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tenant pour l'exemple l'exécution par effigie au moment de la condamnation, reculer cependant l'époque de la mort civile à l'expiration des cinq ans donnés au contumax pour se représenter : le condamné n'est encore qu'un absent; ce terme arrivé, sa condamnation devient définitive, et produit tout son effet.

ART.

Le contumax peut néanmoins se représenter, même 30 après le terme de cinq années. Quelques fortes présomptions que puisse élever contre lui sa longue absence, quoiqu'on ait droit de soupçonner qu'une comparution si tardive n'est due qu'à l'éloignement des témoins à charge, au dépérissement des preuves que le temps amene toujours après lui, à cet affaiblissement des premieres impressions qui, disposant les esprits à l'indulgence et à la pitié, peut faire entrevoir au coupable son impunité, l'humanité ne permet cependant pas qu'on refuse d'entendre celui qui ne s'est pas défendu. Il sera jugé, il pourra être absous, il sera absous; mais il ne rentrera dans ses droits que pour l'avenir seulement, et à compter du jour où il aura paru en justice.

Il pourra commencer une nouvelle vie, mais sans troubler l'état des familles ni contester les droits acquis pendant la durée de sa mort civile. Ainsi se trouveront conciliés les intérêts du coutumax et les intérêts non moins précieux de toute la société.

Voilà, législateurs, voilà les principaux motifs du projet de loi sur la jouissance et la privation des droits civils.

ART.

No 5.

DISCOURS (1) prononcé au corps législatif,
par le tribun GARY, l'un des orateurs chargés
de présenter le vœu du tribunat, sur la loi
relative à la jouissance et à la privation des
droits civils. (Tome I, pag.
3.)

LEGISLATEURS,

Séance du 17 ventôse an XII.

Nous venons vous apporter le vœu du tribunat en faveur du projet de loi relatif à la jouissance et à la privation des droits civils.

Le projet de loi, ainsi que l'annonce son titre, se divise naturellement en deux parties. L'une traite de la jouissance des droits civils, l'autre s'occupe de leur privation.

CHAPITRE PREMIER.

De la Jouissance des droits civils.

que

l'exer

Le projet de loi commence par déclarer cice des droits civils est indépendant de la qualité de citoyen, laquelle ne s'acquiert et ne se conserve que conformément à la loi constitutionnelle.

Trois especes de droits régissent les hommes réunis en société; le droit naturel ou général qui se trouve chez toutes les nations c'est celui qui établit la sûreté des personnes et des propriétés, et qui est la

(1) Le rapport au tribunat n'a pas été imprimé, parce qu'il avait été fait par le même orateur.

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source de tous les contrats entre-vifs, sans lesquels
il est impossible de concevoir qu'une association
quelconque puisse se former ou se maintenir.

Le droit civil, qui est le droit propre à chaque
nation et qui la distingue des autres; c'est celui qui
regle les successions, les mariages, les tuteles, la
puissance paternelle, et généralement tous les rap-
ports entre les personnes.

Enfin le droit politique, qui n'est pas moins propre à une nation que son droit civil, mais qui, s'occupant d'intérêts plus relevés, détermine la maniere dont les citoyens concourent plus ou moins immédiatement à l'exercice de la puissance publique. Il était nécessaire de séparer les regles de ce droit de celles du droit civil, de rappeler que les premieres appartiennent à l'acte constitutionnel, tandis que les autres sont l'objet de la loi civile, afin que ce qui est établi pour un ordre de choses ne pût jamais s'appliquer à l'autre.

Après avoir établi cette distinction, également sage et nécessaire, le projet de loi regle quels sont ceux qui sont appelés à jouir des droits civils.

Il distingue à cet effet les individus nés en France, de ceux nés en pays étranger.

ART.

On conçoit facilement pourquoi il ne s'occupe 8 point de ceux nés en France de Français. C'est bien pour ceux-là qu'est essentiellement faite la loi française, et que sont établis les droits civils.

