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pénétrer dans l'administration par l'intermédiaire des fonctionnaires de l'assistance publique.

Tel est l'ensemble des mesures qui sont soumises à votre examen par ce premier projet de loi. Il contient en germe plusieurs autres dispositions législatives sur lesquelles votre attention sera successivement appelée. Le champ dans lequel l'assistance publique doit s'exercer a été défini par la constitution elle-même; mais les formes qu'elle recevra du temps, des mœurs et de la civilisation sont aussi mobiles que les besoins de la société. Le projet de loi ne répondrait qu'imparfaitement à ce que vous devez attendre, s'il ne se prétait à toutes les modifications que l'avenir exigera. Nous espérons que vous lui reconnaîtrez ce caractère.

Projet de loi.

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.

Le président du conseil des ministres, chargé du pouvoir exécutif,

Arrête :

Le projet de loi dont la teneur suit sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre de l'intérieur, qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

TITRE PREMIER.
Dispositions générales.

Art. 1. L'assistance publique comprend :
La distribution des secours à domicile;

L'organisation accidentelle des moyens de travail utile; Le traitement gratuit des malades indigents, soit à domicile, soit dans les hôpitaux ;

Les établissements d'asile pour les enfants, les infirmes et les vieillards;

Les secours aux enfants trouvés, abandonnés ou orphelins

pauvres ;

Les institutions de prévoyance d'épargne;

La tutelle administrative et le patronnage dans les cas déterminés par les lois et règlements.

Art. 2. Les administrations spécialement préposées à l'assistance publique sous l'autorité du préfet sont :

Un comité cantonal pour chaque canton;

Un comité local par commune ou par réunion de communes;

Les commissions administratives ou de surveillance pour les établissements publics, tels que les hospices, hôpitaux et les asiles d'aliénés ;

Les administrations chargées de la direction des institutions de prévoyance et autres légalement autorisées.

Art. 8. Le conseil supérieur exerce son initiative, en soumettant au ministre de l'intérieur des vœux, des avis, ou des propositions, sur toutes les questions que soulève l'assistance publique.

Il donne son avis sur les projets de loi, ainsi que sur les règlements d'utilité publique; il peut être également consulté sur les rapports des inspecteurs et les améliorations à introduire ou les réformes à opérer.

TITRE III.

Des comités d'assistance publique.

Art. 9. Il sera créé dans chaque canton un comité chargé, sous l'autorité du préfet et la surveillance du conseil général du département, de l'organisation, de la direction et de la surveillance de l'assistance publique.

Art. 10. Ses attributions spéciales sont :

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De faire la répartition des fonds mis à sa disposition par l'Etat, le département, les communes ou les particuliers;

De provoquer l'organisation des comités de secours, pour les communes où le besoin s'en fera sentir, et la création des établissements et institutions qui ont pour objet l'assistance publique;

De surveiller l'administration des comités de secours, et de ces établissements:

De donner son avis sur les budgets et comptes, et sur toutes les questions que soulèverait la gestion;

De donner son avis sur l'acceptation des dans et legs faits aux divers établissements placés sous sa surveillance;

D'organiser accidentellement, lorsqu'il le jugera nécessaire, et lorsque les communes n'y auront pas pourvu, des travaux utiles dont il prendra la direction, sous le contrôle du souspréfet;

De donner son avis sur les mesures qui auraient pour ob jet l'extinction de la mendicité;

D'exercer, dans les cas déterminés par les lois et règlements, la surveillance, le patronage, la tutelle qui appartiennent à l'Etat.

Art. 11. Lorsque le canton comprendra dans sa circonscription des communes rurales, le comité cantonal se com

posera :

Du membre du conseil général du canton;

Du curé de canton et d'un ministre de chaque culte légalement reconnu, qui sera désigné par le préfet;

D'un des maires des communes composant le canton, délégué par la réunion des maires;

De cinq membres qui seront nommés par la conseil cantonal.

Chaque comité de secours locaux organisés dans le canton Art. 3. Un conseil supérieur d'assistance publique est éta- déléguera un de ses membres qui aura entrée au comité canbli auprès du ministre de l'intérieur.

Art. 4. L'assistance est temporaire ou permanente.

Art. 5. Les citoyens nécessiteux qui réclameront l'assistance permanente devront justifier des conditions de domicile ou autres déterminées par des règlements d'administration publique.

TITRE II.

Du conseil supérieur.

