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du moins ajouter la perte de la sûreté à celle de la liberté. On a beau dire qu'il faut se mé fier des negres et les traiter comme des bêtes féroces, pour les réduire à l'impossibilité de secouer le joug dont on les surcharge; la cruauté est presque toujours plus dangereuse que la douceur. L'humanité que l'on a pour les esclaves, peut prévenir les dangers que l'on peut craindre de leur situation. Les hom. mes, dit un écrivain célèbre, s'accoutument à tout, à la servitude même, pourvu que le maitre ne soit pas plus dur que la servitude. On ne saurait donc faire un crime à un capitaine de n'avoir pas maltraité des hommes. On ne saurait l'appeler imprudent, parcequ'il n'aurait pas été atroce. Quand on ne serait pas doux par humanité, il faudrait l'être par

intérêt. L'esclave est au moins précieux à son maître, en raison de l'argent qu'il lui a coûté. L'esprit de propriété est un esprit de conservation; l'espérance du service, la nécessité d'entretenir des forces qui nous appartiennent, et que nous avons chèrement achetées, nous empêcheraient d'être cruels, si les sentimens de la nature ne suffisaient pas pour nous rendre humains. Sans doute, il faut sur. veiller des esclaves; mais il ne faut pas les vexer: ils sont assez abattus par la servitude, sans qu'on ait besoin de les écraser sous le poids des chaînes ou des mauvais traitemens. Une clôture douce et exacte peut généralement suffire pour contenir des personnes désarmées et ordinairement découragées par leur propre situation. Des précautions plus barbares ne seraient souvent pas plus efficaces, et seraient certainement moins légitimes. Or, le seul moyen de faire envisager, dans les circonstances, la révolte arrivée des négres, comme un événement dont les assureurs ne doivent pas répondre, serait de prouver que cette révolte est survenue par la faute ou la barbarie du patron ».

Arrêt du 12 mai 1778, au rapport de M. de Thorame, qui confirme la sentence, avec dé pens. ]]

XVIII. Suivant l'art. 29, les déchets, dimi. nutions et pertes arrivés par le vice propre de la chose, ne doivent point être à la charge des assureurs. La raison de cette décision est que les assureurs ne sont censés se charger que des accidens extraordinaires, et non de ce qui arrive naturellement. C'est pourquoi les assureurs ne doivent pas supporter le dommage occasionné par le coulage auquel certaines marchandises sont naturellement sujettes. Cependant, s'il s'agissait d'un coulage occasionné par une tempête, et beaucoup plus considéra

ble que le coulage ordinaire, les assureurs en seraient tenus, jusqu'à la concurrence de ce qui serait estimé excéder le coulage ordinaire.

Mais observez que, pour que les assureurs soient tenus du coulage extraordinaire que peut occasionner une tempête, il faut que les marchandises sujettes à coulage, soient designées dans la Police, à moins cependant que l'assurance ne soit faite sur retour, des pays étrangers. C'est ce que porte l'art. 31.

Les assureurs ne répondent pas des pertes qu'éprouvent les assurés, soit par la mort naturelle d'animaux, soit par la mort naturelle de nègres, quand même ceux-ci se seraient tués par désespoir. De pareilles pertes n'ayant lieu que par la nature ou le vice de la chose, il est clair qu'elles ne doivent pas être supportées par les assureurs.

XIX. De même, si le vaisseau assuré se ture, hors d'état de revenir, les assureurs ne trouve, pour cause de vétusté ou de pourrisont pas tenus de cet événement. Il faut appliquer la même décision aux voiles et aux cables uses par vetusté. V. ci-après, no. 46, la déclaration du 17 août 1779.

[ XX. La peste qui ravagea la Provence en 1720, donna lieu à une question qui ne s'était jamais présentée : elle consistait à savoir si les assureurs devaient répondre des pertes arrivées durant la quarantaine des infirmeries?

