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contient une étude détaillée des avantages totaux apportés au public par les voies ferrées, abstraction faite du bénéfice des concessionnaires. Dans la première édition du Traité des chemins de fer, j'avais constaté, pour les recettes ordinaires du budget, une augmentation de 1.500 millions pendant la période trentenaire 18561886, et dès lors, pour la production nationale, un accroissement de 15 milliards: en effet, la plupart des financiers et des économistes estimaient la production au décuple du rendement des impôts d'Etat. M. Considère admettait le chiffre de 15 milliards. Pour apprécier la fraction de ce chiffre susceptible d'être inscrite à l'actif des chemins de fer, il opérait plusieurs déductions successives. Il retranchait d'abord 1 milliard, montant des salaires reçus par les 2 millions d'habitants qui s'étaient ajoutés à la population de la France entre 1856 et 1886. Puis, la richesse publique étant passée de 120 à 230 milliards durant la même période, il divisait la plus-value de 110 milliards en deux parts, dont l'une de 80 milliards formée par les économies de capitaux, et l'autre de 30 milliards, constituée par la majoration de valeur des capitaux existants sous l'action des progrès de toute nature, et déduisait le revenu à 4 1/2 p. 100 de la première part, soit 5 milliards 600 millions. Cette élimination, ajoutée à la précédente, laissait une différence de plus de 10 milliards ne pouvant provenir que des avantages directs et indirects dus aux progrès dans diverses branches de l'activité humaine et à l'usage des nouveaux instruments de production. Eu égard à la prépondérance manifeste du rôle de la vapeur dans la transformation économique du pays, à la grande supériorité de la force motrice utilisée par l'industrie des chemins de fer sur la force motrice mise en œuvre par les autres industries, à l'élévation de l'effet utile réalisé par la locomotive, M. Considère exprimait la ferme conviction que l'établissement du réseau avait été la cause dominante des progrès de l'agriculture et de l'industrie. Cependant, afin de rester certainement au-dessous de la vérité, il limitait à la proportion du tiers, ou à 3 milliards et demi, la valeur « actuelle » des avantages directs et indirects procurés au public par les voies ferrées, en dehors du revenu donné aux propriétaires des capitaux. La recette brute de l'exploitation variant entre 1 milliard et 1.200 millions,

M. Considère estimait en définitive l'utilité totale des chemins de fer au triple de la recette, plus le revenu des concessionnaires. Comme il avait évalué, d'autre part, à la moitié de la recette brute les économies de transport, ses calculs aboutissaient à deux fois et demie cette recette pour les avantages indirects procurés au pays.

Personnellement, j'avais, vers 1887, attribué aux chemins de fer le tiers de l'augmentation assurée par la production nationale depuis trente ans et admis, en conséquence, avec M. Olry de Labry que les avantages annuels dus à la construction du réseau pouvaient être évalués à 50 p. 100 des dépenses d'établissement. Cette appréciation doit-elle subsister?

De 1851 à 1860, la moyenne des recettes ordinaires du budget ne dépassait pas 1.547 millions; de 1901 à 1910, elle a été de 3.852 millions. L'accroissement est de 2.305 millions. Si on appliquait la règle, encore acceptée il y a vingt ans, de la proportionnalité du dixième par rapport à la production nationale, on serait amené à en conclure que cette production s'est élevée de 23 milliards. Une telle évaluation irait sans doute au delà de la vérité, car la progression des dépenses publiques couvertes par les impôts annuels paraît avoir été plus rapide que celle de la production nationale. L'insuffisance des statistiques empêche certes de l'affirmer. Mais en prenant comme terme de comparaison l'annuité successorale, passif non déduit et donations comprises, on constate que le rapport des recettes budgétaires au montant de cette annuité est passé de 52 p. 100, pendant la période décennale 1851-1860, à 57 p. 100, pendant la période 1901-1910, et ce dernier chiffre, pour être comparable au premier, devrait subir une majoration sensible, en raison des lois diverses qui ont introduit de nouveaux éléments dans l'annuité. Or, l'importance des successions et des donations fournit une mesure assez exacte des forces contributives et des ressources du pays. Il est donc prudent de ne pas compter sur plus de 19 à 20 milliards. Encore l'estimation, même ainsi réduite, semblera-t-elle exagérée aux économistes qui assignent à l'ensemble des revenus privés un maximum de 30 milliards et une valeur probable de 25 milliards.

Aucune circonstance n'est survenue de nature à infirmer le

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coefficient du tiers auquel je m'étais arrêté en 1887 pour l'expression du rapport entre les avantages procurés au pays par les chemins de fer et l'accroissement de la production nationale. L'utilité totale du réseau serait donc de 6 milliards et demi environ.