Le conseil supérieur de l'assistance est composé de vingt membres nommés par le président de la République et dont quatre sont choisis dans l'Assemblée nationale.

Deux dans le conseil d'Etat, Un dans la cour de cassation, Un dans la cour des comptes.

Art. 7. Le conseil supérieur se réunit sous la présidence du ministre de l'intérieur.

Les inspecteurs généraux des services qui se rattachent à l'assistance publique y sont entendus toutes les fois que leur présence est réclamée.

Le conseil reçoit aussi toutes les informations et renseignements qu'il juge convenable de recueillir, sous la forme d'enquête, soit oralement, soit par écrit.

tonal avec voix délibérative, lorsqu'il s'agira de la réparti tion des fonds entre les divers comités locaux ou d'une affaire concernant spécialement le comité qu'il représente, et voix consultative sur toutes les autres questions.

Art. 12. Lorsque le canton ne comprendra qu'une population urbaine, le comité sera composé:

Du membre du conseil général du canton;

Du maire de la commune, et, à son défaut, d'un de ses adjoints;

Du curé et d'un ministre de chaque culte légalement reconnu, qui sera désigné par le préfet;

D'un médecin élu par les médecins et pharmaciens du canton;

De cinq membres nommés par le conseil municipal; De deux membres désignés par les comités locaux de se cours;

D'un membre délégué par la commission administrative des hospices du canton.

Art. 13. Dans les villes qui formeront plusieurs cantons, il n'y aura qu'un seul comité d'assistance publique, qui se composera :

Des membres du conseil général de tous les cantons;

Du maire, et, à son défaut, d'un de ses adjoints;
De deux curés désignés par l'évêque;

D'un ministre désigné dans chaque culte par le consistoire ou la synagogue;

De trois membres nommés par le conseil des prud'hommes;

D'un médecin nommé par les médecins de tous les cantons; D'un membre délégué par chaque comité local de secours; D'un membre délégué de la commission administrative des hospices de la ville.

Art. 14. Les comités cantonaux nommeront un président, un vice-président et un secrétaire.

Art. 15. La durée des fonctions pour les membres qui siégent en vertu de l'élection est de six ans; ils sont renouvelés par tiers.

Art. 16. Le sous-préfet a entrée aux comités cantonaux; il est entendu quand il le demande, et assiste aux délibérations.

Art. 17. Un règlement d'administration publique déterminera les formes dans lesquelles les comités cantonaux interviendront pour l'organisation, la gestion et la comptabilité des ateliers de travaux accidentels.

Art. 18. Les comités cantonaux transmettront aux souspréfets ou aux préfets, en les accompagnant de leurs propositions et avis, toutes les délibérations des comités locaux, sans préjudice des formalités prévues par l'art. 21 (no 4, 5 et 6) de la loi du 18 juillet 1837.

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cantonal.

Art. 22. En cas de partage, le président du comité local a voix prépondérante.

Art. 23. Les membres des comités locaux seront nommés pour cinq ans et se renouvelleront chaque année par cinquième.

En cas de vacance par décés, démission ou autrement, il en sera donné avis, soit au conseil municipal, soit au conseil cantonal, qui auront à pourvoir au remplacement.

Art. 24. Le comité local remplit toutes les fonctions attribuées par les lois aux bureaux de bienfaisance et toutes celles qui lui seraient déléguées par les conseils cantonaux.

Art. 25. Il fait tous actes d'administration et de propriété sur les biens meubles ou immeubles appartenant en propre aux bureaux de bienfaisance ou qu'ils pourraient acquérir par la suite, ou qui leur seraient dévolus à un titre quelconque.

Art. 26. L'expédition de toute délibération sur un des objets énoncés en l'article précédent est immédiatement adressée au comité cantonal, qui la transmet au sous-préfet avec son avis. La délibération n'est exécutoire qu'après l'approbation du préfet, et sous les conditions prévues par l'art. 21 de la loi du 18 juillet 1837.

Art. 27. Le comité local de secours délibère sur les objets suivants :

1o Le budget en recettes et en dépenses ordinaires ou extraordinaires;

2o Les actions judiciaires et transactions;

3. L'acceptation des dons et legs qui lui sont faits directement, ou aux pauvres de la circonscription;

Et tous les autres objets sur lesquels les lois et règlements l'appellent à délibérer,

Art. 28. Il entend, débat et arrête les comptes de deniers des receveurs, sauf le règlement définitif, dans les formes prescrites par l'art. 66 de la loi du 18 juillet 1837.

