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Il n'est pas enfin jusqu'à la punition qu'il vient d'exercer, à son retour, surle préfet de Paris, Frochot, pour la mollesse qu'il avait montrée dans la conspiration de Mallet et Lahorie, qui ne retrace la conjuration plus heureuse par laquelle le préfet Artaban tua son maître à son retour et fit la guerre à ses enfants. Xerxes, terror ante gentium, hello in Græciam infeliciter gesto, etiam suis contemptui, esse cœpit. Quippe Artabanus, præfectus ejus, deficiente quotidie regis majestate, regiam vesperi ingreditur, tracidatoque rege, filios ejus dolo aggreditur.

Mais sans pousser ce parallele plus loin, nous allons faire connaître les opinions: que nous avons annoncées. Elles partent de coeurs généreux et d'âmes libres. Les expressions sont dignes des pensées. Puissent les unes et les autres être proclamées promptement dans les quatre parties du monde !

Sur la Réception de Buonaparté à Paris.

[National Register.]

La farce qui a été jouée à Paris, le 20 du mois dernier, et dont les particularités sont parvenues en ce pays-ci dans le cours de la semaine derniere, ne pent pas manquer d'offrir un divertissement bien agréable aux amateurs du ridicule. La pompe avec laquelle ces misérables marionnettes politiques, le Sénat, le Conseil d'Etat et le Tribunal d'appel, ont été mandées et sont venues faire leurs singeries devant leng auguste maître, et congratuler Napoléon le grand sur son étonnante, sur sa miraculeuse évasion, sur san heurense arrivée dans sa capitale, tandis qu'on le croyait encore à l'armée, est trop ridicule pour qu'on ne s'en amuse pas. On peut aisément concevoir la joie que les Parisiens doivent éprouver en revoyant leur tyran, et la sincérité de leurs compliments sur l'heureux retour de Sa Majesté. Ce re

tour doit être également flatteur et pour leur vanité et leurs sentiments; il ne peut qu'être infiniment agréable à leur orgueil de voir leur tout-puissant Empereur retourner, déguisé, comme un meurtrier de bas parage, jaloux seulement d'esquiver les officiers de justice, et leurs sentiments doivent éprouver un plaisir ineffable, en apprenant que la puissante armée qu'il venait de mener dans le Nord pour accomplir les destinées de la Russie, a été détruite sans avoir rempli aucun des objets pour lesquels la guerre avait été commencée. Les adresses du Sénat, du Conseil d'Etat et des tribunaux à Buonaparté sur son arrivée, sont donc incontestablement aussi affectueuses qu'elles sont raisonnables.

Cependant, tout comique qu'est cette farce, elle n'est pas entierement dépourvue d'intérêt. La parade niaise qu'ils font de leur affection pour le roi de Rome, a quelque prix : elle fait voir que le tyran sent qu'il a besoin de quelque nouvelle démonstration d'attachement à sa dynastie, pour faire croire aux autres nations que sa derniere déconfiture n'a pas détruit son autorité. En le voyant recourir à un semblable expédient, dans ce momentci, pour donner à son pouvoir une apparence de stabilité, on peut croire avec raison qu'il éprouve au fond du cœur la crainte que les derniers événements du Nord ne soient de nature à lui porter un coup fatal. Nous ne pouvons nous rendre compte d'aucune autre maniere, du langage que, dans cette occasion, il met dans la bouche de ses créatures. Immédiatement après les expressions touchantes et édifiantes de leur attachement au Roi de Rome, il est fait mention de la campagne de Russie dans les termes suivants :

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Sire, Votre Majesté a déployé les aigles française sur les tours de Moscou. L'ennemi n'a pu " arrêter vos succès ni faire échouer vos plans

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"qu'en ayant recours à l'effrayante ressource des gouvernements despotiques; en créant des déserts sur toutes les frontieres, en portant l'incendie "dans ses provinces, et en livrant aux flammes sa "capitale, le centre de ses richesses, et les travaux "de tant de siecles.

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Sire, ceux qui ont renouvelé cette barbare "tactique de leurs sauvages ancêtres, connaissaient "mal le cœur de Votre Majesté. Il aurait volon ❝tiers renoncé à des trophées qui devaient être "aequis au prix de tant de sang et de tant de maux "pour l'humanité."

