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III.

Le premier emploi du vaccin préparé au laboratoire du Val de Grâce a été fait, d'abord à moi-même, puis, en 1910, chez des élèves de cette École. En août et septembre 1911, la même méthode a été appliquée, parmi les troupes du Maroc Oriental. Une forte épidémie y débutait, qui donna lieu à 64 cas 97, avec 8 décès 35 pour 1.000 hommes.

Cette première expérience fut décisive. Aucun cas ne fut observé chez les militaires vaccinės.

A dater de ce moment, la vaccination s'est répandue dans l'armée. En 1912, 50.000 militaires ont reçu, en France, la série complète des injections de vaccin. Ces vaccinations ont été opérées surtout, sinon exclusivement, dans les villes et les régions où la maladie est épidémique. Cependant, aucun des vaccinés n'a été atteint de fièvre typhoïde, alors que les non vaccinés étaient souvent éprouvés très gravement.

L'exemple de l'épidémie d'Avignon est devenu, à cet égard, classique. Pendant l'été de 1912, une terrible épidémie, due à de l'eau de boisson, détermine dans la ville, au moins 1.000 cas de fièvre typhoïde, avec 64 décès, ce qui correspondrait pour Paris, à 60.000 cas, au moins, avec plus de 3.000 morts. Dans certaines rues, presque toutes les maisons comptaient des malades.

L'effectif de la garnison était de 2.053 hommes. Sur ce nombre, 525 avaient été immunisés avant l'épidémie, 841 le furent au début ou au cours de celle-ci. Au total, il y eut donc 1.366 vaccinés et 687 non vacinés. Or les 687 hommes non vaccinés ont compté le chiffre formidable de 155 cas de fièvre typhoïde (1 sur 4,5) avec 22 morts.

Les 1.366 militaires vaccinés n'ont eu aucun cas, même léger de cette maladie. Ceux des habitants qui se sont fait vacciner sont égale-: ment demeurés indemnes.

En Algérie, Tunisie, au Maroc, où la dothienentérie sévit en permanence, et parfois avec intensité, le nombre des vaccinés a été très élevé: 20.825. La protection assurée par le vaccin a été extrê-. mement remarquable, alors que le nombre des cas, chez les non

vaccinés, a été de 12,14 pour 1.000 en Algérie, 38,22, au Maroc Oriental, et de 168,44 pour 1.000 au Maroc Occidental.

A l'occasion d'une épidémie récente qui a régné à Montauban parmi la population civile et surtout dans la garnison (16 morts dans cette dernière), plus de 3.000 jeunes soldats, incorporés pendant cette épidémie, et exposés ainsi à la contagion la plus sérieuse, ainsi que les tous anciens soldats non encore immunisés, ont été soumis aussitôt à la vaccination. Aucun d'entre eux n'a pris la maladie. L'épidémie militaire s'est éteinte aussitôt complètement.

A Marseille, de très nombreux cas épidémiques éclatent en 1913, dans la ville. Les hôpitaux comptent une foule de malades. L'incendie épidémique se propage à un régiment venu de l'Est. Aucun des militaires déjà vaccinés n'est atteint. Les vaccinations faites chez les autres soldats arrêtent immédiatement les cas dans les casernes.

Le docteur Lajoanis a signalé récemment à l'Académie de Médecine une observation non moins impressionnante. Une colonne de 1.260 hommes, partie de Draguignan, est envoyée au Maroc Occidental en 1912. Elle y reste 14 mois, faisant de pénibles étapes, livrant de nombreux combats pour réprimer l'insurrection, exposée aux plus redoutables dangers de contagion par l'eau, le sol, les mouches, etc. dans ce pays neuf où les lois de l'hygiène sont encore inconnues et si difficilement applicables.

Tous les hommes composant cette colonne avaient été vaccinés contre la fièvre typhoïde, à l'exception de deux soldats qu'on n'avait pas inoculés parce qu'ils avaient déjà été atteints de cette maladie.

Or, à son retour, cette colonne n'avait compté que deux cas de fièvre typhoïde, précisément chez les deux militaires non vaccinés. Tous les vaccinés étaient restés absolument indemnes.

L'armée italienne a fait, en Tripolitaine, l'essai comparatif du vaccin chauffé et du vaccin polyvalent préparé suivant ma méthode. L'expérience a porté sur plus de 5.000 hommes. Les résultats préventifs donnés par le vaccin polyvalent ont été incomparablement supérieurs à ceux donnés par le vaccin préparé suivant l'autre méthode.