Art. 29. Sont applicables au comité local les dispositions relatives aux conseils municipaux énoncées dans les art. 27, 28, 34, 36, 41 (§ 1o), 45, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55 et 59 de la loi du 18 juillet 1837.

Le président du comité local exercera tous les droits et actions attribués au maire dans les articles qui viennent d'être énumérés.

Art. 30. Dans le cas prévu par l'art. 13, le comité cantonal pourra être chargé, par un arrêté spécial délibéré en conseil d'Etat, des fonctions attribuées aux comités locaux. Le même arrêté réglera l'organisation des moyens de distribution qui seront institués sous la direction et la surveillance du comité cantonal.

TITRE V.

Des ressources attribuées aux comités d'assistance publique. Art. 31. Les ressources dont l'assistance publique dispose

sont :

Les dons et souscriptions des particuliers ;

Les revenus des biens propres des comités locaux, ainsi que les prélèvements et autres ressources qui leur sont attribuées par les lois; Les subventions votées par les communes ;

Les centimes spéciaux votés par les conseils généraux. Art. 32. En cas d'insuffisance des ressources ordinaires des communes, les subventions qui pourront être votés par les conseils municipaux en faveur des comités locaux seront soumises à l'autorisation du préfet, lorsqu'elles n'excéderont pas 2 centimes additionnels au principal des contributions directes.

Art. 33. Les conseils généraux sont autorisés à voter, chaque année, jusqu'à concurrence de 2 centimes spéciaux, la somme qu'ils croiront nécessaire d'affecter à titre de subvention à l'assistance publique.

Dans la répartition qu'ils feront de cette somme, sur la proposition du préfet, entre les différents cantons, ils prendront en considération les fonds votés pour le même objet par les communes, les souscriptions des citoyens et les ressources diverses dont les localités disposent, eu égard à la population

habituellement ou extraordinairement secourue.

Le préfet mettra sous leurs yeux le compte de l'emploi des fonds par chacun des comités cantonaux.

TITRE VI.

Dispositions transitoires.

Art. 34. Les bureaux de bienfaisance actuellement en exercice continueront leurs fonctions, même après l'organisation été installés. des comités cantonaux, jusqu'à ce que les comités locaux aient

Art. 35. Les divers services que comprend l'assistance publique et qui sont énumérés dans l'art. 1er du titre Ier, seront successivement réglés par des lois subséquentes. Art. 36. Il n'est pas dérogé par la présente loi à celle du relative à l'organisation de l'assis

tance publique dans la ville de Paris.
Toutes autres dispositions législatives, contraires à la pré-
sente loi, sont et demeurent abrogées.

Le président du conseil, chargé du
pouvoir exécutif,
CAVAIGNAC.

Le ministre de l'intérieur, J. DUFAURE.

ADDITION A LA SÉANCE DU MERCREDI 29 NOVEMBRE.

Exposé des motifs et projet de loi relatifs aux chemins de fer de Paris à Lyon, de Lyon à Avignon, et d'Avignon à Marseille, présentés par le citoyen Vivien, ministre des travaux publics. (Envoyé aux bureaux.)

Citoyens représentants, le dernier gouvernement a commencé à établir en France le réseau général des chemins de fer; mais, dominé par les influences politiques qui lui ôtaient toute liberté d'action, il ne sut pas combiner les entreprises qu'il autorisait, avec les besoins les plus essentiels du pays, et les ressources qui devaint y être affectées.

Des chemins de fer furent tracés sur tous les points du territoire; des compagnies s'organisèrent de toutes parts pour les exploiter, les unes se chargeant de toutes les dépenses, les autres partageant ces dépenses avec l'Etat. L'esprit immodéré de spéculation donna lieu à des entreprises mal conçues. L'agiotage en suscita, où ceux qui les formaient s'occupaient moins de la création d'un chemin, que des bénéfices attachés à la vente des actions. A une hausse factice succéda une baisse rapide. Les compagnies d'Hazebrouck à Fampoux, de Bordeaux à Cette et de Lyon à Avignon, n'avaient pu tenir leurs engagements; d'autres étaient menacées dans leur existence; des lignes que le Gouvernement était autorisé à concéder ne trouvaient point de soumissionnaires. Sur ces entrefaites éclata la révolution de Février; elle augmenta des souffrances dėjà très-réelles. Au contre-coup qui suit toujours ces grandes commotions politiques, vint se joindre une cause particulière de trouble et d'inquiétude : le Gouvernement forma le projet de prendre possession de tous les chemins de fer par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique. Les compagnies, exposées à cette dépossession, perdirent la confiance nécessaire à des opérations qui exigent tant de zèle, de persévérance et de capitaux.

