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payer les salaires. La récolte de l'année, en sucres, atteindrait à peine 600 barriques, c'est-à-dire le dixième de ce que la colonie exportait chaque année, et le manque d'argent avait empêché le renouvellement des plantations; il n'était que trop probable que l'on n'y tirerait plus de la canne assez de matières pour fournir aux besoins du commerce. C'est à peine si la consommation locale y trouverait à se satisfaire. La grande culture était délaissée, et la colonie devait au rocou, seule denrée productive, de pouvoir lutter encore contre la mauvaise fortune.

Un nouveau gouverneur, M. le capitaine de vaisseau Maissin, vint prendre, en juin, le gouvernement intérimaire de la Guyane. Vers la fin de l'année, la fièvre jaune, qui n'avait pas reparu depuis 1802, au moins comme épidémie, fit une invasion nouvelle dans la colonie. Au mois de décembre, la mortalité prenait de proportions effrayantes.

Sénégal. Notre mouvement commercial avec la côte occidentale d'Afrique a pris des proportions inespérées; il a doublé dans ces dernières années. Son accroissement est bien plus sensible encore si l'on veut étendre les termes de la comparaison en se reportant à vingt ans en arrière. La situation de notre commerce, dans ces parages, est telle, en un mot, que, chose inouïe ! notre pavillon y fait une concurrence des plus redoutables au pavillon anglais, et que celui-ci n'est pas en état de soutenir la lutte en certains endroits de la côte, en Gambie, par exemple. C'est un véritable phénomène dans les annales de notre commerce actuel. Il faut en chercher la cause dans la découverte d'un produit du pays, les arachides, qui n'a de débit ni en Angleterre, ni aux États-Unis, mais qui se vend bien en France. La marine militaire a contribué à cette découverte.

Notre colonie de Saint-Louis est engagée, depuis deux ans, dans des hostilités continuelles avec les Maures. Les rives du Sénégal sont habitées par des peuplades qui sont continuellement en état de guerre ouverte les unes contre les autres, et qui, de plus, sont souvent agitées par des divisions intestines. Au milieu des conflits et de l'anarchie qui en résultent, nos navires de commerce se trouvent fréquemment compromis. Tantôt ils sont soumis à des exactions, tantôt ils sont mis au pillage. Il n'est peut

être pas un seul des gouverneurs du Sénégal qui n'ait eu, dans le cours de son administration, à obtenir réparation de pareils méfaits. Le chef de cet établissement en 1849, le capitaine de vaisseau Baudin, avait été obligé, à son tour, de recourir à la force pour mettre à la raison certains chefs coupables d'actes de violence contre nos négociants.

Un chef, nommé Souraké, aidé des chefs des villages de Lannel et soutenu, par l'Almamy du Bondou, cherchait à s'affranchir de l'autorité du Touka du Caméra. Souraké, qui s'était établi entre Bakel et Makana, à 200 lieues au-dessus de l'embouchure du Sénégal, non content d'être en révolte ouverte contre l'autorité du chef de Makana, voulait contraindre tous nos bâtiments à s'arrêter chez lui pour lui payer une forte coutume. Cette prétention avait toujours été repoussée par les gouverneurs français, comme devant créer un fâcheux précédent pour les villages voisins. Souraké arrêta un de nos bateaux qui se rendait à Makana et en pilla tout le chargement. M. Baudin se décida à donner à ce chef une leçon sévère il expédia les avisos à vapeur le Basilic et le Serpent, sous le commandement de M. le lieutenant de vaisseau Reverdit. Le châtiment sévère infligé à Souraké amena la restitution des objets pillés, la renonciation à toute espèce de coutume, ex· cepté celle des chefs ordinaires de village, et mit un terme aux exactions exercées impunément jusqu'alors.

Pour donner à notre commerce une sécurité plus complète, le gouverneur du Sénégal crut devoir chercher à mettre, en outre, un terme à une guerre civile qui divisait l'une des tribus les plus considérables du fleuve, celle des Bracknas. Dans sa pensée, sans doute, le rétablissement d'une autorité unique responsable et obéie, était un moyen d'assurer chez cette tribu le respect des traités conclus avec nous, et de garantir la propriété de nos négociants. Il se dirigea donc en personne et à la tête de forces militaires vers le territoire des Bracknas. Mais, profitant de son éloignement, le chef d'une autre peuplade, non moins importante, celle des Trarzas, tomba sur des établissements formés par des colons aux environs de Saint-Louis, les dévasta et les pilla. Cette agression inattendue ramena précipitamment le gouverneur à Saint-Louis. A son retour, les Trarzas avaient disparu avec leur

butin. M. Baudin dut donc repartir aussitôt pour aller chercher des troupes qui étaient engagées dans l'expédition du haut Sénégal.

Relations extérieures.

