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CHAPITRE VII.

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Invasion du choléra - morbus. Troubles dans Paris. Chambre des députés : loi relative à la navigation du Rhin.

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- Loi sur la pêche de la morue. - Loi sur la pêche de la baleine. - Nouveau crédit extraordinaire pour dépenses secrètes, Loi qui remet en vigueur l'article 54 de la loi municipale. — Loi relative aux étrangers réfugiés en France. -Lois qui accordent des crédits extraordinaires pour secours aux étrangers réfugiés. Loi relative à la remise des droits du sceau. Loi qui autorise l'exécution d'un canal latéral à la Garonne. veau crédit pour mesures sanitaires contre le choléra-morbus.-Budget des recettes pour 1832.

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- Nou

Ce fléau impitoyable, mystérieux, foudroyant, auquel il paraît que toutes les régions de la terre doivent, l'une après l'autre, payer un fatal tribut; cette maladie qui, suivant l'expression énergique d'un célèbre médecin, commence par où les autres finissent, par la mort, le choléra sévissait depuis le 22 mars dans Paris. De quel lieu et comment il était venu envahir ainsi tout d'abord la capitale, sans qu'il semblât avoir attaqué auparavant ni ses environs, ni les départements, personne ne le savait. Le seul fait, malheureusement trop indubitable, c'était son existence; et bientôt, partant de Paris comme d'un foyer d'infection, il allait se propager au loin pour décimer les habitants de nos villes et de nos campagnes.

Dès les premières atteintes du mal, toutes les mesures furent prises pour en atténuer les effets. Dans tous les rangs de la population, les exemples de dévouement et de générosité se multiplièrent en raison de la gravité des circonstances. Plus exposés que le soldat sur un champ de bataille et non moins intrépides, les médecins se prodiguèrent pour tous, avec une constance, une sollicitude, un courage qui montrèrent leur profession sous les couleurs les plus honorables. Souscriptions volontaires en nature et en argent, distributions gratuites des moyens préservatifs contre le choléra, application prompte

et facile des médicaments nécessaires, la bienfaisance publique pourvut à tout et prouva que les grands sacrifices accompagnent ordinairement les grandes calamités. De son côté, l'administration prise à l'improviste déployait un zèle et une activité dignes de tout éloge. Le service des hôpitaux fut organisé avec une habileté et une vigilance admirables. Quatre bureaux, composés des médecins, chirurgiens et pharmaciens de chaque quartier, à tour de rôle, et fournis de tous les objets qui pouvaient servir au traitement des cholériques, furent établis dans chacun des douze arrondissements de Paris. Dès lors, et c'était le plus important, il fut permis aux pauvres comme aux riches de recevoir, à tout instant du jour et de la nuit, les secours les plus efficaces, avec une promptitude égale à celle de l'irruption du choléra.

Tant de précautions, inspirées par la sagesse et l'expérience des administrateurs et des hommes de l'art, annonçaient toute l'intensité du mal. Toutefois Paris, au premier moment, ne parut nullement s'en inquiéter. La fête de la micarême n'en fut pas célébrée avec moins d'abandon et de folle joie que de coutume. Les théâtres virent la même affluence de spectateurs. Et, lorsque les progrès de l'épidémie eurent remplacé la sécurité par la crainte dans beaucoup d'esprits, les classes ignorantes et nécessiteuses, celles même que le choléra ravageait avec le plus d'inclémence, s'obstinaient toujours à en nier la réalité. Aveuglement funeste qui ent pour effet d'augmenter le nombre des victimes et d'entraîner le peuple à des excès de la nature la plus déplorable.

Ils commencèrent, le 1er avril, par des rassemblements de chiffonniers. Ces hommes se crurent lésés sans nécessité dans leur humble industrie par les mesures d'assainissement et de propreté que l'autorité avait prescrites. Ils s'opposèrent à l'enlèvement des immondices ; ils chassèrent les balayeurs, attaquèrent et mirent en pièces plusieurs des voitures nouvelles destinées à rendre plus facile et plus prompt le nettoiement des rues. Il suivit de là que, pendant deux ou trois jours et

dans l'instant où cet état de choses devait avoir le plus d'inconvénients, la ville resta encombrée de débris hideux et de matières fangeuses. Ces violences furent réprimées par la force publique; mais l'agitation à laquelle le trouble et l'anxiété disposaient généralement les esprits ne fit que changer d'objet et devint une source de malheurs et de regrets encore plus grands.

Des bruits absurdes, des fables ridicules se répandirént tout à coup dans la foule. Selon ces bruits des hommes infàmes avaient formé le projet de jeter des substances vénéneuses sur les étaux des bouchers, dans les brocs des marchands de vin, dans les vases des laitières et jusque dans les seaux des porteurs d'eau. Accueillis par la peur, grossis par la sottise, ces bruits, qui avaient aussi reçu une sorte de confirmation officielle d'une proclamation du préfet de police, se propagèrent avec d'autant plus de facilité que le choléra et le poison se révèlent par les mêmes symptômes. Aussitôt le peuple crut à un vaste complot d'empoisonnement. Égaré par cette sinistre préoccupation, il ne connut plus de bornes, ni dans sa méfiance, ni dans sa colère, et Paris eut la douleur de voir quelques infortunés, qu'une fatale méprise avait livrés aux soupçons de la multitude, périr victimes de sa fureur.