Le projet d'expropriation des chemins de fer a été abandonné, les compagnies ont conservé la pleine jouissance de leurs droits; seulement, en vertu d'un contrat librement débattu et consenti, l'Etat est devenu propriétaire du chemin de Paris à Lyon. Précédemment, il avait entrepris à ses frais celai de l'Ouest, qui est presque entièrement achevé de Versailles à Chartres. Il exécute aussi les ouvrages que la loi de 1842 laissait à sa charge sur les chemins de Châteauroux à Limoges et du Bec-d'Allier à Clermont, qui ne sont encore concédés à aucune compagnie.

De Marseille à Avignon, qui ne touche pas encore à cette dernière ville et à qui il reste à se lier aux chemins du Gard et à faire l'embranchement de La Joliette, qui doit descendre au bord même de la mer.

Enfin aucune exploisation n'est commencée sur les chemins de Paris à Strasbourg et de Tours à Nantes.

Dans le courant de 1849, et successivement, l'exploitation se prolongera sur des lignes ou sur des sections de ligne qui relieront avec Paris des villes importantes.

Le chemin de Lyon pourra être exploité jusqu'à Tonnerre. Celui de Strasbourg jusqu'à Epernay et probablement jusqu'à Châlons.

L'embranchement de Saint-Quentin sera achevé.
Angers sera uni à Tours.

La section de Tours à Poitiers sera livrée à la compagnie concessionnaire, qui pourra y poser le ballast et les rails dans le cours de la campagne suivante.

Telle est la situation générale des compagnies.

Nous aimons à dire qu'elles ont tenu loyalement leurs engagements: plusieurs ne se sont pas laissé arrêter par les difficultés des circonstances, et n'ont négligé aucun effort pour ne pas suspendre leurs travaux et pour håter le jour de l'exploitation qui doit les payer de leurs avances. L'Etat, de son côté, a imprimé aux travaux à sa charge la plus grande activité, et c'est pour qu'ils ne subissent aucune interruption préjudiciable que vous avez décidé récemment sur notre proposition, que des crédits nouveaux seraient ouverts pour les travaux à faire entre Vierzon et le Bec-d'Allier. Cependant une partie des compagnies éprouvent quelque difficulté dans leurs appels de fonds : les actionnaires, inquiétés un instant par l'annonce de l'expropriation, atteints par la pénurie générale, retenus par la baisse des titres, n'effectuent pas les versements demandés. Les y contraindre par la vente des actions serait aggraver encore la situation, et les compagnies ne peuvent s'y décider.

Ces embarras ne sont que passagers: ils cesseront avec les circonstances qui les ont produits : le retour général de la confiance, que ramènera la stabilité des pouvoirs publics, agira sur les actions de chemins de fer. Nous devons dire d'ailleurs que l'exploitation des lignes concédées n'a été ajournée sur aucun point, et, malgré la difficulté des circonstances, grâce au zèle des compagnies, les embranchements de Calais et de Dunkerque, et la ligne de Montereau à Troyes, ont été livrés à l'exploitation.

Le premier besoin des compagnies est la sécurité. Avec la sécurité, elles verront leurs actionnaires acquitter des engagements dont ils seront certains de recouvrer le prix. C'est à vous, citoyens représentants, qu'il appartient de répondre à ce besoin. Nous sommes sûrs d'exprimer votre pensée en proclamant le respect de l'Assemblée nationale et du Gouvernement qui la représente, pour tous les contrats, et en particulier pour ceux qui ont été passés avec les compagnies de chemins de fer. Ils ont réglé l'époque, le prix, la forme de l'expropriation. Y porter atteinte serait la violation d'un en

Les chemins de fer se divisent donc aujourd'hui en deux catégories distinctes: ceux des compagnies et ceux de l'Etat. Parmi les premiers, le plus grand nombre sont en pleine exploitation il serait inutile d'en dresser la liste. Ils sont répartis sur toutes les parties de la France si le plus grand nombre aboutissent à Paris, point central de toutes les communications publiques, plusieurs appartiennent à des départements éloignés : l'est possède celui de Strasbourg à Bâle : dans le centre, les chemins de Saint-Etienne à Lyon et de Saint-Etienne à Roanne servent à l'exportation des riches bas-gagement sacré, et une cause d'inquiétude pour le public et sins houillers de la Loire et du Rhône; le midi est traversé par la ligne qui s'étend de Cette à Beaucaire, et Bordeaux a trouvé dans le chemin qui l'unit à La Teste des avantages qui, pour être circonscrits sur un espace assez court, n'en sont pas moins précieux pour cette grande cité.

