre chose qu'un précurseur naturel et un introducteur constant de la démagogie.

Le Piémont entrait, lui aussi, dans cette voie funeste. Aux agitateurs violents qui démasquent imprudemment leurs pensées de destruction, succédaient pour les gouverner, ces hommes parlementaires qui semblent à première vue les soutiens de la royauté dont ils préparent l'abaissement graduel.

Plus convenable au moins et plus habile que la chambre de 1849, le nouveau parlement sanctionna silencieusement le fatal traité du 6 août (7 janvier). Ce fut un acte de dignité hautement approuvé par le pays, naturellement calomnié par les impatients de la démocratie.

Après ce vote honorable, le parlement s'empressa d'inaugurer à la suite de son Gouvernement, une série d'actes préparatoires destinés à miner lentement la monarchie et la société elle-même. Par tous pays, c'est à la religion qu'on s'attaque en premier lieu. Le respect des choses saintes une fois ébranlé, les autres principes sociaux n'opposent plus une longue résistance. Une loi sur les Affaires ecclésiastiques fut présentée, au commencement de mars,

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