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II. La modification la plus importante résulte implicitement de l'article 6, dont le texte général supprime toute différence, quant aux taux du dernier ressort, entre la compétence du juge de paix en matière civile et sa compétence en matière commerciale. L'Ordonnance de 1867 (art. 2) le limitait, pour cette dernière, à cinquante francs. Nous proposons de le porter, dans tous les cas, à cent francs. C'est qu'une fois admis, le principe de la compétence commerciale du juge de paix (et il ne saurait, pensons-nous, soulever d'objection sérieuse dans. la Principauté, en l'absence d'un tribunal consulaire) (1), nous n'apercevons aucune raison juridique ni pratique qui puisse justifier la distinction établie entre les affaires commerciales et les affaires civiles, ces dernières n'étant à coup sûr, pour une valeur égale, ni plus simples, ni plus faciles à juger que les premières. Et il nous a semblé d'autant plus à propos de la supprimer qu'elle se trouve en opposition avec le système consacré par le Code de 1818 et maintenu dans le projet, qui soumet d'une façon générale aux mêmes règles de procédure tous les litiges tant commerciaux que civils.

La juridiction du juge de paix est élargie, en deuxième lieu, pour les actions relatives au paiement des loyers, aux fermages, aux congés, aux expulsions de lieux et autres demandes énumérées à l'article 9. Dans toutes ces causes, la base de la compétence du juge de paix est portée, d'une location annuelle de trois cents francs, à une location annuelle de cinq cents

(1) L'extension de la compétence du juge de paix aux matières commerciales, proposée en France, à diverses reprises depuis 1790 (notamment en 1838 et en 1891), a toujours été repoussée pour des motifs se rattachant à l'existence de tribunaux spécialement chargés de juger ces matières. (V. à cet égard le rapport précité de M. Labussière, J. offic. du 26 octobre 1890, p. 1514 et 1516), ainsi que son discours et celui de M. Thévenet, à la séance de la Chambre des députés, du 19 février 1891 (J. offic. du 20 février 1891). V. aussi Benech. Traité des just. de paix, t. I, p. 38; Carou, De la juridiction des juges de paix, n. 77; Curasson, Traité de la compétence des juges de paix, n. 185.

francs. Cette modification nous a paru correspondre assez exactement à l'augmentation du prix des loyers survenue corrélativement à l'accroissement du nombre des étrangers dans la Principauté depuis quelque vingt ans. Aussi pensons-nous qu'elle sera adoptée sans difficulté.

Nous devons noter enfin, dans le même ordre d'idées, la disposition de l'article 13, qui attribue formellement compétence au juge de paix, dans de certaines limites, en matière de saisie-arrêt et de saisie-conservatoire. L'Ordonnance de 1867 lui reconnaissait déjà le droit d'autoriser la première, dans les cas où elle ne pouvait avoir lieu qu'en vertu de la permission du juge (art. 11). Mais elle ne parlait point des demandes en validité ou en nullité de cette saisie, et il demeurait par suite fort discutable qu'il pût régulièrement en connaître (1). Néanmoins, les magistrats qui, depuis 1867, se sont succédé sur le siège de la justice de paix, se sont toujours déclarés compétents à cet égard. Dans ces conditions, étant donné que cette jurisprudence répond dans bien des cas à des besoins pratiques, qu'elle n'a soulevé jusqu'ici aucune réclamation et qu'elle ne paraît pas de nature à en provoquer dans les affaires d'importance minime, nous avons cru devoir la consacrer expressément, en restreignant toutefois les pouvoirs du juge aux limites de sa compétence générale en dernier ressort, c'est-à-dire à trois cents francs.

Quant à la saisie-conservatoire, que nous proposons de soumettre à la même règle, par analogie de motifs, elle est en quelque sorte la combinaison de la saisie-conservatoire et de la saisie foraine du droit français (2). La première seule pouvait être pratiquée jusqu'ici à Monaco, en vertu de l'article 135 du Code de commerce; mais le Code de procédure n'avait admis ni l'une ni l'autre. Nous dirons plus tard, sous le titre qui leur

(1) V. les difficultés qui se sont élevées en France à ce sujet, dans Carou, n. 73; Carré et Chauveau, quest. 1953; Curasson, n. 323 et 848.

(2) V. C. Proc. franç., art 427 et 822. Adde C. Com. franç., art. 172.

sera réservé, pourquoi nous les avons réunies ou plutôt confondues sous un même nom et assujetties au même régime. Pour le moment il suffira d'avoir expliqué la signification du mot adopté pour les qualifier.

III. L'article 13 et l'article 9, dans sa disposition concernant la saisie-gagerie et la saisie-revendication, constituent des exceptions notables au principe que le juge de paix ne connaît pas de l'exécution de ses jugements. Ce principe n'était établi actuellement par aucun texte explicite. Il était observé néanmoins, comme résultant du caractère même de la compétence du juge de paix, compétence exceptionnelle, d'attribution, restreinte aux matières expressément indiquées par la loi. Mais, son admission ayant donné lieu à des hésitations en France, soit en 1806, soit en 1837 (1), nous avons jugé plus sûr d'y consacrer une disposition catégorique (2). De là l'article 15, dont nous n'avons pas besoin de préciser ici la portée. Il ne saurait être douteux qu'il ne vise que l'exécution proprement. dite, mais non les actes qui rentrent dans ce qu'on a appelé l'exécution par suite d'instance (3).

IV. Il nous reste à signaler, au sujet de la compétence du juge de paix, deux dispositions qui n'existaient pas dans l'Ordonnance de 1867 et que nous avons empruntées à la proposition

(1) V. projet franc. de 1837, art. 19. Cf. Benech, Traité des justices de paix, p. 376 suiv.; Carou, no 637 et suiv.; Bourbeau, n° 30 et suiv.; Curasson, n° 816 et suiv.