Quatre compagnies n'ont qu'une exploitation incomplète, et doivent encore exécuter des travaux plus ou moins importants ce sont celles :

Du Nord, qui doit achever l'embranchement de SaintQuentin et poser la seconde voie sur Dunkerque et sur Calais;

D'Orléans à Bordeaux, qui ne fait de service que jusqu'à Tours;

De Rouen à Dieppe et à Fécamp, à qui il reste à exécuter des travaux d'achèvement sur la ligne de Dieppe et la ligue entière de Fécamp;

de prejudice pour l'Etat lui-même; car, par une heureuse solidarité, un Gouvernement qui manque à ses engagements ne commet pas seulement une atteinte à la morale, il se frappe lui-même en détruisant son propre crédit.

Nous avons fait plus. Déjà, sur nos propositions, l'Assemblée est venue en aide à la compagnie de Montereau à Troyes, en lui accordant la jouissance temporaire d'une partie du chemin de Lyon, et à la compagnie de Bordeaux à La Teste, en assurant, à l'aide d'avances garanties par un séquestre, le maintien de son exploitation pendant une saison difficile et ruineuse. En outre, le Gouvernement vous a proposé de donner à ferme à la compagnie du Centre l'embranchement de Nevers, qui aura le double avantage d'attribuer à cette compagnie un point terminus qui rendra son exploitation plus utile, et de desservir une ville importante. Nous allons vous entretenir d'une autre compagnie, la seule dont la si

tuation soit de nature à motiver l'intervention du pouvoir législatif.

Si nous persévérons dans cette voie, nous sommes certains que les compagnies, rassurées sur l'avenir, recueillant les avantages attachés au rétablissement de la confiance générale, seront en mesure de remplir tous leurs engagements, même avant le terme des délais qui leur ont été assignés : nous savous que leurs dispositions, dictées d'ailleurs par leur intérêt bien entendu, sont prises pour atteindre ce but, et nous sommes heureux de vous en donner l'assurance.

Après cet exposé général, auquel nous espérons que vous attacherez quelque intérêt, nous devons vous retracer l'objet particulier des propositions que nous avons l'honneur de vous soumettre. Ces propositions se rattachent à des mesures trèsdiverses, mais qui concernent tootes la grande voie de communication de Paris à Marseille.

Vous vous rappelez, citoyens représentants, que, quand, sous la pression des influences politiques, les chambres furent saisies par le dernier gouvernement des projets qui tendaient à entreprendre des chemins de fer sur tous les points à la fois, el dont le résultat devait être de retarder le bienfait de ces voies de communication, en éparpillant les ressources destinées à y faire face, l'opposition demandait que la ligne de Dunkerque à Marseille fût seule entreprise et continuée sans interruption, de manière à procurer promptement au pays la jouissance de cette grande voie commerciale, politique et in ternationale. Cette proposition fut écartée; et aujourd'hui, après de longues années, si Dunkerque est relié à Paris, Paris est encore loin de se voir uni à Marseille par une voie de fer. La ligne de Paris à Lyon appartient au Gouvernement. Une portion notable pourra prochainement être exploitée, en vertu de la loi que vous avez récemment votée. La compagnie du chemin de fer de Montereau fera bientôt parcourir à es con. vois la section de Montereau à Melun : quelques mois plus tard, la circulation pourra s'établir, d'une pars, entre Melun et Paris, et, de l'autre, entre Montereau et Tonnerre.

Au moment où l'Etat est devenu propriétaire du chemin de Paris à Lyon, il a été entendu, au moins implicitement, que les mesures à adopter pour l'exploitation ultérieure étaient réservées, et que le pouvoir législatif serait appelé à se prononcer sur cette grave question, à l'époque où la nécessité d'une solution se ferait sentir. Cette époque étant arrivée, l'Assemblée nationale doit faire connaître au Gouvernement ses résolutions.