Un vaisseau, commandé par le capitaine Chataud, venant de Tripoli, étant arrivé à l'ile de Jarre, près de Marseille, lieu destiné aux quarantaines des vaissseaux qui viennent du Levant au port de cette ville, avait été brûlé, avec toutes les marchandises qu'il contenait, en vertu d'arrêt du parlement de Pro

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été brûlés, ne pouvait avoir été donné que pour deux motifs, ou pour punir les intéressés, ou pour éviter les suites de la contagion et de l'infection de ces marchandises; qu'au premier cas, les assureurs devaient être exempts de cette perte, parceque les propriétaires, ou le capitaine, du fait duquel ils étaient tenus, y avaient seuls donné lieu ; qu'au second eas, la précaution dont le parlement avait use, en faisant brûler le vaisseau, n'était qu'un grand déchet, la perte totale étant une avarie extrême de même que l'avarie ordinaire est une perte moindre; en sorte que celui qui ne répond point de la petite perte ou du déchet, ne répond point de la perte totale ; et qu'il était certain que, pour aucune perte ou déchet ar. rivé aux infirmeries, il n'avait jamais été dressé aucun rapport ni procès verbal d'avarie.

Cette affaire, portée à la chambre des enquêtes du parlement de Provence, y fut partagée et renvoyée à la grand chambre.

Ce qui faisait difficulté, c'est qu'on était convenu que, si les marchandises périssaient au quai dans le transport des infirmeries, les assureurs en seraient responsables; d'où l'on concluait qu'aux infirmeries, elles étaient encore à leurs risques, comme si elles n'avaient pas été débarquées, puisque le temps du ris. que n'était pas fini. Mais cette objection tombait, parceque les assureurs et les assurés convenaient unanimement que le temps et le lieu de la purge sont une suspension de risque; ce qui étant supposé, comme on n'en peut douter, tout ce qui s'ensuit est au risque des propriétaires.

Aussi, par arrêt du mois de mars 1725, rapporté dans le recueil d'Augcard, tome 2, §. 163, les assureurs ont été déchargés de leur assurance, et le parlement d'Aix a fait supporter aux assures toute la perte du vaisseau et des marchandises qui avaient fait la matière du procès. ]

XXI. Les assureurs ne sont point chargés des frais ordinaires du voyage, tels que sont les pilotages, tonnages, lamanages, les droits de congé, de visite, de rapport et d'ancrage, et ceux qui peuvent étre imposés sur les navires et marchandises. C'est ce qui résulte de l'art. 30.

XXII. Si l'assurance est faite divisément sur plusieurs vaisseaux désignés, et que la charge entière soit mise sur un seul, l'assureur ne doit courir risque que de la somme assurée sur le bâtiment qui a reçu le chargement, quand même tous les vaisseaux désignés viendraient à périr : il doit seulement rendre la prime du surplus, à la réserve du demi pour cent, qui

lui est attribué pour la signature, ou par forme de dommages et intérêts résultant de l'inexé cution du contrat. C'est ce que porte l'art. 32.

Ainsi, dans le cas où des assureurs ont as suré des effets valant 10,000 écus, qui devaient être chargés sur le vaisseau la Junon, conformement à la Police; plus, d'autres effets pour une pareille somme de 10,000 écus, qui devaient être chargés sur le vaisseau le Minotaure: si vous avez chargé le tout sur le Minotaure, les assureurs ne courent pas risque des 10,000 écus assurés sur la Junon. C'est pourquoi, si ces deux navires viennent à périr, les assureurs ne seront tenus que des 10,000 écus qui, suivant la Police, devaient être chargés sur le Minotaure; mais ils rendront la moitié de la prime, à l'exception du demi pour cent. La raison de cette decision est que le contrat d'assurance n'a eu son exécution que pour la moitié des effets assurés.

XXIII. Suivant l'art. 33, lorsque les maîtres ou patrons ont la liberté de toucher à différens ports ou échelles, les assureurs ne courent pas le risque des effets qui sont à terre, quoique destinés pour le chargement qu'ils ont assure, et que le vaisseau soit au port pour le prendre, à moins toutefois qu'il n'y ait une conţ vention contraire par la Police,

XXIV. Si l'assurance est faite pour un temps limite, sans désignation de voyage, les risques sont finis, pour l'assureur, après l'expiration du temps. C'est ce qui résulte de l'art. 34.Cette sorte d'assurance se pratique à l'égard des vaisseaux armés en course.

