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pas concourir à des mesures coërcitives contre la Hollande, fut transmise immédiatement aux cabinets de La Haye et de Bruxelles. Celui-là, comme on pouvait le prévoir, refusa de s'y soumettre. La flotte combinée anglaise et française, qui s'était réunie à Spithead, fit voile dans les premiers jours de novembre pour les côtes de Hollande et y établit un blocus maritime que la mauvaise saison ne tarda pas à interrompre. En même temps l'embargo était mis sur tous les navires hollandais dans les ports d'Angleterre et de France.

D'un autre côté, une armée française forte de 70,000 hommes, comptant dans ses rangs deux fils du roi, les ducs d'Orléans et de Nemours, passait la frontière le 15, sous les ordres du maréchal Gérard, pour se diriger sur la citadelle d'Anvers. Le 22, elle était réunie tout entière autour de la forteresse, et c'est là que nous irons la retrouver pour ajouter une nouvelle page à l'histoire des triomphes militaires de la France.

Ainsi, après tant de négociations, on allait essayer du fer pour trancher le nœud de la question belge, et taudis que le gouvernement prenait cette mesure qu'il jugeait décisive pour l'affermissement de la paix en Europe, un autre événement avait lieu et devait servir d'une manière encore plus certaine à consolider la paix intérieure du pays : la duchesse de Berry, dont la présence dans l'Ouest équivalait à une continuelle provocation à la guerre civile, était arrêtée à Nantes.

Le nouveau cabinet avait reconnu dès l'instant de sa formation la nécessité d'effectuer cette arrestation. C'est du moins ce qui paraît résulter des deux circulaires adressées le 13 octobre aux commandants militaires et aux préfets dans l'Ouest par le ministre de la guerre et le ministre de l'intérieur. «Il faut, disaient-ils l'un et l'autre, à peu près dans les mêmes termes, que les bandes de malfaiteurs qui désolent encore l'Ouest disparaissent; il faut que leurs chefs, quels que soient leur nom et leur rang, tombent tous dans les mains de la puissance publique.» Les faits prouvèrent bientôt que ces paroles avaient été prises au sérieux,

pour

Malgré les renseignements très divers qui semblaient se réunir détourner l'attention sur d'autres points, le gouvernement avait eu des raisons de penser que la duchesse venait souvent à Nantes, ou plutôt qu'elle y résidait. Mais on ignorait toujours le lieu exact où elle trouvait un refuge, et peut-être l'eût-on ignoré long-temps encore, au milieu d'un pays qui offrait tant de ressources à la duchesse pour se soustraire à toutes les recherches, si l'un de ses affidés ne l'avait lui-même vendue. Ce misérable instrument d'un acte légitime d'ailleurs et nécessaire au repos de la France était un étranger, Juif renégat, à qui son apostasie avait valu de hautes protections et que la duchesse de Berry avait comblé de bienfaits. Le 6 novembre, vers cinq heures du soir, il avertit l'autorité qu'elle venait d'arriver à Nantes, qu'elle était dans la maison de mademoiselle Duguigny, rue Haute du Château. Tout le quartier fut aussitôt cerné par 1,200 hommes d'infanterie, appuyés de la garde nationale. La nuit entière se passa en vaines perquisitions dans la maison de mademoiselle Duguigny, et le lendemain à dix heures, on désespérait de rien découvrir, lorsque, derrière une cheminée dont la plaque, tournant sur elle-même, donnait entrée dans une petite chambre, et où du feu avait été allumé toute la nuit, la duchesse, qu'une chaleur insupportable avait forcée de se trahir elle-même (1), fut trouvée avec M. Guibourg, avocat de Nantes, M. de Mesnars et mademoiselle Stylie de Kersabiec. On saisit en outre dans la maison plusieurs sacs d'argent, une correspondance, des proclamations au nom de Marie-Caroline, une presse clandestine, des caractères et des outils d'imprimerie, des papiers divers. Les prisonniers furent conduits avec toutes sortes d'égards au Château, sans que le calme le plus complet eût cessé de régner un instant dans la ville. Conformément à des ordres antérieurs, la duchesse fut ensuite embarquée sur un bâtiment

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(1). Vous m'avez fait une guerre de saint Laurent, dit-elle en sortant de sa retraite.

de l'État et transférée à la citadelle de Blaye (Gironde), où, dans l'attente de cet événement, des préparatifs qui avaient éveillé la curiosité publique avaient été faits depuis plusieurs mois.

