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pour les rivières, des travaux devenus inutiles par suite de transformations successives, ainsi que des opérations entièrement ou partiellement étrangères à la navigation, réalisées dans l'intérêt du libre écoulement des eaux, de la protection des propriétés riveraines, etc.

D'autre part, une portion notable des dépenses remonte à des dates déjà lointaines, à des périodes pendant lesquelles l'argent avait beaucoup plus de valeur qu'aujourd'hui. Un examen attentif du tableau montre bien la progression du coût de construction des

canaux.

Les voies dont se compose notre réseau de navigation intérieure se trouvent dans des conditions fort dissemblables; quelques-unes sont des plus imparfaites.

En outre, les calculs laissent de côté des frais généraux considérables imputės sur les crédits du personnel. Ils négligent aussi l'intérêt et l'amortissement des capitaux durant la construction, alors que, pour les chemins de fer, les charges correspondantes, ajoutées aux insuffisances des recettes des sections ouvertes avant l'entrée au compte d'exploitation, constituent un élément très important des frais de premier établissement, pouvant atteindre 20 p. 100 du total.

A un autre point de vue, même en admettant tels quels les prix de construction indiqués au tableau, il est permis non seulement de contester l'application aux voies navigables du même taux qu'aux voies ferrées pour la supputation des charges d'intérêt et d'amortissement, mais encore de se demander si ces charges ne devraient pas être au moins partiellement écartées, comme afférentes à des dépenses actuellement amorties ou ne comportant pas d'amortissement. La question sera examinée plus loin.

Les données du tableau concernant les dépenses kilométriques d'entretien se résument ainsi :

Ensemble des canaux : moyenne de 1.120 francs;

Canaux ayant un trafic de 100.000 tonnes ou davantage: moyenne de 1.320 francs; minimum de 540 francs; maximum de 4.910 francs; Ensemble des rivières: moyenne de 407 francs;

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Rivières ayant un trafic de 100.000 tonnes ou davantage: moyenne de 1.200 francs; minimum de 575 francs; maximum de 2.060 francs.

Ces dépenses sont celles de l'entretien proprement dit. Il faut y ajouter les dépenses dites de seconde catégorie, imputées sur les mêmes chapitres du budget et plus particulièrement affectées aux grosses réparations ou à de menus travaux neufs. La majoration moyenne résultant de cette addition est de 20 p. 100.

Il convient ainsi de compter les frais généraux et les dépenses locales du personnel (ingénieurs, conducteurs, commis, gardes, barragistes, éclusiers, mécaniciens, etc.), sans perdre de vue cependant que, sur les rivières, les fonctionnaires et agents ont des attributions administratives et un service de police indépendant de la navigation. L'augmentation de ce chef peut être arbitrée à 55 ou 60 p. 100.

Pour avoir la mesure de ce que coûte par tonne transportée à un kilomètre l'usage d'une voie navigable, il suffit de calculer le rapport entre les charges kilométriques annuelles et le tonnage moyen de cette voie. Les charges annuelles comprennent les frais d'entretien et de grosses réparations, les frais généraux et les dépenses locales de personnel, ainsi que l'intérêt et l'amortissement du capital engagé (si on les admet en compte).

Ici, des moyennes arithmétiques portant soit sur l'ensemble des canaux ou des rivières, soit sur des groupes déterminés de ces voies fluviales, seraient dépourvues de toute signification et conduiraient fatalement à de lourdes erreurs d'appréciation, car elles feraient part égale aux artères à circulation intense et aux voies à fréquentation presque nulle. Seules, les moyennes géométriques importent; seules elles combinent rationnellement deux facteurs inséparables, le nombre de tonnes kilométriques et la charge unitaire. Ce sont, d'ailleurs, des moyennes de cette nature qui ont été citées pour les chemins de fer.

Voici quel serait, d'après le précédent tableau, le coût moyen par tonne kilométrique, d'abord sur l'ensemble des canaux et sur l'ensemble des rivières, puis sur les seules voies navigables ayant un tonnage moyen de 500.000 tonnes au moins, dans la double hypothèse

de l'élimination ou de l'admission en compte des charges d'intérêt et d'amortissement.

1. ENSEMBLE DES CANAUX

Sans l'intérêt et l'amortissement du capital....
Avec l'intérêt et l'amortissement du capital....

2. ENSEMBLE DES RIVIÈRES

Sans l'intérêt et l'amortissement du capital
Ávec l'intérêt et l'amortissement du capital

3.

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... 2 millimes 95

2 centimes 16

3 millimes 04

1 centime 52

CANAUX AYANT UN TONNAGE MOYEN DE 500.000 TONNES AU MOINS

Sans l'intérêt et l'amortissement du capital..

1 millime 62

1 centime 17

Avec l'intérêt et l'amortissement du capital....

4.

RIVIÈRES AYANT UN TONNAGE MOYEN DE 500.000 TONNES AU MOINS

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Il ne sera pas inutile de rappeler que le tonnage kilométrique des voies navigables ayant un tonnage moyen de 500.000 tonnes ou davantage forme 86 p. 100 du tonnage kilométrique total des canaux et 77 p. 100 de celui des rivières.

