Page images
PDF
EPUB

lui était dénoncé par le sieur Pardon, était un délit de sa competence ou ne l'était pas; que, s'il ne l'etait pas, le tribunal n'a pas dû prononcer une condamnation de dommages-intérêts, qui ne peut être que l'accessoire d'une Peine encourue pour un délit de police; que s'il l'etait, le tribunal n'a pu, sans excéder ses pouvoirs, dispenser les prévenus de la Peine attachée par la loi à ce délit ;

» Par ce motif, la cour casse et annulle le jugement rendu le 4 août dernier par le tribunal de police du canton de Néroude.... ».

XIIbis. Un tribunal peut-il, en déclarant l'accusé coupable du crime qui lui est imputé, ne le condamner qu'à une Peine inférieure à celle que détermine la loi, sous le prétexte qu'il ne trouve pas la preuve de sa culpabilité assez complette?

« Le procureur général expose qu'il est charge par le gouvernement de requérir l'annullation d'un jugement en dernier ressort qui viole ouvertement la loi.

» Plusieurs habitans de l'ile de Corse ont été prévenus, en mai 1809, d'avoir entretenu des intelligences avec les Anglais, et d'en avoir recu de l'argent pour leur livrer la citadelle d'Ajaccio.

>> Ce crime portant, entre autres caractères, celui d'espionnage, une commission militaire a été nommée, conformément au décret du 17 messidor an 12, pour en connaître.

» Le 20 juillet de la même année, cette commission s'est constituée en tribunal; et après avoir entendu tous les prévenus, elle a d'abord déclaré qu'il était constant qu'il y avait eu conspiration contre l'État.

>> Ensuite, prononçant sur la culpabilité des prévenus, elle en a acquitté plusieurs.

>> Puis, venant aux nommés François Levic, Clément Padovani, Étienne Durazzi et Joseph-Antoine Caparelli, elle a déclaré qu'ils n'étaient pas suffisamment convaincus pour leur appliquer la Peine capitale.

>> Et néanmoins elle les a condamnés à la déportation.

» Cette manière de prononcer rappelle la jurisprudence des anciens tribunaux qui tarifant, en quelque sorte, les preuves d'après le plus ou le moins de gravité des peines, ne se faisaient aucun scrupule de condamner, par exemple, aux galères à perpétuité, tel accusé qu'ils reconnaissaient n'être pas assez clairement convaincu pour qu'on lui appliquát la Peine de mort.

» Mais cette absurde jurisprudence est abo. lie. Les lois nouvelles, en obligeant tous les tribunaux, et les tribunaux militaires comme

les tribunaux civils, d'insérer dans leurs jugeméns de condamnation, les textes des dispositions pénales qu'ils appliquent, les placent nécessairement dans l'alternative, ou d'acquitter lès accusés, lorsqu'ils ne les trouvent pas suffisamment convaincus, ou de les condam. dans le cas contraire, à toute la rigueur des Peines établies par la loi.

ner,

>> Comment donc la commission militaire d'Ajaccio a-t-elle pu, par le jugement dont il s'agit, prononcer comme elle l'a fait ?

» Elle s'est fondée sur le décret de la convention nationale, du 7 juin 1793, lequel autorisait les tribunaux criminels, comme celui du 10 mars précédent avait déjà autorisé le tribunal extraordinaire de Paris, à condamner à la Peine de la déportation, ceux qui étant CONVAINCUS de crimes ou de délits qui n'auraient pas été prévus par le Code pénal et les lois postérieures, ou dont la punition ne serait pas déterminée par les lois, et dont l'incivisme et la résidence sur le territoire français, auraient été un sujet de trouble et d'agitation.

» Mais 1o. ce décret, fruit du régime de la terreur, est rentré dans le néant avec ce régime. Et la convention nationale qui l'avait rendu, l'a si bien senti elle-même, que, le 20 nivóse an 3, elle a chargé ses comités de législation et de sûreté générale de statuer définitivement sur la mise en liberté des personnes condamnées à la déportation en vertu de ce décret.

2o. Ce décret n'autorisait pas les tribunaux criminels à prononcer la Peine de la déportation contre les accusés de crimes prévus par le Code pénal, qui n'en seraient pas suffisamment convaincus. Il leur conférait seulement le pouvoir d'infliger cette Peine aux accusés de crimes dont ils seraient pleinement convaincus, mais qui ne se trouveraient point classés dans le Code penal.

