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Les alimens comprennent tout ce qui est nécessaire : mais 2.8 il faut distinguer deux sortes de nécessaire, l'absolu et le relatif. L'absolu est réglé par les besoins indispensables de la vie; le relatif, par l'état et les circonstances. Le nécessaire relatif n'est donc pas égal pour tous les hommes; l'absolu même ne l'est pas. La vieillesse a plus de besoins que l'enfance; le mariage, que le célibat; la faiblesse, que la force; la maladie, que la santé.

Les bornes du nécessaire absolu sont fort étroites. Un peu de justice et de bonne foi suffisent pour les connaître. A l'égard du nécessaire relatif, il est à l'arbitrage de l'opinion et de l'équité.

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Le devoir de fournir des alimens cesse quand celui à qui 209 on les doit recouvre une fortune suffisante, ou quand celui qui en est débiteur tombe dans une indigence qui ne lui permet pas ou qui lui permet à peine de se nourrir lui-même. Un père et une mère peuvent, suivant les circonstances, refuser de fournir des alimens à leurs enfans, en offrant de les recevoir dans leur maison. C'est au juge à déterminer les cas où l'obligation de fournir des alimens est susceptible de cette modification et de ce tempérament. Ces sortes de questions sont plutôt des questions de fait que des questions de droit. Après nous être occupés des obligations qui naissent du ch. 6 mariage entre les pères et les enfans, nous avons fixé notre attention sur les droits et les devoirs respectifs des époux.

Ils se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance. 212-213 Le mari doit protection à sa femme, et la femme obéissance à son mari.

Voilà toute la morale des époux.

On a long-temps disputé sur la préférence ou l'égalité des deux sexes. Rien de plus vain que ces disputes.

On a très-bien observé que l'homme et la femme ont partout des rapports et partout des différences. Ce qu'ils ont de commun est de l'espèce; ce qu'ils ont de différent est du sexe. Ils seraient moins disposés à se rapprocher s'ils étaient plus sem

blables. La nature ne les a faits si différens que pour les unir.

Cette différence qui existe dans leur être en suppose dans leurs droits et dans leurs devoirs respectifs. Sans doute, dans le mariage, les deux époux concourent à un objet commun; mais ils ne sauraient y concourir de la même manière. Ils sont égaux en certaines choses, et ils ne sont pas comparables dans d'autres.

La force et l'audace sont du côté de l'homme, la timidité et la pudeur du côté de la femme.

L'homme et la femme ne peuvent partager les mêmes travaux, supporter les mêmes fatigues, ni se livrer aux mêmes occupations. Ce ne sont point les lois, c'est la nature même qui a fait le lot de chacun des deux sexes. La femme a besoin de protection, parce qu'elle est plus faible; l'homme est plus libre parce qu'il est plus fort.

La prééminence de l'homme est indiquée par la constitution même de son être, qui ne l'assujettit pas à autant de besoins, et qui lui garantit plus d'indépendance pour l'usage de son temps et pour l'exercice de ses facultés. Cette prééminence est la source du pouvoir de protection que le projet de loi reconnaît dans le mari.

L'obéissance de la femme est un hommage rendu au pouvoir qui la protége; et elle est une suite nécessaire de la société conjugale, qui ne pourrait subsister si l'un des époux n'était subordonné à l'autre.

Le mari et la femme doivent incontestablement être fidèles à la foi promise; mais l'infidélité de la femme suppose plus de corruption, et a des effets plus dangereux que l'infidélité du mari : aussi l'homme a toujours été jugé moins sévèrement que la femme, Toutes les nations, éclairées en ce point par l'expérience et par une sorte d'instinct, se sont accordées que le sexe le plus aimable doit encore, pour le bonheur de l'humanité, être le plus vertueux.

à croire

Les femmes connaîtraient peu leur véritable intérêt, si elles pouvaient ne voir dans la sévérité apparente dont on use

à leur égard, qu'une rigueur tyrannique plutôt qu'une distinction honorable et utile. Destinées par la nature aux plaisirs d'un seul et à l'agrément de tous, elles ont reçu du ciel cette sensibilité douce qui anime la beauté, et qui est sitôt émoussée par les plus légers égaremens du cœur; ce tact fin et délicat qui remplit chez elles l'office d'un sixième sens, et qui ne se conserve ou ne se perfectionne que par l'exercice de toutes les vertus; enfin, cette modestie touchante qui triomphe de tous les dangers, et qu'elles ne peuvent perdre sans devenir plus vicieuses que nous. Ce n'est donc point dans notre injustice, mais dans leur vocation naturelle, que les femmes doivent chercher le principe des devoirs plus austères qui leur sont imposés pour leur plus grand avantage et au profit de la société.