*

Alors que, dans les pays étrangers, la pratique de la vaccination antityphoïdique est restée limitée seulement à l'armée, il n'en est pas de même en France. Pour les raisons que j'ai indiquées, la population civile a fait et continue à faire un large usage du vaccin préparé au laboratoire du Val de Grâce. Le Ministre de la Guerre a très libéralement autorisé ce laboratoire à fournir ce vaccin en cas d'urgence. C'est pourquoi plus de 1.000 médecins, préfets, maires, bureaux d'hygiène, établissements sanitaires, etc., y ont eu déjà recours. Les résultats constatés ont été aussi démonstratifs que dans l'armée. De nombreuses familles, des écoles, des collectivités, des missions scientifiques, des villages entiers, ont été à la suite de la typhovaccination, entièrement préservés contre la maladie infectieuse.

A Avignon, 400 habitants ayant été vaccinés en 1912 et 1913, aucun d'eux n'a été atteint. A Paimpol, une épidémie donne lieu à plus de 100 cas de fièvre typhoïde, soit 41,66 pour 1.000, chez les non vaccinés. Aucun des vaccinés, au nombre de 400, ne prend la fièvre typhoïde

A Puy-l'Évêque (Lot), une grave épidémie atteint les habitants dans la proportion de 62 pour 1.000. On vaccine aussitôt, en masse, les habitants jeunes et réceptifs; les vaccinés ont 0 cas.

Des épidémies parfois terribles, de villages ou de familles, ont été observées, en 1913, à Jargeau (Loiret), à Rouffignac (Dordogne), à Lédignan (Gard), à Néroudes (Cher), à Egletons (Corrèze), à Grans (Bouches du Rhône), à Andilly (S.-et-O.), à St-Laltier (Isère), à Sivas (Turquie d'Asie), à Coninxheim (Belgique), à Sermaizes (Loiret), à Albano Laziale (Italie), dans le personnel du chemin de fer du Katanga (Congo belge), à Séville, à Médellin, etc. Partout et uniformément, l'emploi de la vaccination préventive a mis en lumière la protection absolue des personnes vaccinées.

Fait non moins remarquable, lorsque ces typho-vaccinations ont été opérées en grand, et chez les sujets jeunes et réceptifs, elles ont exercé, comme dans les régiments, une action d'arrêt sur l'épidémie. Sous l'influence des injections, la fièvre typhoïde disparaît brusquement, après 8 à 10 jours, ne donnant plus lieu lorsqu'elle le fait, qu'à des atteintes exceptionnelles et seulement chez les non vaccinés. Ainsi partout s'est affirmé l'influence protectrice extrêmement active de cette méthode immunisante.

QUELQUES RÉSULTATS DE LA VACCINATION ANTITYPHOÏDIQUE
PAR LE VACCIN POLYVALENT EN 1911-1912-1913.

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IV.

Il est une dernière et importante particularité que j'ai eu mainteș fois l'occasion de faire ressortir: C'est que lorsque la vaccination spécifique est pratiquée chez des personnes en incubation de fièvre typhoïde et, par conséquent, déjà infectées, elles donnent la possibilité d'empêcher, très souvent, l'éclosion ultérieure de la maladie.. La durée de l'incubation de la maladie étant de deux semaines et parfois de trois à cinq semaines, le vaccin, inoculé pendant cette période silencieuse, est capable d'arrêter, environ neuf fois sur dix, la pullulation du microbe pathogène chez le sujet déjà contagionné.

Les faits qui viennent d'être exposés permettent de conclure à la nécessité de répandre de plus en plus la vaccination antityphoïdique. Elle s'adresse essentiellement aux sujets jeunes (enfants, adolescents, jeunes gens), si réceptifs pour la maladie infectieuse. L'appliquer partout où la fièvre typhoïde est menaçante, c'est économiser sûrement des existences humaines. On a calculé que son emploi, cependant restreint, dans l'armée française, dans la seule année de 1912, a épargné 2.000 cas de fièvre typhoïde.

C'est pourquoi un projet de Loi a été déposé par M. Léon Labbé, sénateur et membre de l'Institut, demandant que la vaccination antityphoïdique soit obligatoire dans l'armée française (1).

Elle est appelée en effet à rendre des services considérables non seulement dans l'armée, mais encore dans la population civile. Cette méthode prophylactique a affirmé partout sa puissante efficacité. Chaque jour, la typho-vaccination s'étend de plus en plus. Elle prendra une importance comparable à celle de la vaccination antivarioleuse.

Elle n'est pas seulement importante par les résultats qu'elle a donnés dans le passé. Elle l'est, et plus encore, par ceux qu'elle promet dans l'avenir. La vaccination préventive contre la fièvretyphoïde réalise une des plus belles conquêtes de l'Hygiène moderne.

(1) Cette loi vient d'être votée par le Sénat et la Chambre des députés.

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