» Ce décret ne pouvait donc, sous aucun rapport, fournir à la commission militaire d'Ajaccio, le prétexte de condamner à la déportation, pour un crime emportant la Peine capitale, des accusés contre lesquels elle reconnaissait elle-même qu'il n'existait point de preuves assez claires pour les condamner à

mort.

» Aussi le chef du gouvernement s'est-il empressé, aussitôt qu'il lui a été donné connais sance de cette étrange condamnation, d'user, en faveur des condamnés, de son droit de faire grâce.

» Mais, en même temps, il a chargé le grand-juge ministre de la justice de lui faire un rapport sur les moyens que peut offrir la

Régislation de faire annuler ce jugement mons.

trueux.

>> Ce rapport a été fait le 21 avril dernier ; et par le résultat qui le termine, le grandjuge ministre de la justice a proposé au chef du gouvernement de trouver bon qu'il dénoncát le jugement du 20 juillet 1809 à la cour de cassation, en vertu de l'art. 441 du Code d'instruction criminelle.

» Par une décision du 28 du même mois, le chef du gouvernement a donné son approbation à ce résultat ; et par là, il a sanctionné la jurisprudence par laquelle la cour avait déjà etabli que les jugemens des tribunaux d'exception que des lois spéciales mettent à l'abri du recours en cassation dans l'intérêt des parties tant publiques que privées, peuvent néanmoins être annulés dans l'intérêt de la loi, toutes les fois l'annullation en est que provoquée par l'exposant, muni, à cet effet, d'un ordre du grand-juge ministre de la justice.

» Ce considéré, il plaise à la cour, vu la lettre écrite par le grand-juge ministre de la justice à l'exposant, le 26 mars dernier ; l'art. 441 du Code d'instruction criminelle et l'art. 410 du même Code, casser et annuler, dans l'intérêt de la loi, la disposition du jugement de la commission militaire d'Ajaccio, du 20 juillet 1809, qui condamne à la déportation les nommes François Levie, Clément Padovani, Étienne Dnrazzi et Joseph-Antoine Caparelli; et ordonner qu'à la diligence de l'exposant l'arrêt à intervenir sera imprimé et transcrit sur le registre où est couché ledit jugement.

» Fait au parquet, le 5 juin 1813. Signé Merlin.

» Oaï le rapport de M. Oudart.... ;

» Vu l'art. 31 de la loi du 3 brumaire an 5....; » Considérant que la commission militaire formée à Ajaccio conformément au décret du 17 messidor an 12, a déclaré que François Levie, Clément Padovani, Étienne Durazzi et Joseph Caparelli n'étaient pas suffisamment convaincus pour leur appliquer la Peine capitale; que, d'après cette déclaration, la commission militaire ne pouvait se dispenser de les acquitter et d'ordonner leur mise en liberté sur-le-champ, conformément à l'art. 31 de la loi citée ci-dessus qui doit être observée par les commissions militaires comme par les conseils de guerre ; que néanmoins la commission militaire formée à Ajaccio, les a condamnés à la déportation, en se fondant sur le décret de la convention nationale du 7 juin 1793;

» Considérant que ce décret, fruit de la ter

que

reur et la convention nationale avait rapporté par son décret du 29 nivôse an 3, n'autorisait les tribunaux criminels à prononcer la Peine de la déportation que contre les hommes dangereux accusés de crimes dont ils seraient pleinement convaincus, mais qui ne seraient point classés dans le Code pénal, et ne les autorisait pas à prononcer cette Peine contre des individus accusés de crimes classes dans les lois pénales, mais qui n'en seraient pas pleinement couvaincus; d'où il suit que ladite commission militaire a violé l'art. 31 de la loi citée ci-dessus et fait une fausse application du décret de la convention nationale.du 7 juin 1793;

» Par ces motifs...., la cour casse et annulle....;

» Ainsi jugé et prononcé.... le 19 juin 1813».

XIII. Par la même raison, lorsqu'une loi laisse à l'arbitrage du juge le nombre d'années, pendant lesquelles durera un emprisonnement, le juge ne peut pas réduire cette Peine à un nombre de mois inférieur à une année.