Des devoirs respectifs de protection et d'obéissance que le 214 mariage établit entre les époux, il suit que la femme ne peut avoir d'autre domicile que celui de son mari, qu'elle doit le suivre partout où il lui plaît de résider, et que le mari est obligé de recevoir sa femme et de lui fournir tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie, selon ses facultés et son

état.

La femme ne peut ester en jugement sans l'autorisation de 215-216 son mari. Il n'y a d'exception à cette règle que lorsque la femme est poursuivie criminellement, ou pour fait de police. Alors, l'autorité du mari disparaît devant celle de la loi, et la nécessité de la défense naturelle dispense la femme de toute formalité.

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Le même principe qui empêche la femme de pouvoir exer- 17 cer des actions en justice sans l'autorisation de son mari, l'empêche, à plus forte raison, d'aliéner, hypothéquer, acquérir à titre gratuit ou onéreux, sans cette autorisation.

Cependant, comme il n'y a aucun pouvoir particulier qui 218-219 ne soit soumis à la puissance publique, le magistrat peut intervenir pour réprimer les refus injustes du mari, et pour rétablir toutes choses dans l'état légitime.

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La faveur du commerce a fait regarder la femme marchande publique comme indépendante du pouvoir marital, dans tout ce qui concerne les opérations commerciales qu'elle fait. Sous ce rapport, le mari peut devenir la caution de sa femme, mais il cesse d'être son maître.

Les droits du mari ne sont suspendus, dans tout le reste, que par son interdiction, son absence ou toute cause qui peut le mettre dans l'impossibilité actuelle de les exercer; et, dans ces hypothèses, l'autorité du mari est remplacée par celle du juge.

L'autorité du juge intervient encore si le mari est mineur. Comment celui-ci pourrait-il autoriser les autres, quand il a lui-même besoin d'autorisation?

La nullité des actes faits par la femme, fondée sur le défaut d'autorisation de ces actes, ne peut être opposée que par la femme elle-même, par son mari, ou par leurs héritiers.

Au reste, la femme peut faire des dispositions testamentaires sans y être autorisée, parce que ces sortes de dispositions, qui ne peuvent avoir d'effet qu'après la mort, c'est-àdire qu'après que l'union conjugale est dissoute, ne peuvent blesser les lois de cette union.

Nous en avons assez dit dans le projet de loi pour faire sentir l'importance et la dignité du mariage; pour le présenter comme le contrat le plus sacré, le plus inviolable, et comme la plus sainte des institutions. Ce contrat, cette société finit par la mort de l'un des conjoints, et par le divorce légalement prononcé. Elle finit encore, relativement aux effets civils, par une condamnation prononcée contre l'un des époux, et emportant mort civile.

Je n'ai pas besoin de m'expliquer sur la dissolution pour cause de mort. La dissolution de la société conjugale, dans ce cas, est opérée par un événement qui dissout toutes les sociétés. La dissolution pour cause de divorce sera l'objet d'un projet de loi particulier.

Quant à la mort civile, on vous a déjà développé tout ce

qu'elle opérait relativement au mariage, dans le projet de loi concernant la jouissance et la privation des effets civils.

Après un premier mariage dissous, on peut en contracter 228 un second. Cette liberté compète au mari qui a perdu sa femme, comme à la femme qui a perdu son mari. Mais les bonnes mœurs et l'honnêteté publique ne permettent pas que la femme puisse convoler à de secondes noces avant que l'on se soit assuré, par un délai suffisant, que le premier mariage demeure sans aucune suite pour elle, et que sa situation ne saurait plus gêner les actes de sa volonté. Ce délai était au– trefois d'un an : on l'appelait l'an de deuil. Nous avons cru que dix mois suffisaient pour nous rassurer contre toute présomption capable d'alarmer la décence et l'honnêteté.

Actuellement ma tâche est remplie. C'est à vous, citoyens législateurs, en confirmant par vos suffrages le projet de loi que je vous présente au nom du gouvernement, sur le Mariage, à consolider les vrais fondemens de l'ordre social, et à ouvrir les principales sources de la félicité publique. Quelques auteurs du siècle ont demandé que l'on encourageât les mariages : ils n'ont besoin que d'être réglés.

Partout où il se trouve une place où deux personnes peuvent vivre commodément, il se forme un mariage. Le législateur n'a rien à faire à cet égard; la nature a tout fait. Toujours aimable, elle verse d'une main libérale tous ses trésors sur l'acte le plus important de la vie humaine; elle nous invite, par l'attrait du plaisir, à l'exercice du plus beau privilége qu'elle ait pu donner à l'homme, celui de se reproduire, et elle nous prépare des délices de sentiment mille fois plus doux que ce plaisir même. Il y aura toujours assez de mariages pour la prospérité de la République; l'essentiel est qu'il y ait assez de mœurs pour la prospérité des mariages. C'est à quoi le législateur doit pourvoir par la sagesse de ses règlemens; les bonnes lois fondent la véritable puissance des États, et elles sont le plus riche héritage des nations.

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