De Lyon à Avignon, depuis la déchéance de la compagnie qui en avait obtenu la concession, il n'a été rien entrepris. Aucune compagnie n'existe, aucun travail n'a été commencé. Enfin, d'Avignon à Marseille, la compagnie concessionnaire éprouve des embarras qui réclament l'intervention de l'Etat.

Dans cette situation, pour compléter le chemin de Paris à Marseille, il faut statuer sur l'exploitation entre Paris et Lyon, prendre des mesures pour la continuation entre Lyon et Avignon, assurer enfin l'achèvement des travaux d'Avignon à Marseille.

Tel est l'objet du projet de loi que nous avons l'honneur de vous soumettre, et dont il nous reste à vous exposer les motifs, en ce qui concerne chacun des trois titres dont il se compose.

TITRE PREMIER.

De l'exploitation du chemin de Paris à Lyon.

En thèse générale, les chemins de fer doivent-ils être exploités par l'Etat ou livrés à l'industrie privée? Cette question partage les meilleurs esprits, et a reçu des solutions opposées, indépendamment des institutions politiques, et selon le caractère des divers pays. L'Angleterre et les Etats-Unis, où les attributions des pouvoirs publics sont circonscrites dans des bornes étroites, ont laissé le champ libre à l'industrie. La Belgique a confié à son gouvernement la construction et l'exploitation de ses lignes de fer. En France, les deux systèmes

se sont tour à tour produits, et celui des compagnies avait fini prévaloir. De graves considérations peuvent être invoquées de part et d'autre. L'exploitation par les compagnies se recommande par l'activité plus grande, les soins plus constants, l'aptitude commerciale plus déterminée qui sont propres à l'industrie privée. Si les chemins de fer doivent être considérés comme une spéculation, elle prospère mieux entre les mains des particuliers les particuliers sont plus à même d'en tirer tous les profits qu'ils peuvent procurer. Ils ne considèrent que les produits mêmes de l'exploitation et combinent toutes leurs mesures, les tarifs, les convois, les vitesses, de manière à obtenir toujours les bénéfices les plus élevés. Ainsi le capital employé à ces vastes entreprises rapporte un intérêt suffisant pour récompenser ceux qui l'ont donné, de leurs sacrifices et de leurs efforts.

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Mais les chemins de fer ne sont pas seulement une entreprise commerciale; ils constituent des services publics destinés à favoriser l'action du Gouvernement, les rapports des citoyens entre eux, le mouvement rapide des affaires. C'est surtout sous ce point de vue qu'on doit les considérer comme une des plus précieuses conquêtes du génie moderne. Les bénéfices qu'ils procurent ne doivent pas sans doute être dédaignés, mais ils ne tiennent que le second rang dans l'échelle de leurs avantages. L'industrie privée est trop portée à donner la première place aux produits de la spéculation et à fonder son succès sur la ruine des intérêts rivaux. Sans doute l'Etat ne retire pas des chemins de fer les mêmes produits que l'industrie, mais les sacrifices qu'il fait sont recueillis par le public, et, sous ce rapport, ils ne constituent pas une perte pour le pays.

Ces raisons, en ce qui concerne le chemin de Paris à Lyon, sont corroborées par des considérations spéciales, par des raisons qui seraient décisives, quand même la question générale devrait, théoriquement, recevoir une solution différente.

Jusqu'ici, en France, aucun chemin de fer n'a été exploité par l'Etat. Presque tous appartiennent pour de longues années à des compagnies dont les droits doivent être respectés. Le Gouvernement n'a pas encore eu l'occasion de faire l'essai pratique des avantages et des inconvénients d'une exploita tion mise entre ses mains. Cet essai doit être tenté. Appelé à surveiller les compagnies, à les diriger, à contrôler leurs actes, à prévenir leurs écarts, il ne peut remplir cette tutelle qu'avec l'expérience personnelle de tous les éléments, de tous les détails de l'exploitation. Il ne les connaîtra qu'après avoir exploité lui-même, comme il n'a bien connu la construction des chemins de fer qu'après en avoir construit. Il ne pourra, avec l'autorité de l'expérience, intervenir dans l'exploitation des compagnies, qu'étant éclairé par l'exploitation, à laquelle il sera livré directement. Seul, il pourra faire des expériences qui profiteront à tous, et dont les risques et les frais écartent l'industrie privée; seul, il pourra rechercher les moyens administratifs par lesquels pourront être préparés, instruits et formés les nombreux agents, mécaniciens, conducteurs, surveillants, qui prennent part au service de l'exploitation, et dont la maladresse ou l'habileté, la témérité ou la prudence peuvent compromettre ou garantir la vie des citoyens.

