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Ce devait être là le dernier budget calculé en francs suisses. Une loi du 7 mai adopta l'unité numéraire française, le franc de 100 centimes, composée de 5 grammes au titre de 9[10 de fin. Les nouveaux types des monnaies fédérales, d'après le système décimal français, porteraient la croix fédérale avec quelques ornements, et le chapeau de Guillaume Tell. Les pièces d'argent porteraient les exergues en trois langues différentes le français, l'allemand et l'italien.

:

Lorsque se rouvrirent les séances du conseil national (4 novembre), M. le président Kern jeta un coup d'œil d'ensemble sur les différents projets de loi soumis aux délibérations de l'Assemblée fédérale. On y trouvait un projet sur la responsabilité des autorités fédérales, un autre sur la révision des contingents en hommes et en argent, un sur l'habillement et l'équipement de l'armée, un projet de code fédéral et de procédure civile.

La question de Neuchâtel fit un nouveau pas cette année, par l'envoi d'une note fédérale. Cette dépêche était peu habilement conçue. On y lisait :

« Le changement de la Constitution fédérale suisse, la position particulière de Neuchâtel qui, dans toutes les affaires intérieures, a été indépendant des princes, et qui à l'intérieur était doté d'institutions dont la forme républicaine prédominait essentiellement; les événements survenus dans ce canton; le même intérêt qu'il présente pour la puissance de la couronne royale de Prusse; l'influence considérable et permanente que tant d'événements analogues de nos temps exerceront pour l'avenir et qui ne passera pas sans laisser en Allemagne des traces d'une nouvelle organisation; toutes ces circonstances ne peuvent échapper à la sagacité du gouvernement de S. M. prussienne. On peut attendre de la sagesse et des sentiments généreux de S. M. le roi que, pour consolider la paix du canton de Neuchâtel, il se prêtera à aplanir les difficultés exis

tantes. >>

Le Gouvernement prussien profita adroitement des ambiguités de ce style pour répondre qu'il prenait acte de la reconnaissance de ses droits. Rappeler la révolution de 1848, c'était, en effet, présenter le côté faible. La note prussienne ajoutait que, lorsque les choses seraient replacées dans l'ancien état, le Gouvernement de Berlin consulterait, avant de prendre une détermination, les besoins du canton et la situation nouvelle de la Suisse.

Le 25 janvier 1850, le conseil fédéral, comprenant la fausse position qu'il avait prise, se défendit, dans une note nouvelle, 'd'accepter les réserves faites par la Prusse. Mais M. Druey ne put éviter des interpellations sur son attitude dans cette question. Lorsque vint le rapport de la commission du Conseil national sur la gestion du Conseil fédéral, M. Eytel proposa une sorte d'ordre du jour destiné, sinon à blâmer explicitement le passé, au moins, dit-il, à assurer l'avenir. Voici cette proposition:

<< A l'occasion de l'affaire de Neuchâtel, l'Assemblée fédérale estime et déclare qu'il ne peut être ouvert avec une puissance étrangère aucune négociation ayant pour objet une portion quelconque du territoire de la Confédération ou l'indépendance de l'un des États qui la composent, sans que le peuple suisse ait été préalablement consulté. »>

M. Druey, sommé de s'expliquer, donna, dans ce langage peu châtié qui est de mise dans les assemblées suisses depuis le triomphe de son parti, des explications assez cavalières et des commentaires instructifs de la note du 8 novembre. « Vous avez bien pu, dit-il à S. M. prussienne, dissoudre la diète germanique, créer un Parlement allemand, le dissoudre, changer la constitution de votre monarchie, en un mot, faire de la révolution; pourquoi le canton de Neuchâtel n'aurait-il pas le droit d'en faire autant que vous. Et encore a-t-il agi plus loyalement, moins violemment que vous. » Appréciation piquante de la démagogie prussienne par la démagogie helvétique! La commission du Conseil national, sans blâmer la correspondance, pensa qu'il eût été préférable qu'elle n'eût pas eu lieu; à ses yeux, il ne pouvait être fait aucune démarche décisive sans une résolution de l'Assemblée fédérale, et il était à désirer que la position faite au canton de Neuchâtel par la constitution fédérale fût maintenue dans son intégrité. Toutefois, la motion de M. Eytel fut repoussée (6 novembre).

Une question internationale assez grave montra combien l'es. prit démagogique est contraire à toute idée de discipline et de respect des lois. On sait l'admirable conduite tenue, lors de l'insurrection napolitaine du 15 mai 1848, et lors de la pacification de la Sicile, par les régiments suisses au service du roi de Naples.

Qu'on pût trouver en Suisse 7,000 braves soldats disposés à respecter leur serment et à combattre pour un roi contre des traîtres, c'était là sans doute une honte pour le Gouvernement fédéral. La démagogie italienne s'en plaignit hautement: la démagogie suisse ne pouvait rester en arrière. Le gouvernement français de 1848, lui-même, et avec cette intelligence des intérêts de la France, qui le distinguait à cette époque, réclamait le rappel des régiments suisses. La Grande-Bretagne appuyait cette réclamation naïve, voyant là un moyen de désarmer les maîtres de la Sicile qu'elle convoitait. D'ailleurs la constitution suisse de 1848 avait condamné le principe des capitulations militaires. Il est vrai que plusieurs cantons étaient liés pour huit ans encore avec S. M. sicilienne : mais une parole donnée peut se reprendre. Aussi, le 20 juin 1849, un arrêté fédéral porta suppression des capitulations conclues avec Naples. Le gouvernement napolitain n'en tint naturellement aucun compie et les enrôlements continuèrent. Le gouvernement fédéral présenta donc, cette année, à l'Assemblée fédérale un projet de loi portant anulation de l'arrêté du 20 juin 1849. Le 6 décembre, le Conseil national consacra de nouveau, à une majorité de 49 voix contre 46, le principe de l'annulation des capitulations militaires avec le royaume des Deux-Siciles: mais, dans la même séance, il dut rejeter à la majorité de 54 voix contre 41, la suppression immédiate de ces capitulations. Le statu quo fut maintenu.