Cette croyance aveugle aux empoisonnements tomba bientôt d'elle-même devant les vérifications et les enquêtes sans nombre ordonnées par l'autorité. Mais le coup était porté ; et si l'ordre se rétablit dans Paris, toute activité y fut comme suspendue, les transactions commerciales se trouvèrent de nouveau paralysées, le choléra fit des progrès effrayants, la peur du mal, aussi meurtrière que le mal lui-même, s'empara des plus fermes courages, et les étrangers se hâtèrent de fuir une ville en proie à la terreur, à la désolation et à la mort.

Que ce soit chez les députés, ce besoin de s'éloigner du centre de la contagion, que ce soit le désir de mettre fin aux fatigues d'une session qui durait depuis huit mois, toujours Ann, hist. pour 1832.

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est-il que les travaux de la Chambre élective marchèrent dès ce moment vers leur terme avec une rapidité inaccoutumée. La convention conclue à Mayence le 13 mars 1831 entre tous les États baignés par le Rhin (voy. l'Appendice), renfermait des dispositions tendant à établir une juridiction spéciale et une pénalité pour l'exécution du règlement relatif à la navigation de ce fleuve. Ces deux ordres de dispositions, dérogeant au droit commun de la France et devant en conséquence être soumis à la sanction législative, formaient la matière d'un projet de loi présenté le 6 mars à la Chambre des députés par M. le garde des sceaux.,

La commission chargée de l'examen de ce projet déclara le 22, par l'organe de son rapporteur, M. Gillon, qu'il lui paraissait, avec les rares corrections qu'elle avait faites au texte, mériter l'approbation de la Chambre. La loi était urgente; elle affranchissait la navigation du Rhin de ses anciennes entraves; aucune difficulté sérieuse ne pouvait s'élever contre son adoption, et les amendements de la commission, ainsi que le fit observer le rapporteur, n'étaient que des modifications légères qui n'exigeaient qu'un scrutin. Ouvert le 6 avril; il donna pour résultat 230 boules blanches et 11 noires.

Le même jour, la Chambre adoptait un projet de loi sur la pêche de la morue qui lui avait été apporté par M. le ministre du commerce dès le 20 août 1832. Il embrassait alors des dispositions relatives à la pêche de la baleine que la Chambre depuis jugea à propos d'en séparer pour en faire un projet de loi distinct. Néanmoins une seule commission avait été nommée pour examiner l'ensemble de ces dispositions et avait fait son rapport le 2 mars, par l'organe de M. Beslay père.

Le projet du gouvernement présentait deux innovations graves au système actuel des encouragements pour les pêches maritimes: 1° suppression complète pour celle de la morue de la prime d'exportation de France aux colonies; 2o réduc

tion générale des primes pour celle de la baleine, et suppression de la prime de retour aux expéditions pour la pêche

du nord.

Ces innovations éprouvèrent une résistance unanime de la part de la commission. Dans son opinion elles éloignaient du principal but des encouragements aux pêches maritimes, à savoir le maintien, et, au besoin, l'accroissement des marins français; en un mot, l'économie recherchée dans la dépense des primes affectait notre puissance navale, notre commerce extérieur, le développement de la richesse et de l'industrie nationales et la prospérité de nos colonies. Effrayée de ces inconvénients, la commission proposait de nombreuses modifications au projet ministériel, et croyait, au moyen d'un système mieux combiné, avoir atteint une économie au moins égale, sans compromettre aucun des grands intérêts de la so

ciété.

25 mars. M. le ministre du commerce et des travaux publics contesta avec force toutes ces assertions, et avant tout cette considération habilement développée par M. Beslay, que les primes avaient été créées pour former d'habiles marins, en vue de la défense du pays, et non pour la protection d'une industrie particulière. Le ministre ajouta que notre système de primes, avec sa tendance à toujours augmenter, finirait par dévorer les finances de l'État. Mais il fut combattu par M. Dupouy et par le rapporteur dans une discussion approfondie sur laquelle nous passons rapidement pour ne pas égarer le lecteur dans un dédale de faits et de calculs qui sortent de notre cadre.

Au total, la seule controverse qui existat réellement était celle-ci : la commission désirait maintenir une prime de réexportation de morues aux colonies, en la réduisant à 30 francs par un décroissement de 1 franc d'année en année; le gouvernement, au contraire, voulait supprimer entièrement les primes. Il consentirait, disait M. d'Argout, à en accorder une très faible pour les réexportations aux colonies, comme moyen

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