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de la circulation terrestre sont tous deux très intenses et qu'on veut les rendre indépendants l'un de l'autre. En pays plat, les viaducs sont toutefois plus chers, en général, que les tunnels en raison de la grande hauteur qu'il faut leur donner au-dessus du niveau de l'eau et du développement considérable qu'atteignent par suite leurs rampes d'accès; dans les agglomérations, notamment, les acquisitions de terrains nécessaires à l'établissement de ces rampes. grèvent le coût des ouvrages encore plus lourdement que pour les tunnels. C'est seulement dans le cas où la voie d'eau est très profonde et où les rives sont très élevées qu'un viaduc est indiqué de préférence à un tunnel.

Les viaducs existants appartiennent à deux types distincts: le type suspendu ou le type cantilever. Parmi eux, nous citerons les quatre ponts qui franchissent l'East River à New-York, savoir : le célèbre pont de Brocklyn, ayant une travée de 1.600 pieds (488 mètres), le pont de Manhattan, le pont de Williamsburg et le pont de Quensboro; ces ouvrages laissent une hauteur libre de 135 pieds (41m,18) au-dessus du niveau de l'eau; ils sont affectés uniquement au trafic des voyageurs et des véhicules; ils ont coûté chacun de 20 à 25 millions de dollars; le pont de Brocklyn, en particulier, dessert à de certaines heures une circulation d'une activité extraordinaire, qui s'écoule au moyen de trains électriques et de tramways ordinaires. Le pont bien connu du Forth, en Angleterre, qui comporte deux travées de 1.700 pieds (518,50) de longueur, mérite aussi d'être signalė. Les viaducs traversant le Kaiser-Wilhelm-Kanal sont beaucoup moins importants au point de vue de la portée; ils laissent une hauteur libre de 42 mètres au-dessus de la flottaison. Enfin, on construit actuellement sur le fleuve Saint-Laurent, à Québec, un pont pour deux voies de chemin de fer qui aura une travée médiane du type cantilever de 1.800 pieds (549 mètres) de longueur, à 150 pieds (45m,75) au-dessus du niveau de l'eau.

Une considération qui paraît s'opposer de plus en plus au choix de ce mode de traversée pour les voies d'accès des grands ports est l'accroissement des hauteurs de mâture. Il existe déjà, en France,

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un voilier, le quatre-mâts Quevilly, du port de Rouen, qui atteint 57 mètres à lège, et l'on en construit un nouveau, le cinq-mâts France, qui dépassera 61 mètres. En Allemagne, on trouve plusieurs voiliers encore plus haut mâtés, notamment le R.-G.Rickmers avec 66 mètres. Les vapeurs eux-mêmes, en raison de leurs installations de télégraphie sans fil, arrivent à des hauteurs de plus de 60 mètres. D'autre part, les mâts, construits en fer, sont souvent d'une seule pièce et ne comportent pas de « perroquets » pouvant être amenés au passage des ponts, de sorte qu'à l'heure actuelle, pour conserver une certaine marge, il faudrait donner aux viaducs une hauteur de 70 mètres, sans avoir la certitude que celle-ci serait suffisante pour un long avenir. Bien qu'on puisse accepter à ciel ouvert, pour des lignes de chemin de fer à grand trafic, une déclivité un peu plus forte que dans un tunnel, 15 millimètres, par exemple, les rampes de raccordement atteindraient, avec une pareille hauteur, plus de 4.500 mètres de développement. En pays plat, cette solution devient, pour ainsi dire, inabordable.

Pour le cas de la circulation routière, sans tramway, les rampes pourraient être remplacées par des ascenseurs, en acceptant l'inconvénient d'un débit réduit.

Dans un cas comme dans l'autre, il ne faut pas perdre de vue que les viaducs sont exposés à être détruits, en temps de guerre, par le tir de l'artillerie, et que leur chute compromettrait à la fois la circulation maritime et la circulation terrestre.

Ponts mobiles. - Les ponts mobiles sont employés toutes les fois qu'il est possible d'intercepter momentanément, sans trop d'inconvénients, la circulation maritime et la circulation terrestre et lorsque la violence des courants ne s'oppose pas à l'usage, par la navigation, d'une passe de largeur nécessairement réduite. Ils existent surtout dans l'intérieur des ports pour couvrir les pertuis d'entrée ou de communication des divers bassins.

Ponts tournants. En France, tout au moins, les ponts tournants constituent la solution la plus répandue du problème des ponts

mobiles. Les dispositions générales de leur tablier se ramènent à trois types distincts, savoir:

1o A deux volées sur une même passe;

2o A volée unique ;

3o Sur pile centrale.

Ces trois types sont passés en revue dans le rapport de MM. Babin, Coblentz et Tartrat, ainsi que les appareils de manoeuvre qui comportent une très grande variété, suivant que les mécanismes sont actionnés par la vapeur, l'essence de pétrole, l'eau sous pression ou l'électricité, que la rotation s'effectue sur une presse-pivot, sur pivot métallique ou sur une couronne de galets et que le calage des appuis est obtenu au moyen de presses hydrauliques, de coins ou d'excentriques.

