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Cette époque était bien choisie; si l'on décidait de se mettre en campagne, on avait le temps de faire les derniers préparatifs, ou de recourir encore aux négociations.

Sous la seconde race, ces, assemblées furent remises au mois de mai, mais alors les moyens pour faire la guerre étaient plus grands; c'était plutôt une revue qu'une véritable délibération.

De notre temps, une assemblée pareille, indiquée pour le mois de mai, s'est trouvée reculée jusqu'au mois de juin, et les hostilités ont commencé presque aussitôt.

C'est dans les assemblées du Champ de Mars que fut décrétée, vers l'an 420, la loi Salique, la plus ancienne des lois des barbares. De nos jours l'acte additionnel aux constitutions de l'empire, fut promulgé dans une assemblée qui portait le même nom. Mais ce fut une vaine cérémonie. Il est présumable qu'il en était de même sous Charlemagne.

On ne sait pas qui régnait sur les Franks en 420, la loi ne le dit pas; c'est une preuve bien forte, que les Rois n'exerçaient alors aucune partie de la puissance législative, et qu'ils n'étaient que les exécuteurs des résolutions de l'assemblée.

Grégoire de Tours nous apprend (Liv. II, chap. 9.), que l'on ne connaissait pas la lignée de ces Rois; et qu'autrefois, même vers la fin du 4° siècle (an 388), leurs chefs étaient encore appelés ducs ou vice-rois (1). Des assemblées nationales qui se sont tenues sous Clovis, l'histoire ne nous a conservé que bien peu de traces. Nous en savons pourtant assez pour être certains qu'elles ont eu lieu annuellement.

(1) V. pour les détails antérieurs à Clovis, le § 3 de la Notice, préface de la 2o livraison.

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C'était une assemblée nationale que celle tenue à Soissons, en 486, pour le partage des dépouilles provenant des premières conquêtes de Clovis.

• Transacto verò anno, jussit omnem cum armorum » apparatu advenire phalangem, ostensuram in Campo » Martio, suorum armorum nitorem ; ubi cunctos circuire deliberat, etc. » (Grégoire de Tours, liv. II, chap. 27.)

L'opposition du soldat au prélèvement du vase dans le partage des dépouilles lors de la première assemblée, est une preuve sans réplique que le Roi n'était que le premier entre ses égaux.

La vengeance exercée par Clovis sur sa personne dans l'assemblée de 487, prouve que le général, comme grand juge militaire, avait droit de vie et de mort.

L'action de Clovis inspira une grande terreur: mais elle n'était pas illégale; le pouvoir de juger une faute contre la discipline lui appartenait.

Toutefois, il faut en convenir, la conduite du prince des Franks, dans cette circonstance, ressemble beaucoup à celle du chef d'une bande de brigands, qui ne peut rien soustraire dans le partage du butin, mais qui, dans l'exécution de ses ordres, ne prend conseil que de lui-même.

Un changement de religion était un acte trop important pour n'avoir pas besoin d'être sanctionné par une délibération publique, chez un peuple où le pouvoir des Rois était aussi restreint.

Aussi voit-on, qu'en 496, saint Remy prêcha toute la nation. Clovis se rend à l'assemblée avec les siens, conveniens cum suis. Ce n'est pas Clovis seul qui statue, omnis populus adclamavit. (Grégoire de Tours, liv. II, chap. 31, p. 178.) Si les Rois franks avaient été revêtus de la puissance législative, sc serait-on exprimé

ainsi. Quand Henri VIII, Roi d'Angleterre, rompit avec le pape, appela-t-il son peuple à délibérer?

Au reste, un changement de religion est un acte si important qu'il passe même les pouvoirs d'une assemblée nationale. S'il y a un grand nombre de dissidens, le pacte social est rompu; c'est ce qui arriva du temps de Clovis; trois mille seulement des siens se convertirent. Le reste se retira auprès des Rois des autres tribus. (V. la préface de la 2o livraison.)

La dernière assemblée dont parle l'histoire, est de l'an 507. Clovis y fit à ses guerriers la proposition de porter la guerre chez les Visigoths. L'entreprise était hardie. Clovis affecta le zèle religieux d'un nouveau converti.