L'occasion est favorable, et, pour ainsi dire, marquée à l'avance. Quand le Gouvernement est devenu propriétaire du chemin de Lyon, chacun a compris que cette acquisition avait pour conséquence nécessaire l'exploitation même de ce chemin par l'Etat. Où trouver, d'ailleurs, une compagnie avec les capitaux indispensables pour les avances obligées, dans les circonstances critiques où nous sommes placés ? Enfin, la ligne de Lyon offre un tel développement, traverse une partie si considérable du territoire de la République, qu'il ne serait peut-être pas sans danger de la livrer à l'industrie privée qui, par des combinaisons de tarifs, par tous les moyens que

donne l'exploitation d'un chemin de fer, pourrait jeter la perturbation au sein d'intérêts nombreux et dignes de la protection bienveillante et tutélaire de l'Etat.

Après avoir longuement discuté cette question, la commission centrale des chemins de fer s'est prononcée pour l'exploitation par l'Etat. Nous avons partagé son avis, et nous avons l'honneur de vous proposer de le sanctionner.

Cette opinion admise, il reste à rechercher comment cette exploitation sera faite. L'Etat s'en chargera-t-il entièrement comme d'an service public, en régie, ainsi que cela se pratique en Belgique?

Pour la solution de cette seconde question, il faut distinguer, entre les éléments dont se compose l'exploitation, ceux qui touchent à l'intérêt public et ceux qui ont un caractère purement matériel, si l'on peut ainsi parler. L'Etat ne peut se dessaisir des premiers; il peut, sans inconvénient et même avec avantage, remettre les autres à l'industrie privée.

A la première catégorie appartiennent les tarifs, la détermination du nombre, de la composition et de la vitesse des trains. A cet égard, l'Etat ne peut aliéner son droit; c'est pour en demeurer investi qu'il exploite, et s'il devait se des saisir du soin de régler des objets aussi essentiels, autant vaudrait abandonner toute l'exploitation aux compagnies. C'est par les tarifs, par les heures de départ, par les vitesses que les chemins de fer exercent l'influence qui leur appartient sur le mouvement des affaires, sur les relations des citoyens sur les intérêts publics. L'exploitation par l'Etat a pour but de lui réserver cette influence, et il ne saurait y re

noncer.

Mais dans l'exploitation sont comprises d'autres opérations d'une nature toute différente. Le matériel, la voie doivent être entrenus, des signaux doivent accélérer la marche des convois, la traction doit être assurée : aucun intérêt de gouvernement ne s'attache à ces soins; aucune raison ne doit engager l'Etat à s'en charger. Les compagnies de chemins de fer elles-mêmes ont déjà passé à ce sujet des traités particuliers avec certains entrepreneurs. C'est un exemple que le Gouvernement doit suivre. Il passera donc des traités pour l'entretien du matériel et de la voie, et pour le service de la traction. Ces traités embrasseront toutes ces opérations conjointement ou distinctement. Il pourra convenir, par exemple, que l'entretien de la voie, fort coûteux dans les premières années, soit l'objet d'une entreprise particulière, ou que les constructeurs mêmes du chemin en demeurent charges. Le Gouvernement doit rester libre d'agir selon les circonstances et pour le plus grand bien de l'administration.

Quant au règlement des tarifs, la loi doit dès à présent fixer un maximum; il est déjà inscrit dans la loi du 16 juillet 1845, qui avait concédé le chemin de Lyon à une compagnie. Au-dessous de ce maximum l'administration doit avoir le droit d'établir des modifications, selon les cas, les objets et les convenances des lieux. Ces modifications seront expérimentées pendant un certain temps, avant que la loi intervienne pour les consacrer définitivement. Il est indispensable que le pouvoir législatif consente à déléguer ainsi provisoirement le droit qui lui appartient en matière de tarif. Les changements à faire, surtout dans les premiers temps, exigent qu'en dehors des prescriptions inflexibles de la loi, le ministre soit investi d'un droit d'appréciation qui lui permette d'étudier les besoins du public et de s'y conformer. Une règle étroite et absolue entraînerait les conséquences les plus regrettables peut être.