Les mêmes auteurs signalent un appareil extrêmement ingénieux qui va être employé pour la rotation du pont tournant, dit de Caronte, actuellement en construction sur le canal de Bouc à Martigues (France), pour le passage de la ligne de chemin de fer de Miramas à l'Estaque. Cet appareil, inventé par un Américain, M. Janney (1), est interposé entre les moteurs et les mécanismes; il se compose de deux couronnes de pompes à huile contenues dans un récipient commun, mais séparées par une cloison à travers laquelle sont ménagés des conduits formant tiroirs de distribution; l'une des couronnes est actionnée par l'arbre moteur; l'autre, mise en mouvement par la première, actionne l'arbre récepteur; la vitesse du moteur étant constante, il suffit de tourner un simple volant pour faire changer non seulement la vitesse de l'arbre récepteur, mais même le sens de sa marche; le couple agissant sur l'arbre récepteur varie d'ailleurs en sens inverse de la vitesse. Cet appareil, dont le rendement est d'au moins 80 %, constitue en même temps un frein sans frottement très rapide et très sûr; il est donc appelé à rendre les plus grands services dans les manœuvres de ce genre qui exigent des efforts variables avec la vitesse du vent et des arrêts sans choc aux extrémités de la course.

(1) L'appareil Janney est décrit dans la Revue Générale des Sciences, tome XXI, année 1910.

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES, 1914-1.

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Les plus grands ponts tournants mentionnés dans les rapports présentés au Congrès sont :

En France, le pont déjà ancien de la Penfeld, à Brest, de 104 mètres d'ouverture à deux volées; le pont d'Arenc, à Marseille, et le pont de Missiessy, à Toulon, tous deux à volée unique, et ayant respectivement 50,00 et 50m,50 d'ouverture; le pont de Caronte, déjà cité, sur pile centrale, couvrant une passe libre de 42m,72 d'ouverture et comportant un tablier de 114 mètres de longueur d'un poids total de 1.350 tonnes;

En Amérique, le pont de l'Ohama, à New-London (Connecticut), de 158m,50 de portée;

En Allemagne, le pont à double voie Kaiser Wilhelm, à Wilhelmshafen, couvrant trois travées, d'une longueur totale de 190 mètres et d'un écartement de 79m,50 entre piles pivots.

Par suite de l'augmentation des dimensions des navires, les grands ouvrages de ce genre tendent à devenir de plus en plus nombreux; il y a lieu d'envisager dès maintenant, dans les principaux ports, des passes de 60 mètres au moins d'ouverture et comme, d'autre part, il n'est pas rare qu'il soit nécessaire que les tabliers puissent livrer passage simultanément à des voies ferrées et à des voies charretières, on va être conduit prochainement, par la force des choses, à construire des ponts tournants d'une importance considérable. La mise en mouvement de pareilles masses soulève des problèmes nouveaux dont il serait intéressant de préparer la solution par l'étude détaillée des appareils de manœuvre des grands ouvrages existants dans les divers pays.

Ponts basculants. Depuis quelques années, surtout en Amérique, les ponts basculants tendent à être préférés aux ponts tournants. Ils présentent, en effet, l'avantage de prendre en plan moins de place que ceux-ci et de pouvoir être manœuvrés plus rapidement parce que leur ouverture et leur fermeture n'exigent qu'un seul mouvement; on peut aussi ne les relever que partiellement pour livrer passage à des bateaux non mâtés; mais ils laissent, en général, à désirer sous le rapport de l'esthétique.

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Qu'ils soient à une ou à deux volées, les ponts basculants se ramènent à deux types distincts, savoir:

1o A axe fixe;

2o A secteurs roulants.

Dans le premier type, rentrent les ponts-levis, les ponts basculants ordinaires et les ponts basculants système Strauss.

Les ponts-levis, très usités autrefois pour de faibles portées, sont aujourd'hui à peu près abandonnés.

Les ponts basculants à axe fixe sont représentés par de nombreux exemples en Hollande et en Belgique ; le pont bien connu de la Tour, à Londres, de 61 mètres d'ouverture, appartient également à ce système; le défaut de ces ponts est de nécessiter la confection d'un encuvement profond pour le logement de la culasse quand le tablier est redressé, encuvement qui descend en contrebas du niveau de l'eau et qui a besoin, par suite, d'être étanche dans le cas d'ailleurs habituel où le pont franchit la passe à une faible hauteur. ·

Les ponts basculants, système Strauss, sont d'invention américaine; ils comportent, du côté de la culasse, un contrepoids surélevé et articulé qui vient se placer immédiatement au-dessus de la position primitivement occupée par la culasse quand le tablier est redressé; la culasse peut être, par suite, beaucoup plus courte et le défaut précité des ponts basculants ordinaires est très atténué.

Il n'existe, à notre connaissance, qu'une seule application de ce système en Europe: le pont de Knippel, à Copenhague, de 28m,26 d'ouverture à deux volées.

Le second type ne comprend que les ponts basculants, système Scherzer, qui sont également d'invention américaine; l'idée première de ce système se trouve toutefois dans trois petits ponts levants, construits au Havre en 1825 par l'Ingénieur français Lamblardie. Ces ponts sont caractérisés par des secteurs circulaires qui arment la culasse et qui peuvent rouler sur une plateforme horizontale; le tablier est équilibré par rapport au centre de ces secteurs; l'axe fictif autour duquel le tablier tourne en basculant se déplace donc horizontalement et la passe se trouve ainsi mieux dégagée que dans les autres systèmes; cette disposition permet, en outre, d'éviter la

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