Mais, plus que toute autre question internationale, la situation spéciale faite à la Suisse par la présence des débris nombreux d'insurrections européennes, appelait la sollicitude du directoire fédéral. Réfugiés allemands de la Bavière rhénane et du grandduché de Bade, Polonais entrepreneurs cosmopolites de révolutions, Français rejetés de leur patrie à la suite de tentatives démagogiques avortées, Italiens vaincus en 1848 et 1849, tel était le personnel d'une émigration qui ne considérait pas seulement la Suisse comme un asile, mais comme une position militaire. Le radicalisme helvétique s'appuyait sur cette force extérieure qu'il espérait faire servir à ses projets sur la confédération. Les comités révolutionnaires de Berne, Fribourg, Vaud, Neuchâtel, Genève avaient organisé, sous le titre de Comité des communications

une sorte de vorort démagogique présidé par M. Eytel, C'est cette force occulte qui paralysait les intentions souvent loyales des hommes d'État de Berne. En vain, en juillet 1849, le Conseil fédéral avait-il ordonné l'expulsion des insurgés allemands; en vain avait-il, à plusieurs reprises, publié des listes de réfugiés auxquels il interdisait le territoire suisse. Tous les hommes importants de l'émigration europénne persistaient à rester dans leur asile; les réfugiés allemands résidaient daus les cantons radicaux les plus rapprochés des Etats allemands; les réfugiés français stationnaient sur la limite des départements du Jura et de l'Isère. Les principaux chefs de la démagogie européenne tenaient, sous l'œil même de M. James Fazy, des conciliabules secrets à Genève. Quant au directoire fédéral et à son président, M. Druey, ils portaient des arrêts nouveaux contre les réfugiés, mais ils fermaient les yeux sur l'inexécution de ces mesures.

Une convention postale fut signée, le 2 novembre, à Bâle, entre la Suisse et l'Espagne; l'affranchissement pour la correspondance ordinaire cessait d'y être nécessaire. Toute lettre dont le poids n'excéderait pas 7 grammes et demi en Suisse, 4 adurmes (un quart d'once) en Espagne, payerait 1 fr., dans le premier pays et 4 réaux dans le second; au-dessus de ce poids jusqu'à 15 gr., on 8 adurmes, 2 fr. ou 8 r. Les journaux ou imprimés étaient tarifés à 15 c. en Suisse et 12 maravédis en Espagne, par feuille d'impression. La convention était établie pour cinq ans, mais continuerait à rester en vigueur, à moins de dénonciation un an avant le 25 mars 1856.

Une convention de même espèce fut conclue avec la Sardaigne. Des conventions d'extradition furent encore signées avec les États-Unis du nord de l'Amérique et le royaume de Bavière.

CHAPITRE VIII.

SITUATION GÉNÉRALE.

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Le principe révolutionnaire et le principe monarchique; les conspirateurs, l'emprunt italien; l'unité possible, douanes et chemins de fer, ligue austro-italique, chemin de fer austro-toscan. ÉTATS DU SAINT-SIÉGE. Retour du saint-Père, la politique et l'occupation française. Edits organisateurs, ministères et conseil d'Etat, provinces et communes. Finances. - Action spirituelle. ÉTATS SARDES.

Ouverture des Chambres en 1849, l'expérience constitutionnelle. Vote du traité avec l'Autriche. Persécution contre l'Eglise, lois Siccardi, vote et promulgation; protestations, lettre de Mgr Fransoni, son arrestation et sa condamnation; l'extrême-onction refusée à M. Santa-Rosa, désordres, arrestation nouvelle de l'archevêque, expulsion des Pères servites, exil de l'archevêque, séquestre placé sur les revenus; mêmes violences exercées contre l'archevêque de Cagliari, désordres graves; allocution papale, protestations, phrase du discours royal. Budgets, mesures financières. Traités de commerce et de propriété littéraire avec la France. Mariage du prince de Gênes.

DEUX-SICILES. Situation, loi sur la presse, le serment militaire. prospérité renaissante, fondation d'une dette publique. princesse Caroline de Naples.

La Sicile,

Mariage de la

GRAND-DUCHÉ DE TOSCANE. Suspension de la Constitution, suppression de la liberté de la presse. Conventions militaires avec l'Autriche, ligue austroitalique. Situation financière, budget. tations de la Russie et de l'Autriche.

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DUCHÉ DE PARME. Les suites de la révolution.

ITALIE.

Réclamation anglaise, protes

Échappée par la défaite de la démagogie, en Piémont, en Toscane et à Rome, aux dangers de la tyrannie radicale, l'Italie revenait peu à peu au calme et à la sécurité. Les petits États, malgré Jeurs désirs légitimes d'indépendance nationale, se sentaient encore trop faibles pour se confier à leurs propres ressources. Les

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