Les dépenses d'établissement des chemins de fer d'intérêt général ou local et des tramways faisant le service des marchandises en même temps que celui des voyageurs approchent de 20 milliards; leurs recettes brutes sont de 1.880 millions. Par suite l'utilité totale de ces voies ferrées correspondrait à 33 p. 100 du capital engagé et à 3 fois et demie la recette brute; la part des avantages indirects ne serait pas éloignée de 1 fois et demie la recette. Ces résultats sont inférieurs à ceux qui apparaissaient en 1887: au fur et à mesure de l'extension du réseau par l'adjonction de lignes secondaires, ses effets directs et réflexes ont relativement décru.

Il importe, d'ailleurs, de ne pas oublier que les coefficients de 33 p. 100 et de 3,5 sont des coefficients moyens et peuvent excéder de beaucoup la mesure réelle de l'utilité des nouvelles lignes.

Quoi qu'il en soit, les conclusions de cette courte étude sont des plus encourageantes, malgré leur imprécision; elles justifient amplement les sacrifices faits par l'Etat et les localités pour le développement du réseau; elles doivent rassurer ceux qui voient notre situation sous des couleurs trop sombres, dissiper des regrets injustifiables, inspirer quelque confiance, sans exclure la prudence et la circonspection nécessaires pour les entreprises futures.

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES, 1914-II.

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CHRONIQUE

N° 13

DÉTERMINATION DES VOLUMES D'EAUX PLUVIALES susceptibles d'affluer à un réseau d'égouts

APPLICATION A LA VILLE DE MILAN
Par M. F. POGGI,

Directeur des travaux de canalisation de la ville de Milan.

Le réseau d'égouts de la Ville de Milan, commencé en 1888, n'est pas encore achevé. parce que la population augmente continuellement, (en 1888 elle comptait 385.000 habitants et à présent 640.000); il a été l'objet d'études et discussions dont la connaissance ne sera peut-être pas inutile aux ingénieurs qui s'occupent de semblables questions.

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Le projet général a été présenté au Conseil municipal en 1890; dès 1900 on avait déjà construit 99 kilomètres d'égouts, lorsque, un changement des Administrateurs de la municipalité amena un ralentissement des travaux et une Commission d'enquête fût chargée d'examiner si le projet dans sa conception et les travaux dans leur exécution mettaient hors de doute la réussite finale d'une œuvre si importante.

Le rapport de la Commission, très favorable en principe, à l'exécution des travaux et à la conception générale du projet, ne le fut pas autant à l'égard de l'évaluation du débit attribué aux collecteurs pendant les plus grandes averses; on estimait possibles des débits presque doubles de ceux qu'envisageait le projet.

Les calculs de la Commission supposaient que les plus grandes

EAUX PLUVIALES SUSCEPTIBLES D'AFFLUER AUX ÉGOUTS 393 pluies (dont l'intensité et la durée résultaient des données de l'observatoire de Brera) (1) pouvaient s'étendre avec la même intensité et entre les mêmes limites de temps, à toute la zone affluente aux collecteurs; les faits ont démontré que cette hypothèse ne correspondait pas à la réalité.

Pour déterminer la réduction attribuable, dans le calcul des collecteurs, à l'intensité d'une pluie mesurée dans un point quelconque d'une vaste zone à canaliser (réduction qui est fonction de l'intensité de la pluie et de l'étendue de la zone), je demandai à la Ville l'autorisation d'acheter et d'installer plusieurs pluviomètres enregistreurs, ce qui me fût accordé. Nous commençames nos études d'abord avec 5 stations de pluviomètres enregistreurs, puis avec 7; à présent nous en avons 12, dont 2 très éloignés de la Ville; mais les résultats des observations dont je vais parler regardent seulement les 7 premiers pluviomètres indiqués par les numéros 1 à 7 dans le petit plan de la ville et environs ci-joint (fig. 1).

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Le polygone formé par les triangles dont les sommets sont les stations pluviométriques, mesure 1.153 hectares si l'on considère les seules stations 1 à 5, et 2.515 hectares en considérant tous les 7 pluviomètres de 1 à 7.

L'étendue de la ville entre les limites qui lui sont assignées par le Plan régulateur 1910 mesure 6.385 hectares; mais le projet de canalisation comprenait seulement la ville bâtie et les zones extérieures dans les limites du Plan de 1889, c'est-à-dire une surface d'environ 2.900 hectares, de sorte que les sept premiers pluviomètres intéressaient une surface à peu près égale à celle qui devait être desservie par le réseau d'égouts.

Nos études avaient pour but, non seulement de rechercher la distribution des pluies sur la zone considérée, mais aussi de mieux préciser le rapport entre l'intensité et la durée des pluies, car ce rapport a une grande importance dans le calcul d'un réseau d'égout qui doit recevoir les eaux de pluie et les eaux ménagères ensemble.

(1) Les observations sont faites moyennant un pluviomètre normal, non enregistreur; pourtant on note la durée approximative des pluies les plus remarquables. Les observations avec notes datent de 1851.

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