Par exemple, l'art. 66 du Code pénal de 1810 porte que, lorsque l'accusé aura moins de » seize ans, s'il est décidé qu'il a agi sans dis» cernement, il sera acquitté; mais il sera, » selon les circonstances, remis à ses parens, » ou conduit dans une maison de correc. »tion, pour y être élevé et détenu pendant » tel nombre d'années que le jugement déter » minera, et qui toutefois ne pourra excéder l'époque où il aura atteint sa vingtième an

"

» née ».

Sophie Stragie ayant été, à l'âge de moins de 16 ans, poursuivie criminellement pour vol devant la cour d'assises du département de la Lys, le jury avait déclaré qu'elle était coupable du fait qui lui était imputé, mais qu'elle n'avait pas agi avec discernement; en conséquence, elle avait été acquittée, et la cour d'assises avait ordonné, par arrêt du 11 septembre 1811, qu'elle serait enfermée pendant six mois, dans une maison de correc tion.

Cet arrêt a été dénoncé à la cour de cassa tion; et le 10 octobre suivant, au rapport de M. Aumont,

« Vu l'art. 66 du Code pénal .. ;

» Et attendu que ces expressions, tel nombre d'années, prouvent clairement la volonté du législateur que la detention qu'il ordonne, dans le but et l'espoir d'effacer les mauvaises impressions reçues par l'individu et de changer ses habitudes, n'eût pas une durée de moins d'une année ;

» Que cependant l'arrêt de la cour d'assises a réduit à six mois la durée de la détention de Sophie Stragies; que cette réduction est une contravention manifeste au susdit article du Code penal;

>> Par ces motifs, la cour casse et annulle, dans l'intérêt de la loi, la disposition dudit arrêt qui ordonne la détention de Sophie Stragies, dans une maison de correction pendant six mois ».

XIII bis. Il est cependant deux cas où les juges, non seulement peuvent, mais même doivent, quoiqu'ils reconnaissent un accusé coupable du crime ou du délit qui lui est imputé, le décharger de toute Peine : le premier, lorsque le crime ou le délit est éteint par la prescription; le second, lorsqu'il est effacé par une amnistie. V. Les articles Prescription, sect. 3, §. 7, et Amnistie.

"

XIV. L'art. 463 du Code pénal de 1810 contient une disposition remarquable: «< dans tous » les cas où la peine d'emprisonnement est por» tée par le présent Code, si le prejudice cause » n'excède pas 25 francs, et si les circonstances » paraissent atténuantes, les tribuaux sont au» torisés à réduire l'emprisonnement, même >> au dessous de six jours,et l'amende, même au» dessous de 16 francs. Ils pourront aussi pro» noncer séparément l'une ou l'autre de ces » peines, sans, qu'en aucun cas, elle puisse >> être au-dessous des peines de simple police Les tribunaux peuvent-ils, en vertu de cette disposition, réduire aux peines de simple po. lice, les peines correctionnelles qui sont prononcées, non par le Code pénal de 18:0, mais par d'autres lois auxquelles il ne déroge pas?

[ocr errors]

J'ai établi la négative dans un réquisitoire du 19 janvier 1813, rapporté au mot Maraudage, no. 4; et l'on trouve au même endroit, deux arrêts de la cour de cassation, du 10 septembre 1812 et 19 février 1813 qui l'ont ainsi jugé.

On peut en voir de semblables dans le Bulletin criminel de la cour de cassation, sous les dates des 12 mars et 3 septembre 1813, et dans mon Recueil de Questions de droit, aumot Peine, §. 3.

XV. La disposition de l'art. 463 est-elle commune à tous les délits que le Code pénal punit de l'emprisonnement, ou doit-on la restreindre aux délits dont il est résulté un préjudice appréciable en argent?