Mais lorsque le voyage est désigné par la Police, les assureurs courent les risques du voyage entier, quoique la Police ait limité un temps pour le faire. Il resulte seulement de cette condition, que la durée du voyage venant à excéder le temps limité, la prime d'assurance doit être augmentée à proportion, quoi que cette prime ne puisse point être diminuée, si le voyage dure moins que le temps limite. Telles sont les dispositions de l'art. 35.

Je

Si, sans le consentement des assureurs, l'assuré envoie le vaisseau dans un lieu plus éloigné que celui qui est désigné par la Police, ils sont déchargés des risqnes aussitôt que navire est parvenu à la hauteur du lieu désigné par la Police, et ils ont gagné la prime. Si, au contraire l'assuré raccourcit le voyage, l'assurance doit avoir en entier son effet. C'est ce qui résulte de l'art. 36.

vient

L'article suivant veut que, si le voyage à être rompu avant le départ du vaisseau, même par le fait des assurés, l'assurance de

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meure nulle, et que l'assureur restitue la prime, à la réserve du demi pour cent.

Mais si, après avoir mis à la voile, le vais seau rentrait peu de temps après dans le port, l'assuré serait-il en droit d'annuler l'assurance en rompant le voyage, et de répéter la prime à l'assureur? Il faut répondre que non. La raison en est que l'assureur a commencé de courir les risques, et que, dès ce moment, la prime lui a été acquise irrévocablement. C'est ce qu'on doit conclure de l'art. 36; mais on peut encore appliquer à ce cas ce que l'ordonnance décide au sujet du fret. Elle le déclare gagné en entier, lorsque le marchand chargeur retire ses marchandises durant le voyage.

XXV. L'art. 38 prononce la nullité des as surances faites après la perte ou l'arrivée des choses assurées, si l'assuré en savait ou pouvait savoir la perte, ou l'assureur l'arrivée, avant la signature de la Police.

Cette décision est fondée sur ce qu'il est de l'essence du contrat d'assurance, qu'il y ait des risques à courir.

Comme il serait souvent difficile à l'assureur de prouver que l'assure savait, au temps du contrat, la perte des effets qu'il a fait assurer, il n'est pas nécessaire, pour faire annuler la convention, qu'il y ait une preuve positive de cette perte l'assuré est censé l'avoir sue, lorsque, depuis qu'elle a eu lieu, il s'est passé, jusqu'au temps du contrat, un temps sullisant pour que la nouvelle ait pu lui en parvenir.

l'assuré

L'art. 39 règle ce temps, en comptant une lieue et demie pour heure, depuis l'endroit où le vaisseau a péri, jusqu'au lieu où le contrat d'assurance a été passé. Par exemple, si le contrat a été passé à Bordeaux, et que le lieu où le vaisseau est péri, ne soit éloigné que de trente-six lieues de cette ville, sera censé avoir su la nouvelle après vingtquatre heures, qui font un jour; mais si le lieu où le vaisseau est péri, se trouve éloigné de vingt fois trente-six lieues, c'est-à-dire, de 720 lieues, l'assuré ne sera censé en avoir appris la nouvelle qu'au bout de vingt jours.

Ce temps se compte d'instant à instant: c'est pourquoi lorsqu'on sait, non seulement le jour, mais encore l'heure à laquelle est arrivée la perte du vaisseau, on doit compter depuis cette heure.

Mais lorsqu'on ne sait que le jour de l'accident, et non l'heure, comment le temps doitil être compté? L'auteur du Guidon de la mer dit qu'on doit commencer à le compter depuis l'heure de midi de ce jour, ce qui n'est fondé sur rien. Il est plus raisonnable de dire qu'on

ne doit, en ce cas, commencer à le compter que du lendemain, la perte du vaisseau ayant pu arriver à la dernière heure du jour.

Par la même raison, lorsque l'heure du jour où le contrat a été passé, n'est pas exprimée par l'acte, on ne doit compter les heures de ce jour que jusqu'à celle à laquelle les assureurs ont coutume d'ouvrir leur bureau, le contrat ayant pu être passé immédiatement après l'ouverture du bureau.