Cet exposé que ceux qui avaient eu recours à la tactique barbare de leurs sauvages ancêtres, connaissaient mal le cœur du dominateur français, et l'assertion qu'il aurait renoncé volontiers à des trophées qu'il aurait fallu acheter au prix de tant de sang et de malheurs pour l'humanité, sont certainement de fort belles choses. Mais d'après l'usage qu'on fait ici du temps conditionnel et du mode subjonctif, dans la déclaration que dans les circonstances. en question Napoléon aurait renoncé volontaire ment aux trophées de la victoire, ce qu'on doit regarder comme un aveu qu'il n'y avait pas renoncé volontairement, nous aurions pu être portés à supposer qu'il ne s'était arrêté dans sa marche triomphante que par pure bonté pour les Russes, son tendre cœur ne pouvant supporter l'idée d'avancer plus loin dans le pays, de crainte que St. Péters bourg ne partageât le sort de Moscou. Cette supposition s'accorde parfaitement avec la connaissance que nous avons déjà de ses dispositions bienfaisantes, et fournit un supplément admirable au catalogue d'horreurs dont sa douce pitié a enrichi l'histoire, et un commentaire convenable à cette humanité qu'il déployait d'une maniere si aimable il n'y a que quelques semaines, en massacrant des habitants

désarmés et sans défense de Moscou, dont le prétendu crime était d'avoir obéi aux ordres de leur gouverneur.

Le passage de la réponse de Buonaparté, qui correspond à cette phrase, est également digne d'attention.

"La guerre que je fais à la Russie est une guerre de politique. Je l'ai faite sans animosité. "J'aurais voulu lai épargner les malheurs qu'elle "s'est causés. J'aurais pu armer contre elle la "plus grande partie de sa population, en procla"mant la liberté aux esclaves; un grand nombre

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de villages me. le demandaient: mais lorsque je "me fus aperçu de la brutalité de cette nombreuse " classe du peuple russe, je refusai d'accéder à une mesure qui aurait dévoué plusieurs familles à la "mort ou aux punitions les plus horribles. Mon "armée a éprouvé des pertes, mais elles sont pro"venues de la rigueur prématurée de la saison."

Nous aurions cru qu'il n'avait pas plus besoin de dire à son peuple que c'était là une guerre poli tique, qu'il n'avait besoin de lui dire qu'elle.avait été conduite très-politiquement. La déclaration qu'il l'avait faite sans animosité, était, certes, une nouvelle aussi intéressante que neuve. Si cet humain général ne considere pas que de ravager un pays par le fer et par le feu, et que de massacrer sa population de sang-froid, partage de la nature de l'animosité, il serait important de connaître le sens précis. que ce pere de ses soldats attache à ce mot qui suit nous fournira peut-être un fil pour découvrir la signification qu'il a dans le vocabulaire de Napoléon. Il était en son pouvoir d'armer la plus grande partie des sujets de la Russie contre leurs maîtres, en proclamant la liberté aux esclaves; mais lorsqu'il vit la brutalité de cette classe d'hommes, il ne put

Ce

pas consentir à une mesure qui en aurait dévoué plusieurs à la mort. Ainsi donc Napoléon avait en son pouvoir de conquérir la Russie avec sa propre population, mais cela aurait été un acte d'animosité anquel sa conscience n'aurait jamais pu se prêter. D'après cela, nous devons supposer qu'il n'a pas cherché à exciter le peuple russe contre son gouvernement, et croire en conséquence qu'il ne s'est nullement occupé d'exciter les Polonais à s'insurger contre la Russie. Sans ses efforts pour adoucir cette irritation qu'il trouva existant parmi eux, ils auraient sans doute été beaucoup plus formidables à leurs voisins. La Russie doit lui en avoir beaucoup d'obligations mais qu'est-ce que les Français doivent sentir et penser, quand on leur dit toutes ces belles choses-là? Qu'est-ce que doivent dire ces milliers de familles qui sont aujourd'hui en deuil dans ses heureux états, lorsqu'on leur conte ingénûment, qu'avec les moyens qu'il avait en ses mains, il aurait pú conquérir la Russie et sauver à son armée les dé sastres de cette honteuse fuite qui a rendu ses malheureux compagnons un objet de mépris et de pitié pour toute l'Europe? Que diront ces veuves soupirant pour des époux qui ne reviendront plus, quand elles apprendront que leurs maris ont été voués à la destruction par la tendresse de Napoléon pour les Russes? Si ces derniers méritaient tant d'égards, pourquoi leur faisait-il la guerre? Doucement ; c'était une guerre de politique, il était natu rel pour un sage capitaine à la tête d'une immense armée en Russie, de sacrifier ses propres soldats à son respect et à ses égards pour son ennemi. Il était prudent et bien fait d'entreprendre cette croisade politique, afin d'exercer les Russes aux manoeuvres militaires pendant une campagne, afin de faire de leur monarque un ennemi digne des armes de Napoléon-le Grind. Ces considérations et un sentiment d'humanité ont porté ce pere de ses soldats à dévouer

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