Le 4 juillet 1812, le sieur B...., rend au maire de la commune d'A....,une plainte par laquelle il expose que, la veille, averti, en rentrant le soir chez lui, que sa femme était absente depuis le matin et qu'elle était enfermée dans TOME XXIII.

la maison de la veuve M... ., sa mère, avec le sieur F. B....., il s'est aussitôt rendu à la porte de sa belle-mère; que, la trouvant fermée, il a frappé à plusieurs reprises ; que beaucoup de personnes de l'un et de l'autre sexe sont accourues au bruit; que, las de frapper inutilement il a appelé sa femme, à haute voix; qu'on ne lui a point répondu; qu'il l'a appelée de nouveau, en menaçant d'enfoncer la porte, et continuant d'appeler sa femme, sa bellemere,et le sieur F. B.....; que celui-ci s'est enfin présenté à la fenêtre, et luia crié, en se servant des expressions les plus basses et les plus obscènes : ta femme est ici, elle m'appartient, je l'ai eue, je l'ai, je l'aurai; viens, tu tiendras la chandelle; que bientôt sa belle-mère a paru de nouveau à la fenêtre, et lui a dit: tu as pour M. F..... ; tu as aiguisé, tu n'aiguiseras cru que ma fille serait pour toi; non, elle est plus; qu'un ami du sieur F. B....étant survenu, lui a crié : retire-toi, tu as tort, tu te mets dans une mauvaise affaire ; qu'à ces mots, le' sieurs F. B..... est sorti précipitamment de la maison; a ferme la porte sur lui, a retiré la clef, et la lui montrant, puis la mettant dans sa poche, a dit: tu as la serrure, et moi la clef.

Cette plainte est transmise au procureur du gouvernement près le tribunal de première instance de Narbonne.

Le 18 septembre suivant, jugement, à l'au- . dience correctionnelle de ce tribunal, qui acquitte la femme B....., la veuve M., sa mère, et le sieur F. B..... de la plainte en adultère et en complicité d'adultere portée contre eux; et faisant droit sur les réquisitions du ministère public, condamne la veuve M. et le sieur F. B....., comme coupables d'injures verbales envers le sieur B....., à une amende de cinq francs.

Le ministère public appelle de ce jugement au tribunal correctionnel de Carcassonne. Le 8 janvier 1813, jugement qui,

« Demeurant la déclaration faite par M. le procureur du gouvernement, qu'il n'entend point soutenir son appel en ce qui concerne le délit d'adultère.....,

» Réformant le jugement du tribunal de première instance,déclare la veuve M..... et F. B.... atteints et convaincus d'avoir proféré des injures ou des expressions outrageantes et calomnieuses par une fenêtre donnant sur la rue, et avec des circonstances atténuantes, envers ledit B....., le 3 juin dernier ; pour réparation de quoi, vu ce qui résulte des art 357, 371 et 467 du Code pénal..., condamne la veuve M. à une amende de cinquante francs, et ledit F. B..... à celle de cent francs; leur fait défenses de récidiver, sous plus forte peine; con

12

damne encore ladite veuve M..... au tiers des dépens,tant de la première instance que d'ap pel, et ledit F. B..... aux deux tiers restans ». Recours en cassation contre ce jugement, de la part du ministère public.

« Le jugement qui vous est dénoncé ( ai-je dit à l'audience de la section criminelle, le 23 mars 1813) viole-t-il, par une fausse application de l'art. 463 du Code penal; l'art. 371 et l'art. 374 du même Code? C'est à cette question que se réduisent les moyens de cassation qui vous sont proposés; et cette question en renferme deux : l'une, si les peines portées par l'art. 371 contre les calomniateurs, peuvent, en vertu de l'art. 463, être modérées à la faveur de circonstances atténuantes; l'autre, si, en supposant qu'elles puissent être modérées en vertu de cet article, la modération peut-elle aller jusqu'à faire remise aux coupables, de la privation des droits civiques, civils et de famille dont l'art. 374 veut qu'ils soient punis.

» La première question dépend de l'exacte intelligence de l'art. 463 du Code pénal.

» Cet article se refere-t-il à toutes les dis positions du Code pénal qui, prononcent-la peine de l'emprisonnement, même dans les matières qui, n'intéressant que l'ordre public, n'offrent aucun dommage pécuniaire à répa rer, ou qui, intéressant des particuliers, donnent lieu à des réparations civiles dans lesquelles l'argent n'est compté que pour la moindre chose? Ou bien ne se refere til qu'aux dispositions qui punissent de l'empri. sonnement les délits dont une réparation purement pécuniaire indemnise complètement les parties lésées?