L'assureur pourrait-il, pour pouvoir compter les heures du jour auquel l'acte a été passé, être reçu à prouver par témoins que cet acte n'a été passé que le soir?

Pothier, qui propose cette question, observe que, pour la négative, on peut dire que l'ordonnance de 1667 a défendu la preuve testimoniale contre la teneur des actes, et que l'assureur doit s'imputer de n'avoir pas exprimé l'heure par l'acte.

D'un autre côté, on peut faire remarquer que l'ordonnance, en défendant la preuve testimoniale contre la teneur des actes, n'a entendu défendre d'autre preuve que celle des choses qu'on prétendrait faire partie de la convention, et n'avoir pas été exprimée par l'acte ; mais que la preuve du temps auquel l'acte a été passé, n'étant pas une preuve contre la teneur de l'acte, puisque ce temps ne fait pas partie de la convention contenue dans l'acte, elle doit être admise. C'est l'avis de Danty.

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Ajoutez que les contrats d'assurance sont une matière de commerce, et que dans les matières de commerce, l'ordonnance de 1667 laisse à la prudence des juges d'en suivre, ou de n'en pas suivre les dispositions sur la preuve tes

timoniale.

Au reste, on doit observer que les parties peuvent, par une clause particulière de la Police d'assurance, déroger à la disposition de l'art. 39, par lequel est établie la présomption que l'assuré avait lors du contrat, connaissance de la perte du navire, à cause du temps écoulé depuis la perte du vaisseau jusqu'au con

trat.

Cette clause est celle par laquelle les par. ties déclarent que le contrat est fait sur bonnes ou mauvaises nouvelles. On y ajoute souvent, pour plus grande explication, ces termes, renoncent à la lieue et demie pour heure.

Ces clauses sont très-fréquentes dans les Polices d'assurance: l'ordonnance en fait mention dans l'art. 40, où il est dit : « si toutefois l'as»surance est faite sur bonnes ou mauvaises >> nouvelles, elle subsistera, s'il n'est vérifié par » autres preuves que celles de la lieue et demie » pour heure, que l'assuré savait la perte, ou

» l'assureur, l'arrivée du vaisseau, avant la choses assurées étaient arrivées à bon port, » signature de la Police ». il soit condamné à restituer la prime, et à en payer le double à l'assuré.

Il résulte de cet article, que tout l'effet de cette clause, est que, dans le cas où elle a lieu, le laps du temps à raison d'une lieue et demie pour heure, depuis l'instant de la perte du vaisseau jusqu'au contrat, n'est pas seul suffisant pour faire présumer que l'assuré avait, lors du contrat, connaissance de la perte du vaisseau, ni pour faire en conséquence declarer le contrat nul; mais lorsqu'il est justifié d'ailleurs que l'assuré, lors du contrat, avait cette connaissance, la clause dont il s'agit, ni aucune autre ne peut empêcher que le contrat ne soit déclaré nul; parceque l'assuré, en dissimulant, lors du contrat, cette connaissance, a commis un dol envers les assu

reurs.

Le nomme Wouf avait, le 21 novembre 1752, fait assurer à la première chambre des assurances de Paris, pour le compte de deux négocians de Gand, une somme de 19,000 livres et une autre de 28,000 livres, pour chargement de marchandises sur le vaisseau le Prince Charles, charge à Gottembourg, pour Ostende. Les Polices d'assurance contenaient la clause, sur bonnes ou mauvaises nouvelles. Le vaisseau était péri avec sa cargaison dès le 4 du mois. Les assurés ayant fait assigner les assureurs à l'amirauté du palais, pour les faire condamner à payer les sommes énoncées dans les Polices d'assurance, ceux-ci, pour s'en défendre, soutinrent que les négocians de Gand avaient connaissance de la perte du vaisseau, lorsqu'ils

avaient donné l'ordre à Wouf de faire assurer;" et pour justifier le fait, ils dirent que, le 22, jour auquel ces négocians avaient écrit à Wouf pour lui donner l'ordre, la Gazette d'Amsterdam, qui annonçait la perte du vaisseau, avait été publique à Gand, des le matin. La preuve de ce fait ayant été admise et faite, l'amirauté, par sentence du 20 septembre 1758, déclara les Polices d'assurances nulles, et condamna les assurés au paiement de la double prime. Y ayant eu appel de cette sentence, elle fut confirmée par arrêt du 20 août 1759. La mauvaise foi des deux négocians parut incontestable : il était clair qu'ils n'avaient écrit pour faire assurer, qu'après avoir lu la gazette qui les avait instruits de la perte du vaisseau.