Souvent les chiffres spéciaux aux voies navigables dont la fréquentation présente une activité exceptionnelle sont notablement inférieurs aux plus faibles des moyennes qui viennent d'être indiquées. Je citerai les exemples suivants :

1° Coût par tonne kilométrique sans l'intérêt et l'amortissement du capital. - Canal d'Aire (tonnage moyen de 2 millions de tonnes environ), 1 millime 05; canal latéral à l'Aisne (1.154,000 tonnes), 0 millime 98; canal de l'Aisne à la Marne (1.641.000 tonnes), 1 millime 11; canal de la Deûle (1.980.0000 tonnes), 1 millime 33; canal latéral à la Marne (1.362.000 tonnes, 0 millime 75; canal latéral à l'Oise (4.063.000 tonnes), 0 millime 84; canal de l'Oise à l'Aisne (1.861.000 tonnes), 0 millime 82; canal de la Sensée (4.162.000 tonnes), 0 millime 53. Seine (2.845.000 tonnes), 1 millime 16.

2o Coût par tonne kilométrique, avec l'intérêt et l'amortissement du capital. — Canal d'Aire (2 millions de tonnes), 6 millions 07; canal

latéral à l'Aisne (1.154.000 tonnes), 7 millimes 15; canal latéral à la Marne (1.362.000 tonnes), 6 millimes 09; canal de Saint-Quentin (5 376.000tonnes), 4 millimes 44; canal de la Sensée (4.162.000 tonnes), 3 millimes 82.- Aa (1.204.000 tonnes), 5 millimes; Escaut 1.899.000 t.), 3 millimes 08.

C. COMPARAISON ENTRE LES VOIES NAVIGABLES ET LES VOIES FERRÉES. La comparaison des voies navigables et des voies ferrées, en ce qui concerne le coût d'usage de la voie, donne, malgré la plus grande longueur du parcours par eau entre deux points déterminés, des résultats manifestement favorables aux voies de navigation, si on élimine pour elles, les charges d'intérêt et d'amortissement du capital. Dans le cas contraire, elle tourne à l'avantage des chemins de fer ou, du moins ne laisse la supériorité qu'à un petit nombre de voies navigables, spécialement de rivières privilégiées au point de vue des conditions naturelles de navigabilité et du trafic; les autres rivières et a fortiori les canaux artificiels se trouvent en infériorité certaine par rapport aux voies ferrées qui occupent un rang analogue dans l'échelle de la fréquentation. Le fait s'explique aisément: d'un côté, en effet, l'économie relative de construction autrefois portée à l'actif des canaux paraît avoir disparu ou s'être singulièrement attenuée; d'un autre côté, la plupart des voies navigables à mouvement intense n'ont pas une circulation dépassant celles des marchandises en petite vitesse sur les grandes artères de notre réseau ferré et les chemins de fer desservent, de plus, un trafic considérable de grande vitesse.

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Entre les deux systèmes de comparaison, quel est celui qu'il convient de choisir ?

Les défenseurs de la navigation invoquent des arguments d'ordre divers pour écarter tout ou partie des charges d'intérêt et d'amortissement.

Ils font valoir qu'une fraction importante des dépenses d'établissement remonte à une époque déjà ancienne et doit être considérée comme amortie par les bénéfices directs ou indirects procurés au pays depuis une longue suite d'années.

Subsidiairement, ils ajoutent que ces dépenses ont été fréquemment

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES, 1914-III.

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couvertes non par des ressources d'emprunt comme pour les chemins de fer, mais par les ressources annuelles ordinaires qui ne comportent pas d'amortissement.

Quelques-uns, sans méconnaître l'opportunité d'avoir égard à l'intérêt des capitaux, se refusent à admettre l'amortissement, parce que l'Etat, à l'inverse des Compagnies de chemin de fer, conserve indéfiniment ses travaux.

D'autres enfin ne veulent chercher la compensation des sacrifices du Trésor que dans le développement général de la production, du commerce et de la richesse publique. La suppression des péages a, suivant eux, concacré cette manière d'envisager les choses.

Certes, les dépenses de date ancienne doivent incontestablement être tenues pour amorties. Il y a là une considération qui ne saurait être négligée, quand on veut comparer les deux réseaux de voies navigables et de voies ferrées en leur état actuel. Mais le but à poursuivre est moins de faire une telle comparaison, ayant surtout un caractère didactique, que de recueillir des enseignements pour les œuvres de l'avenir.

La question étant ainsi limitée aux extensions ultérieures des réseaux navigable et ferré, comment ne pas traiter de même les deux catégories de voies à mettre en parallèle? Comment baser une distinction sur la nature et la provenance des ressources consacrées aux travaux? Que ces ressources soient fournies par l'impôt, par des emprunts d'Etat, par des émissions privées d'actions et d'obligations, elles sont, dans tous les cas, demandées à la nation. Sans doute, la forme de la rémunération varie: tandis que l'Etat se contente des profils directs ou indirects apportés au pays, les Compagnies de chemins de fer perçoivent des taxes correspondant aux charges des capitaux. Cette différence ne peut cependant influer sur la solution du problème posé à un point de vue en quelque sorte philosophique.

Vainement excipe-t-on de ce que l'Etat conserve indéfiniment les travaux, à l'inverse des Compagnies de chemins de fer dont les concessions sont temporaires. Les dépenses ne doivent pas moins être amorties. En décider autrement serait appliquer la doctrine soutenue par certains financiers éminents, mais heureusement repoussée jusqu'ici, de l'inutilité du remboursement des emprunts contractés

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