[ocr errors]

» S'il se réfère à toutes indistinctement, nul doute que, dans notre espèce, le tribunal d'appel de Carcassonne n'ait fait un légitime usage de la faculté qu'il a cru y trouver, de modérer, en faveur de la veuve M..... et du sieur F. B....., la Peine qu'il aurait pu, d'après l'art. 371, porter à un emprisonnement d'un mois à six, et à une amende de cinquante à cinq cents francs.

» Mais aussi nul doute que, dans l'hypothèse contraire, le tribunal d'appel de Carcassonne n'ait abusé de cette disposition, puisque la calomnie bien, qu'elle se réduise toujours, relativement aux particuliers qui en sont lésés, à des dommages intérêts pécuniaires, n'est cependant pas appréciable en ar gent, et ne peut être véritablement réparée dans l'opinion publique, que par la gravité des Peines d'emprisonnement et d'amende qui sont infligées à son auteur.

» Examinons done quel est, des deux par.

tis entre lesquels se balance notre question, celui qui doit prévaloir.

» Pour établir que l'art. 463 du Code pénal doit être restreint aux dispositions de ce Code qui punissent de l'emprisonnement les délits dont est résulté un dommage entièrement réparable en argent, on peut dire.

» Que cet article subordonne au concours de deux conditions l'exercice de la faculté qu'il attribue aux juges correctionnels; que la première de ces conditions est qu'il y ait un préjudice qui n'excède pas 25 francs; que la seconde est que des circonstances atténuantes réclament l'indulgence de la justice ; que le lé gislateur, en liant ces deux conditions par la particule conjonctive et, fait suffisamment entendre que l'une ne peut rien sans l'autre;

» Que cette interprétation est fortifiée par la manière dont l'orateur du gouvernement a présenté l'art. 463 au Corps législatif ; qu'en disant, comme il l'a fait : Au milieu d'un si grand nombre de délits de police correctionnelle que le Code a prévus, il est facile de concevoir que, plus d'une fois, des actes qualifiés délits seront accompagnés de circonstances particulières qui, toin de les ag graver, les atténueront sensiblement; la justice reconnaîtra peut être, EN MÊME TEMPS, que le dommage éprouvé par la personne lésée, est extrêmement modique ; il pourrait, dès-lors, en résulter que le minimum de la Peine déterminée par la loi pour le cas gé néral, serait trop fort; cet orateur parait avoir dit implicitement qu'il faut, pour donner lieu à l'application de l'art. 463, un dommage pécuniaire éprouvé par suite du délit ; qu'il faut que ce dommage soit extrêmement modique; qu'il faut que ce dommage soit reconnu en même temps que les circonstances atténuantes ;

» Que, si l'on interprétait autrement l'art. 463, la répression de tous les délits deviendrait arbitraire; qu'il n'y aurait plus entre eux de ligne de démarcation; que vainement le législateur se serait donné les plus grands soins pour graduer les peines qui doivent être infligées à chacun ; et que les juges resteraient toujours maitres de réduire à la chetive amende d'un franc les peines que la loi aurait élevees jusqu'à un emprisonnement dont le minimum serait, ou de plusieurs mois, ou de plusieurs années.

» Mais, d'un autre côté, que ne peut-on pas dire à l'appui de l'opinion contraire?

» L'art. 463 porte expressément sur tous les cas où la Peines d'emprisonnement est prononcée par le Code. On ne peut donc excepter aucun cas de sa disposition.

» A la vérité, il exige deux choses pour que les juges puissent user du pouvoir qu'il leur accorde: que le préjudice causé n'excède pas vingt-cinq francs, et que les circonstances paraissent atténuantes.

» Mais pour que la première de ces conditions soit remplie, est-il nécessaire qu'il y ait un préjudice causé? Non : il suffit que le pré. judice, lorsqu'il en a été causé un quelconque, n'excède pas vingt-cinq francs. Cette condition est donc remplie tout aussi bien lorsqu'il n'y a point de prejudice, que lorsqu'il y a un préjudice, qu'une somme de vingt-cinq francs, ou au-dessous puisse réparer ; elle l'est même à plus forte raison.