On voit par cette décision, que, dans le cas de preuve que l'assuré savait, au temps du contrat, la perte de la chose assurée, non-seule. ment il en résulte la nullité de l'assurance, mais il doit encore payer double prime à l'assureur. Cela est fondé sur l'art. 41.

La même loi veut que, s'il est prouvé que l'assureur ait su, au temps du contrat, que les

Mais lorsqu'au moment du contrat, il s'est écoulé un temps suffisant pour que l'assuré ait pu être informé de la perte de ses effets, sans toutefois qu'il y ait preuve qu'il a eu connaissance de cette perte, doit-il être condamné à payer la double prime? Quelques uns soutiennent l'affirmative; mais l'opinion de Pothier, qui penche pour la négative, doit être préfé rée. L'ordonnance, par l'art. 38 du titre des assurances, prononce, à la vérité, la nullité du contrat, tant dans le cas où l'assuré a su la perte des effets qu'il faisait assurer que dans celui où il a pu être instruit de cette perte; mais par l'art. 41, elle ne prononce la peine de la double prime, que dans le cas où il y a preuve que l'assure a su la perte, et non dans celui auquel il a seulement pu la savoir.

XXVI. L'art. 42 porte que, quand l'assuré a eu avis de la perte du vaisseau, ou des marchandises assurées, de l'arrêt de prince, et de quelqu'autre accident dont les assureurs sont tenus, il doit le leur faire incontinent signilier, ou au commissionnaire qui a signé pour eux l'assurance, avec protestation de faire son délaissement en temps et lieu.

Et, suivant l'art. 43, l'assuré peut, au lieu de protestation, faire son délaissement, avec sommation aux assureurs de payer les sommes par la Police. assurées, dans le temps fixe Il faut observer que, quoique l'ordonnance prescrive à l'assuré de signifier l'accident aus assureurs incontinent après la perte des effets assurés, il ne peut néanmoins résulter du défaut de signification, aucune fin de non-recevoir contre lui: le législateur a seulement voulu l'avertir que la bonne foi qui doit régner dans les conventions, ne lui permettait pas de laisser ignorer aux assureurs, ce qui peut concerner l'assurance.

Lorsque le délaissement n'est pas fait en même temps que la signification, l'assure demeure le maitre de ne pas le faire, et de ne se déterminer qu'en connaissance de cause. C'est le parti le plus prudent.

Quand l'assuré a pris la résolution de faire le délaissement, il doit le notifier par un notaire ou par un huissier. A Marseille, cette notification se fait par une simple déclaration à la chambre du commerce, et cela vaut signification à chacun des assureurs.

Si le temps du paiement n'est pas réglé par la Police d'assurance, les assureurs sont obliges de payer trois mois après la siguification

du délaissement. Telle est la disposition de l'art. 44.

Dans le cas de naufrage ou d'échouement, l'assuré peut travailler au recouvrement des effets naufragés, sans que cela puisse préjudicier au droit de faire son délaissement : il doit même faire travailler à ce recouvrement, en attendant l'arrivée des officiers de l'amirauté, surtout s'il est sur le navire et qu'il le commande; autrement, son inaction pourrait être considérée comme un délit capable de le rendre responsable des dommages et intérêts des

assureurs.

Au reste, tout ce que fait un assuré pour re couvrer des effets, n'est censé fait qu'au nom des assureurs : c'est pourquoi, il conserve toujours la liberté de leur faire son délaissement, sauf à leur rendre compte de ce qu'il a recou vré. C'est ce que le parlement d'Aix a jugé par un arrêt du 3 mars 1759, confirmatif d'une sentence de l'amirauté de Marseille, du 17 juillet précédent, rendue en faveur de Barthelemi Benza, commissionnaire du capitaine Ghiglino. Ce fut en vain que les assureurs objecterent que Benza etait d'autant moins fondé dans le délaissement par lui fait pour le compte de Ghiglino, qu'il se pouvait faire que ce capitaine se contentat des effets dont il avait obtenu la main-levée à la Nouvelle-Yorck.