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« Valdè molestè fero, quod hi Ariani partem tenent .Galliarum. Eamus cum Dei adjutorio, et superatis redigamus terram in ditionem nostram. »

L'espoir du butin enflamma tous les cœurs, placuit omnibus hic sermo, dit Grégoire de Tours, livre 11, chap, 37.

C'est dans l'une de ces assemblées, on ne sait laquelle, parce que Grégoire de Tours n'en parle pas, que la loi salique fut traduite du langage barbare, dans lequel elle était écrite (1), et qu'elle fut revisée pour

(1) Montesquieu, livre 28, chap. 1, s'élève contre Leibnitz, qui pense que cette loi fut faite avant le règne de Clovis; ellè › ne put l'être, dit-il, avant que les Franks fussent sortis de la › Germanie; ils n'entendaient pas pour lors le latin. » Si cette dernière raison est bonne, elle vient à l'appui de notre assertion. Le prologue atteste que la loi existait du temps que les Franks étaient encore payens, dùm adhuc teneretur Barbarie; elle a donc été écrite dans la langue du pays; tudesque ou autre, les Franks avaient un langage; ce qui l'indique c'est cette foule de

être appropriée au changement de religion, et purgée de toutes les superstitions payennes.

Le fait de la révision est attesté par le préambule de la loi salique elle-même, nuper ad catholicam fidem conversa (Voy. pag. 25, tom. 1); la nécessité en est d'ailleurs évidente.

On peut dire de cette révision ce qu'on a dit de celle des Franks ripuaires : « Quidquid Rex propter vetustissimam paganorum consuetudinem emendare » non potuit, post hæc rex Childebertus inchoavit ■ corrigere.

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Il est bien fâcheux qu'on ne nous ait conservé que la rédaction faite sous Dagobert en 630; celle de Clovis nous eût révélé sans doute bien des détails précieux pour cette époque éloignée.

Mais nous sommes obligés de la prendre telle qu'elle est. Il est facile pourtant de conjecturer quels sont les changemens principaux amenés par le changement de religion.

En analysant la loi salique, nous devons négliger tout ce qui n'appartient pas à l'état des personnes, aux fonctions des magistrats, et à l'ordre de succession.

Nous ferons seulement ici la remarque que cette loi, destinée à une nation toute guerrière, contient plus de dispositions sur la culture des terres qu'aucune loi postérieure de la monarchie. Cela prouve que les Franks ne faisaient pas toujours la guerre; qu'ils étaient depuis long-temps colonisés dans les Gaules, et attachés au

mots barbares qu'on fut obligé de conserver, chrenechruda, sagbaron,grafion, Werhgeld, adframire; tous ces mots n'étaient pas romains. On l'a donc traduite en latin, à l'époque de la conversion; les évêques durent s'offrir pour ce travail. C'est aussi l'opinion de M. Guizot.

sol; que ce sol était cultivé (1) il l'était sans doute par des esclaves, suivant l'usage de ce siècle.

Mais on ne trouve dans ce code antique aucune trace de féodalité, aucune prééminence de la terre ou de l'homme.

Point de cens, point de redevances; les terres des Franks étaient libres comme leurs personnes.

Comme il n'y avait pas de cour à entretenir, que tous les Franks étaient soldats, que la justice s'expédiait sommairement et brièvement, il n'y avait pas besoin de lever des impôts; quelques amendes, réservées au Roi ou aux juges, suffisaient.

La part dans le butin était sans doute proportionnée au grade que chacun occupait dans l'armée, et c'était là le seul avantage des tungmans (ou dixainiers), des centainiers, des grafions, et du Roi.

La première loi du premier titre (de l'ajournement), si quis ad mallum legibus dominicis mannitus fuerit, nous apprend que la justice civile et criminelle se rendait dans une assemblée appelée malberg, ou mallum (depuis placitum), en vertu des ordres du

maître.

Mallum signifie assemblée publique; on ne désigne pas les assemblées générales de la nation, autrement que les assemblées particulières et cantonales. Qui per tres mallos convenientes, dit le préambule de notre loi, en parlant de l'adoption du pacte social des Franks, proposé par les quatre principaux d'entre eux.

Nous croyons qu'ici par maître, il faut entendre le

(1) Il résulterait du titre iv de la loi salique, que les FranksSaliens avaient établi leurs quartiers entre la Loire, la mer et la forêt Charbonnière. Ce qui fit plus tard donner à ce pays le nom particulier de Francia.

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