Mais il y a eu plus de difficulté pour l'individu né en France d'un étranger. Un premier systême tendait à déclarer cet individu Français, sans s'embarrasser de sa destinée et de sa volonté ultérieure. Puisqu'un heureux hasard, disait-on, l'a fait naître sur notre territoire, il faut que ce bonheur s'étende sur toute sa vie, et qu'il jouisse de tous les droits des Français. A l'appui de cette opinion, on citait l'exemple de l'Angleterre, où tout individu né sur le sol anglais est sujet du roi.

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ART.

Les vues généreuses qui avaient produit ce sys.. tême, ont cédé à des motifs d'un ordre supérieur. On a reconnu qu'il serait trop injuste et trop peu convenable à la dignité nationale, que le fils d'une étrangere, qui lui aurait donné naissance en traversant le territoire français, et qui, emmené aussitôt par ses parents dans le lieu de leur origine, n'aurait ni résidé, ni manifesté le desir de s'établir en France, y pût jouir de tous les bienfaits de la loi civile. Ces bienfaits ne sont dus qu'à ceux qui se soumettent aux charges publiques, et dont la patrie peut à chaque instant réclamer les secours et l'appui. C'est un devoir pour quiconque est adopté par la loi d'un pays, de se montrer digne de cette faveur, et d'associer sa destinée à celle de sa patrie adoptive, en y établissant sa résidence. Certes, on ne peut attribuer plus d'effet au hasard de la naissance, qu'on n'en accordait autrefois aux lettres de naturalité, sollicitées par l'étranger, accordées par le souverain, et enregistrées avec la solennité des lois, dans les tribunaux dépositaires de son autorité. Or, la condition expresse et nécessaire des lettres de naturalité, était la résidence en France; condition si absolue, que son inobservation faisait perdre au naturalisé les droits et la qualité que ces lettres lui conféraient.

Quant à la loi anglaise, elle ne fait que consacrer une maxime féodale, dont le motif n'a rien de commun avec celui de la disposition que nous discu

tons.

la

On a donc établi en principe dans l'article 9, qu'il faut que celui qui est né en France d'un étranger, reclame la qualité de Français, qu'il forme cette réclamation dans l'année de sa majorité, afin que patrie dans le sein de laquelle il a vu le jour, ne reste pas plus long-temps incertaine sur sa détermination; et ici l'on distingue : ou bien il réside en France, et alors il joint à sa réclamation la décla

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ration qu'il entend Ꭹ fixer son domicile; ou il réside en pays étranger, et, dans ce cas, il fait sa soumission de fixer en France son domicile, et il doit l'y établir dans l'année, à compter de l'acte de sa soumission. Ainsi le bonheur de sa naissance n'est pas perdu pour lui; la loi lui offre de lui assurer le bienfait de la nature; mais il faut qu'il déclare l'intention de le conserver.

Le projet de loi s'occupe ensuite de ceux nés en pays étranger. C'est l'objet des articles 10, 11 et 13.

Trois hypotheses s'offrent ici à votre examen, ou c'est un individu né en pays étranger d'un Français ayant conservé cette qualité, ou bien c'est le fils d'un Français l'ayant perdue, ou bien enfin c'est un individu né de parents étrangers.

ART.

Point de difficulté quant à l'enfant du Français, 10 quoique né en pays étranger. La qualité de Français lui est assurée par la volonté de ses parents et par le vœu de sa patrie.

Celui né d'un Français qui a perdu cette qualité, pourra toujours la recouvrer en remplissant les conditions imposées par l'article 9 à l'individu né en France d'un étranger; c'est-à-dire, en accompagnant d'une résidence effective sa déclaration ou sa soumission de s'établir en France. Observez cependant qu'il est plus favorablement traité que cet étranger né en France; car celui - ci n'a qu'une année, à compter de sa majorité, pour manifèster sa volonté, tandis que l'autre le peut toujours, et dans toutes les époques de sa vie. Les motifs de cette différence rentrent dans ceux de la disposition ellemême. Ils sont fondés sur la faveur due à l'origine française, sur cette affection naturelle, sur cet amour ineffaçable que conservent à la France tous ceux dans les veines desquels coule le sang français. Vainement un pere injuste ou malheureux leur a ravi l'inestimable avantage de leur naissance ; la pa

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