Puisque l'assuré est autorisé à travailler au recouvrement des effets, il faut en tirer la conséquence qu'il doit être remboursé des frais faits à ce sujet, On n'exige même de lui aucune pièce justificative de sa dépense, et l'on doit, là-dessus, s'en rapporter à son affirmation; mais il ne peut étendre sa répétition que jusqu'à concurrence de la valeur des effets recouvrés.

Toutes ces choses sont fondées sur l'art. 45: «En cas de naufrage ou échouement, l'assuré » pourra travailler au recouvrement des effets naufragés, sans préjudice du délaissement » qu'il pourra faire en temps et lieu, et du rem» boursement de ses frais, dont il sera cru sur » son affirmation jusqu'à concurrence de la va. » leur des effets recouvrés ».

XXVII. L'art. 46 détermine les cas où l'assuré est autorisé à faire le délaissement : « Ne » pourra le délaissement ( porte-t-il ) être fait » qu'en cas de prise, naufrage, bris, échoue» ment, arrêt de prince, ou perte entière des » effets assures; et tous autres dommages ne » seront réputés qu'avarie, qui sera réglée entre les assureurs et les assurés, à proportion » de leurs intérêts ». Il ne faut pas conclure des termes de cette loi, que, dans tous les cas qu'elle spécifie, le

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Ainsi, lorsqu'un navire est échoué, s'il y a moyen de le relever et de le remettre en état de naviguer par un radoub, les assureurs ne sont point obligés d'accepter le délaissement; il suffit qu'ils reparent le dommage.

C'est pourquoi, la validité ou l'inutilité du délaissement dépendent de la question de savoir s'il est possible de réparer le navire de manière qu'il puisse être conduit à sa destination. Ce n'est pas que quelques-uns n'aient prétendu que l'abandon fait pour cause d'échouement du navire, ne devait pas avoir moins d'effet que s'il eût eu lieu pour cause de bris et de naufrage; mais Valin a fort bien fait voir qu'ils étaient dans l'erreur. En effet, on sait qu'un navire diminue considérablement de valeur dans le cours d'une longue navigation, quelque heureuse qu'on la suppose. Or, comme les assureurs ne sont nullement obligés de faire raison de cette diminution à l'assuré, lorsque le navire est arrivé à bon port, ils ne doivent pas y être assujétis non plus en cas d'échouement: tout ce qu'on est en droit d'exiger d'eux, c'est la réparation du dommage qu'a occasionné l'échouement.

Le parlement d'Aix a confirmé cette opinion par un arrêt du 25 juin 1754, rendu dans l'espèce suivante.

L'amirauté de Marseille avait jugé, par sentence, du 22 août 1752, à l'occasion d'un navire qui avait échoue sur des rochers, et qui avait ete retire par les soins de l'equipage, que l'assuré était fondé à demander aux assureurs, déclares francs et quittes d'avaries par la Police d'assurance, le paiement de ce qu'il lui en avait coûté pour radouber le navire et le remettre en état de continuer son voyage: mais l'arrèt cité infirma la sentence, et les assureurs furent renvoyés avec dépens, sur le principe que l'échouement dont il était question, n'avait pu donner lieu au délaissement, et qu'il ne s'agissait que de simples avaries, dont les assureurs ne pouvaient être tenus au moyen de la clause de la Police qui les en avait déchargés.

Mais si, dans le lieu où le navire a abordé ou échoué, le capitaine ne peut le faire radouber, est-on en droit d'en faire l'abandon aux assureurs et aux prêteurs à la grosse ?

Valin, qui propose cette question, répond que ce droit n'est pas douteux, si, dans ce lieu ni dans le voisinage, il n'y a point de matériaux ni d'ouvriers pour faire le radoub.

Si, au contraire, il y a dans le lieu de quoi radouber le navire, et que ce radoub ne manque qu'à cause que le capitaine ne peut y trou

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