Dès que cette importante capture eut été connue du ministère, une ordonnance fut rendue le 8, déclarant qu'un projet de loi serait présenté aux Chambres pour statuer relativement à madame la duchesse de Berry. Cette ordonnance fut vivement attaquée par tous les journaux de l'opposition, qui la qualifièrent de véritable monstruosité dans l'ordre constitutionnel et judiciaire, alléguant qu'il existait un arrêt de la Cour royale de Poitiers, qui met la duchesse de Berry et ses complices en état d'accusation pour provocation à la guerre civile et conspiration contre la sûreté de l'État, et que l'ordonnance du 8 novembre transportait, par une violation flagrante des termes de la Charte, au pouvoir législatif ce qui était exclusivement de la compétence des tribunaux. De là une polémique plus vive, plus envenimée que jamais entre les divers organes de la presse périodique. Ils s'escrimaient pour ou contre avec d'autant plus d'ardeur que l'ouverture des Chambres approchait, et que devant elles allait enfin être débattu et souverainement jugé ce grand procès de l'opposition et du ministère.

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CHAPITRE XI.'

Ouverture de la session des Chambres.

Discours du roi, - Atten

tat contre la personne du roi. Composition des bureaux dans les deux Chambres. · Admission des nouveaux pairs.

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l'adresse en réponse au discours du roi.

Discussion de

Les travaux qui se faisaient au Palais-Bourbon depuis trois ans étant terminés, du moins en ce qui concernait la salle ordinaire des séances de la Chambre des députés, qui a dû être reconstruite presque entièrement, c'est dans cette salle qu'eut lieu, le 19 novembre, l'ouverture de la session de 1832.

Les pairs de France, à qui l'on avait réservé les banquettes des premières sections de la droite, portaient tous leur costume. Les députés étaient sans costume. Ceux de l'opposition qui depuis la révolution de juillet se plaçaient aux extrémités des deux côtés, s'étaient assis cette fois tous ensemble à gauche, avec l'intention d'y rester pendant la session, pour pouvoir. concerter leurs votes et leurs résolutions dans les occasions importantes; mais dès le lendemain la majorité décida que chacun reprendrait à peu près la place qu'il occupait aupara

vant.

Le roi, salué à son arrivée dans la salle par les plus vives acclamations, invita l'assemblée à s'asseoir par cette simple formule : « Messieurs les pairs et messieurs les députés, asseyezvous,» et commença la lecture de son discours (voy, l'Appendice) d'une voix haute et ferme.

Après avoir parlé des insurrections qui avaient éclaté dans Paris au nom de la république, au nom de la contre-révolution dans l'Ouest, où un événement récent et décisif pour la paix publique détruirait les dernières illusions de ce parti; après avoir dit que, à Paris comme dans l'Ouest, son gouvernement avait dû emprunter à la législation existante toute l'énergie compatible

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avec la justice, S. M., faisant allusion à l'état de siége, ajoutait : «Vous aurez à examiner si notre législation, à cet égard, pas besoin d'être revue et complétée, et par quelles mesures peuvent être garanties à la fois la sûreté de l'État et la liberté de tous. »

Au reste, les heureux effets de la politique consacrée par le vote des Chambres et suivie par le gouvernement se faisaient partout ressentir.

Au dedans la confiance renaissait; le commerce et l'industrie avaient repris leur essor; la Providence avait versé ses trésors sur nos campagnes; le fléau qui nous avait désolés s'était éloigné, et tout promettait la prompte réparation des maux dont la France avait eu à gémir.

Au dehors les gages de la prospérité nationale n'étaient pas moins assurés. Le roi avait tout lieu de compter sur les dispositions pacifiques des puissances étrangères et sur les assurances qu'il en recevait chaque jour. Une question, celle de la Belgique, pouvait encore entretenir quelque inquiétude, et il avait cru que le moment était venu de pourvoir à l'exécution du traité du 15 novembre.

Le roi de la Grande-Bretage, disait S. M., a partagé mon sentiment. Nos deux pavillons flottent ensemble aux embouchures de l'Escaut. Notre armée, dont la discipline et le bon esprit égalent la vaillance, arrive en ce moment sous les murs d'Anvers. Mes deux fils sont dans ses rangs. (Acclamations vives et universelles.)

Le roi annonçait ensuite que les Chambres recevraient communication de l'acte de mariage de sa fille chérie avec le roi des Belges, du traité conclu avec les États-Unis de l'Amérique du Nord, et de celui qui appelait le prince Othon de Bavière au trône de Grèce.

Les lois organiques annoncées par l'article 69 de la Charte, et non encore votées, seraient aussi présentées dans le cours de la session. Quant aux charges publiques, S. M. regrettait de ne pouvoir en proposer dès à présent la réduction. Mais l'arrangement prochain des affaires générales de l'Europe permettait d'entrevoir le terme des sacrifices.

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