Il n'a pas paru que la loi dût contenir l'indication des agents qui exerceront les pouvoirs de l'Etat. La commission centrale des chemins de fer a longuement examiné ce point. Dans son opinion, l'exploitation doit être placée dans les mains d'un directeur unique, responsable et par conséquent révocable, sous les ordres duquel seront placés tous les agents de l'exploitation. Il sera nommé par le ministre, auquel il proposera tous les employés : il aura la nomination de ceux d'un ordre inférieur, sur la proposition de leurs chefs immédiats Sa responsabilité exige qu'il ait une part considérable dans le choix des agents

qu'il dirige, lorsqu'il ne les nommera pas lui-même. Aucune condition n'est imposée au choix de ce fonctionnaire important. Il faut que le ministre puisse le prendre partout où se rencontreront la capacité, l'expérience, les lumières si nécessaires à des fonctions d'un tel ordre.

Il nous reste à expliquer une disposition que nous avons cru devoir insérer dans le projet de loi.

L'Etat, quand il exploite un chemin de fer, est en rapport avec les citoyens pour des intérêts qui ne touchent point à l'administration, et qui, par conséquent, ne ressortissent point aux juridictions administratives. Des dommages sont causés à des expéditeurs, des objets sont perdus, la remise en est retardée. De tels débats, qui appartiendraient aux juridictions civiles ou commerciales, entre parties privées, et par exemple si des compagnies exploitaient, ne doivent pas avoir d'autres juges quand c'est l'Eat qui exploite; ils n'engagent aucun principe de gouvernement. Le public se plaindrait avec raison de ne pouvoir pas recourir aux juges ordinaires, et s'éloignerait du chemin de fer s'il se croyait privé des garanties du droit commun. Nous vous proposons en conséquence de décider que toutes les contestations entre l'administration et les expéditeurs seront jugées par les tribunaux ordinaires. Les tribunaux administratifs demeureront saisis de toutes les autres questions qui sont actuellement de leur ressort, et spécialement des contestations relatives aux marchés passés entre l'Etat et les entrepreneurs, dans les cas où, conformément aux règles ordinaires du droit administratif, elles sont du ressort de ces tribunaux.

Telles sont, citoyens représentants, les bases d'après lesquelles nous vous proposons d'organiser l'exploitation du che, min de Lyon par l'Etat. Elles sont conformes à l'opinion des juges les plus compétents en cette matière, et à celle de la commission centrale des chemins de fer, composée, vous le savez, de réprésentants, d'ingénieurs, de commerçants, et réunissant ainsi les hommes les plus capables de préparer la solution de ces problèmes intéressants. Nous espérons qu'elles obtiendront votre approbation.

TITRE II.

Chemin de fer de Lyon à Avignon.

A plusieurs reprises et depuis plus de dix années, le chemin de fer de Lyon à Avignon a occupé les chambres législatives.

En 1837, un premier projet de loi fut présenté à la chambre des députés pour concéder le chemin de fer de Lyon à Marseille, moyennant la garantie d'un minimum d'intérêt en faveur de la compagnie qui voudrait s'en charger. Ce projet n'eut aucune suite.

En 1838, le chemin de fer de Lyon à Avignon se trouva compris de nouveau parmi les grandes lignes dont le Gouvernement proposait de conférer à l'Etat l'exécution et l'exploitation.

On sait quel fut le sort des propositions du Gouvernement : elles furent repoussées par la chambre des députés, et l'exécution du chemin de fer de Lyon à Marseille, comme des autres grandes lignes, fut ajournée, au grand détriment de la prospérité et de la richesse publique.

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Enfin la loi du 11 juin 1812 vint fixer les incertitudes da pays sur l'avenir des voies de fer en France par la combinaison heureuse, an moins en principe, des ressources publiques avec les efforts de l'industrie privée, cette loi assura l'exécution immédiate des plus importantes lignes de chemins de fer; le chemin de Lyon à Marseille ne pouvait être oublié, mais il fut ne alloué de crédit que sur la section de Marseille à Avignon.

Cette lacune fut comblée en 1845 par une loi du 16 juillet, qui autorisa le Gouvernement à procéder à l'adjudication publique de la section de Lyon à Avignon, sur une durée maximum de cinquante années. L'adjudication eut lieu, et elle fut prononcée moyennant quarante cinq ans environ de jouissance.

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