» Sans doute, l'art. 463, entendu dans ce sens, peut, dans beaucoup d'occasions, rendre inutile le soin que le législateur a pris de déterminer le maximum et le minimum des peines d'emprisonnement et d'amende qu'il a prononcées. Mais qu'y faire ? Le législateur l'a ainsi voulu, et il y a été porte par de trèsbons motifs. Il a dû prévoir, et il a prévu en effet, qu'il arriverait souvent que des circonstances atténuantes réclameraient contre l'application trop rigoureuse même du mini ́mum des peines qu'il venait de régler. Il a par conséquent dû prendre, et il a pris en effet, une mesure dont l'absence, comme l'a trésbien dit l'orateur du gouvernement, placerait les juges « dans l'alternative facheuse d'user envers le coupable d'une rigueur dont l'excès leur paraitrait injuste, ou de le renvoyer » absous, en sacrifiant le devoir du magistrat » à un sentiment inspiré par l'humanité ».

་་

» Du reste, en annonçant, dans le même discours, que l'art. 463 ne serait applicable qu'au cas où le délit, étant accompagné de cir. constances atténuantes, la justice reconnaitrait en même temps que le dommage éprouvé par la personne lésée, est extrêmement modique, cet orateur n'a point dit que, si le délit n'avait point causé de dommage, les circonstances alténuantes ne pourraient pas être prises en consideration par le juge; il n'a fait que traduire en d'autres termes la disposion de l'art. 463; et encore une fois, l'art. 463 n'exclud pas de sa disposition le cas où le défaut absolu de dommage pécuniaire se réunit aux circonstances atténuantes.

» C'est ainsi, au surplus, que vos arrêts ont constamment interprété cet article.

» Le 21 août 1811, Jean Bousquet s'oppose, armé d'une hache, et en usant de violence et de menaces, à l'exécution d'un jugement rendu contre lui. L'huissier dresse procès-verbal de sa rebellion. Le 3 octobre suivant, juge. ment du tribunal correctionnel de Saint-Afri

que, qui déclare Jean Bousquet coupable et le condamne, non comme le porte l'art. 212 du Code penal, à un emprisonnement de dix mois à deux ans, mais à un emprisonnement de dix jours seulement. Appel de la part du ministere public. Par jugement du 3 janvier 1812, le tribunal correctionnel de Rhodez, considere qu'il y a dans le delit commis par Jean Bousquet, des circonstances qui en atténuent la gravité; et vu Fart. 463, il déclare que le tribunal de Saint-Afrique a bien jugė.

» Le procureur - criminel du département de l'Aveyron se pourvoit en cassation contre ce jugement et dit : l'art. 463 n'autorise les tribunaux à réduire l'emprisonnement, que lorsque le PRÉJUdice causé n'excède pas vingtcing francs. Il faut donc, pour pouvoir en faire l'application, non seulement que le délit ait causé un préjudice, mais encore que ce préjudice puisse être évalué. Or, le délit de rébellion peut exister, sans qu'il ait causé aucun préjudice, ou du moins sans que ce préjudice soit susceptible d'une évaluation. Donc cet article n'est pas applicable au délit de rébellion. Pour détruire ceraisonnement, il faudrait prétendre que l'offense à la loi, qui imprime principalement le caractère de crime ou délit à la rébellion, peut être appréciée et évaluée à une somme fixe et déterminée ; et certainement on ne pourrait consacrer un pareil principe, sans les inconvé niens les plus graves.

»Par arrêt du 4 février 1812, au rapport de M. Oudart,

» Attendu que les juges ont reconnu qu'il y avait des circonstances atténuantes; et qu'en ce cas, suivant l'art. 463 du Code pénal, les peines peuvent être réduites, si le préju dice causé n'excède pas vingt-cinq francs; » Attendu qu'elles peuvent l'être surtout s'il n'a été causé aucun préjudice; » La cour rejette le pourvoi...

Le 20 novembre 1811, le tribunal ordinaire des douanes de Cherbourg déclare Jacques Lenoir, Pierre - François Lemounier et Louis Corbin, convaincus d'avoir injurié les préposés des douanes dans l'exercice de leurs fonctions et de s'être porté envers eux à des violences et à des voies de fait ; mais, attendu qu'il y a, en leur faveur, des circonstances atténuantes, au lieu de les condamner au minimum de la peine déterminée par l'art. 211 du Code pénal, il ne les condamne, en usant de la faculté établie par l'art. 463, le premier, qu'à un emprisonnement de deux mois et à une amende de 100 francs; le second, qu'à un emprisonnement d'un mois et à la même amende ; le troisième, qu'à un empri

« PreviousContinue »