Nous ne voulons ici qu'esquisser les principaux traits du tableau de nos relations politiques. Déjà on a vu que la situation de la Bande-Orientale (Plata) et la conclusion provisoire d'un traité entre la France et le gouvernement argentin, avaient occupé l'Assemblée nationale, mais surtout au point de vue de la politique intérieure. L'histoire spéciale du gouvernement argentin nous dira le reste.

La France fut encore engagée, mais seulement comme conseil officieux, dans une de ces querelles si nombreuses que soulève par le monde entier l'activité peu scrupuleuse du chef du ForeingOffice (voyez Grèce). Une froideur momentanée s'en suivit entre le gouvernement français et le gouvernement britannique. L'attitude ferme et digne gardée pendant ces événements par le ministre des Affaires étrangères, M. le général de La Hitte, eût été sans doute l'objet d'éloges unanimes si le gouvernement français n'avait cru devoir exagérer quelque peu les chances d'une rupture diplomatique pour les besoins de sa politique intérieure.

L'occupation française continuait à Rome, et, nous l'avons dit, plutôt par impossibilité de laisser à lui-même le gouvernement du Saint-Siége, que par le libre choix des deux parties intéressées.

Un moment seulement, pendant cette année, on put craindre que la paix de l'Europe ne fût sérieusement menacée. Des complications survenues en Allemagne (voyez Etranger, chapitre II) firent prendre au gouvernement français une mesure de précaution. Un décret présidentiel, du 15 novembre, appela sous les drapeaux 40,000 hommes de la classe de 1849. Ce n'était, aut reste, qu'une anticipation sur le mouvement du printemps de 1851. D'ailleurs, il ne fut pas question de donner à l'armée une attitude militaire décidée. Les 40,000 hommes furent versés dans les places fortes et garnisons des frontières de l'est et du nord mais il ne fut pas formé d'armée d'observation, ni même de rassemblement de troupes. Déjà, dans son message, le Président de la République avait indiqué l'attitude nécessaire de la

France dans cette question. Le 30 novembre, sur le rapport de M. de Rémusat, l'Assemblée s'associa aux paroles du Président par la déclaration suivante :

« L'Assemblée nationale, convaincue que dans les questions qui divisent l'Allemagne, la politique de la neutralité, telle qu'elle a été indiquée dans le message du Président de la République, est la seule qui convienne à la France, passe à la discussion des articles. >>

Ces paroles, si nettes et si fermes, furent entendues au delà du Rhin, et peut-être put-on les compter pour quelque chose dans la solution pacifique du différend élevé entre l'Autriche et la Prusse.

On retrouvait enfin l'action pacificatrice de la France dans les conférences ouvertes à Londres pour l'apaisement de la guerre du Holstein et pour le maintien légitime de l'unité du Danemark (voyez plus loin, p. 446).

DEUXIÈME PARTIE.

HISTOIRE ÉTRANGÈRE.

CHAPITRE PREMIER.

BELGIQUE. Ouverture de la session des Chambres. Questions financières et économiques; céréales, échelle mobile, droit fixe; banque nationale; caisse de retraite; lois et mesures d'assistance publique, communisme administratif; budgets; loi sur la monnaie d'or; lois secondaires, faillites, médecine vétérinaire ; aliénés. — Enseignement de l'État, le libéralisme athée, loi générale de 1849, création d'athénées royaux; pétitions, protestations, les évêques; vote de la loi sur l'enseignement moyen; élections nouvelles, le parti catholique renforcé; allocution du Saint-Père, dépêche et article officiel en réponse; ordre du jour favorable au ministère. Crise ministérielle, la garde civique jugée, démission du ministre de la Guerre, remaniement du cabinet. Anniversaire de septembre, fête nationale; mort de la reine, deuil national. Circulation, transit, chemins de fer, commerce. Traités de navigation et de commerce, prorogation de la convention avec le Zollverein, l'union douanière avec la France.

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NÉERLAN DE. Fiu de la crise ministérielle, ministère Thorbecke, son programme. Loi électorale, abaissement du cens, progression menaçante. Lois diverses, naturalisation, régence, tutelle, nouveau système postal. Réforme économique, abolition des lois de navigation. — Dissolution des Chambres. - L'année financière, difficulté des économies, budgets de 1850 et de 1851; situation favorable, augmentation des produits ; démonétisation de l'or. - Élections nouvelles, ouverture de la session, adresse; projets présentés. Nouvelle organisation de l'infanterie. Dénonciation du traité de commerce avec Venezuela. Colonies, révolte des Chinois de Bornéo, expédition dans le Sambas, prise de Pemangkat.

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BÉLGIQUE.

La session des Chambres fut ouverte par le roi en personne, le 13 novembre 1849. La situation générale était satisfaisante: le discours royal le constata (voyez l'Annuaire précédent, p. 479). Ce discours, singulièrement écourté, ne soulevait aucune des

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