(2) C'est ce que les rédacteurs du Code français ont fait pour les tribunaux de commerce (art. 442).

(3) V. à ce sujet Carré et Chauveau, t. IV, p. 416 et t. I, no 82, p. 75; Boitard, t. I, n° 612 et 664; Curasson, n° 848 et suiv. Le projet rend impossible toute hésitation à cet égard, en prévoyant d'une façon formelle ce que ne fait pas la législation française en vigueur, soit les offres réelles (art. 12), soit la liquidation des dommages-intérêts et des fruits, les réceptions de cautions et les redditions de comptes (V. liv. I), qui peuvent intervenir en justice de paix.

de loi de M. Labussière, telle qu'elle a été adoptée par la Chambre des députés en première délibération. Nous voulons parler des articles 12 et 17 du projet. Ces textes ne sont pas introductifs d'un droit nouveau; ils ne font que trancher certaines questions qui, passées sous silence par la loi en vigueur, ont donné lieu à des controverses en France, et pouvaient de même faire naître des difficultés à Monaco. L'article 12 est relatif aux actions en validité ou en nullité d'offres réelles. Il résulte de ses termes (1) que le juge de paix peut connaître de ces demandes toutes les fois que les offres se rapportent à des créances rentrant dans les limites de sa juridiction, tant par leur nature que par leur valeur, sans distinguer si elles ont été faites au cours d'une instance déjà pendante ou avant toute citation (2), sauf, bien entendu, le cas où elles interviendraient en exécution d'un jugement rendu par lui, cas qui tomberait sous l'application de l'article 15.

V. L'article 17 se rattache aux règles à suivre pour déterminer le taux de la compétence du juge de paix. Il prévoit le cas où une instance unique est engagée par plusieurs demandeurs ou contre plusieurs défendeurs en vertu d'un titre commun et dispose, conformément à l'opinion qui semble avoir prévalu dans la jurisprudence française (3), que l'on doit s'attacher en pareille

(1) Si la formule de ce texte pouvait laisser subsister quelque incertitude sur sa véritable portée, il suffirait pour dissiper tous les doutes de se reporter, soit au rapport de M. Labussière, Journ. Offic. précit. p. 1518, soit aux observations présentées par MM. Fréd. Grousset et Bertrand, dans les séances des 21 et 24 février 1891 (Journ. Offic. des 22 et 25 février 1891).

(2) V. les opinions diverses émises à ce sujet sous l'empire de la loi de 1838, dans Carou, loc. cit., n° 75; Bourbeau, loc. cit., n° 39; Curasson, loc. cit., n° 819.

(3) Sic notam. Cass. 25 janvier 1860, D. 60-1-76; 15 juin 1874, D. 71-1-428. - Cpr. en sens divers : Carou, no 136; Bourbeau, n° 87; Curasson, n° 181 et t. II, note p. 276; Garsonnet, op. cit., t. I, p. 680, note 24. - V. aussi le rapport de M. Labussière sur l'article 7 de sa proposition. (Journ. Off. précit., p. 1518).

hypothèse, pour fixer la compétence du juge et le ressort, à la part de chacun des demandeurs ou de chacun des défendeurs dans la demande et non au total de celle-ci (1).

VI. La seule innovation importante de la section est contenue, ainsi que nous l'avons dit, dans l'article 20, qui institue la juridiction des référés et en investit le président du tribunal supérieur. Le Code de 1818 n'attribuait de compétence spéciale à ce magistrat, en matière contentieuse, que pour statuer sur les difficultés relatives aux saisies-exécutions et aux ventes forcées qui en sont la suite ordinaire (art. 267). Mais il est probable qu'on n'a pas dù tarder à reconnaître l'insuffisance de ces pouvoirs pour répondre aux besoins de la pratique. En tous cas, si leur extension pouvait n'être qu'utile au moment de la rédaction du code, elle est devenue absolument nécessaire avec le développement prodigieux qu'ont pris les affaires, dans la Principauté, depuis quelque vingt ans, et surtout avec l'accroissement progressif des transactions entre Monégasques et étrangers ou entre parties l'une et l'autre étrangères. Aussi n'avons-nous pas hésité à généraliser le recours admis jusqu'ici à titre tout à fait exceptionnel et à l'établir, à l'exemple du Code français (2), non seulement pour toutes les contestations rela

(1) Cette solution, qui s'appuie sur le principe de la divisibilité des créances et des dettes (C. civ. fr. art. 1220 et 1221. C. monég. art. 1075 et 1076) est pourtant, nous le reconnaissons, fort contestable. Elle a été repoussée par le C. sarde de 1859 (art. 31), par le C. italien (art. 71) et par le C. belge (art. 25); et nous avouerons que, si nous l'avons admise, c'est moins parce qu'elle nous a paru la plus sûre, que parce que, l'hésitation étant possible au point de vue des principes, nous avons jugé préférable de ne pas nous écarter sur ce point secondaire du système suivi en France, alors que nous adoptions dans son ensemble la loi de 1838. Nous en dirons autant de l'article 16, dont la disposition a soulevé de nombreuses critiques, pour le cas où les demandes réunies dans un même exploit se rattachent à des causes différentes (V. notam. Benech, t. I, p. 307 à 312; Curasson, n° 180; Garsonnet, t. I, p. 679 et suiv. La doctrine contraire a été consacrée par les codes précités (C. sarde, art. 30; C.italion, art. 73; C. belge, art. 23). (2) Art. 806. Sic également C. belge, art .10.

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