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la même; sa qualité de Français le suivant par-tout,
les lois qui dérivent de cette qualité doivent le suivre
également.

Quant aux lois de police et de sûreté, il suffit
d'habiter le territoire français pour être sous l'em-
pire des lois de France. L'individu contracte, en
entrant dans un pays dont il n'est pas sujet, l'obli-
gation de se soumettre à toutes les lois établies pour
l'ordre et la tranquillité du pays. S'il est assez té-
méraire pour les enfreindre comment ce pays
pourra-t-il le traiter plus favorablement que ses
propres citoyens ?

Je ne m'étendrai point davantage sur les motifs de cet article, qui a obtenu un assentiment gé

néral.

L'article 4 porte que le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence et de l'obscurité, ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.

Cette disposition est une de celles dont l'expérience a le plus fait reconnaître l'indispensable nécessité.

Il est souvent arrivé, sur-tout pendant un assez long intervalle de temps, que des tribunaux civils, trouvant la loi muette ou obscure sur une question qui leur était soumise, se sont adressés au corps législatif pour avoir une solution qu'ils croyaient ne pas devoir donner, et en conséquence ont suspendu le jugement jusqu'à ce que la réponse fût arrivée. On n'aurait point ainsi suspendu le cours de la justice, si l'on eût été sans cesse pénétré de ce principe, que la loi n'a point d'effet rétroactif. Il est incontestable que la loi, ne pouvant disposer que pour l'avenir, ne doit point statuer sur des questions soumises aux tribunaux antérieurement à son existence. Si elle le fait, cette loi n'est point, par rapport à ces mêmes questions, une disposition législative, elle ne l'est que dans l'expression; mais

ART.

ART.

dans la réalité c'est un jugement. Et de-là résulte une confusion manifeste du pouvoir législatif avec le pouvoir judiciaire.

D'ailleurs, en émettant une loi sur chaque difficulté non prévue, de quelle quantité prodigieuse de lois ne serait-on pas bientôt accablé? Combien de fois aussi n'arriverait-il pas que la loi particuliere dérogerait à la loi générale, au lieu d'être seulement interprétative ? Et comme l'ancienne loi se trouvait liée à d'autres lois correlatives, il n'y aurait plus d'ensemble dans les différentes parties de la législation on y verrait au contraire une incohérence monstrueuse, d'où résulterait une source de procès. Alors, comme a dit un philosophe célèbre (1): « Les lois qui doivent servir de flambeau pour nous faire marcher, seraient autant d'entraves qui nous arrêteraient à chaque pas. »

En matiere criminelle, les inconvénients seraient bien plus graves encore. S'il fallait attendre une loi pour juger un acte que les juges croiraient condamnable, et sur lequel aucune loi ne leur paraitrait avoir prononcé, certes il n'est pas un citoyen qui ne dût être continuellement effrayé par la crainte de se voir un jour poursuivi comme coupable, en vertu d'une loi postérieure à l'acte qu'il aurait commis dans un temps où cet acte n'était nullement défendu.

En un mot, pour toute affaire, soit civile, soit criminelle, ou la loi parle, ou elle se tait. Si la loi parle, il faut juger en se conformant à sa volonté. Si elle se tait, il faut juger encore, mais avec cette différence que, lorsqu'il s'agit d'une affaire civile, les juges doivent se déterminer par les regles de l'équité, qui consistent dans les maximes de droit naturel, de justice universelle et de raison; et que lorsqu'il s'agit d'un procès criminel, l'accusé doit être renvoyé, vu le silence de la loi. Enfin reste-t-il (1) Bacon.

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de

-0

encore des difficultés ? C'est au tribunal de cassa-
tion de les lever; tribunal suprême, établi pour
venir au secours des citoyens dans les cas où l'on au-
rait appliqué des lois qui ne devaient pas l'être,
comme dans ceux où l'on n'aurait trouvé aucune
loi applicable, lorsqu'il en existait qui devait être
appliquée.

Suivant l'article 4 qui vient d'être analysé, les
législateurs ne doivent pas s'attribuer les fonctions
de juges.

ART.

Suivant l'article 5, les juges ne doivent pas 5 s'ériger en législateurs. On lit dans ce dernier article, qu'il est défendu aux juges de prononcer par се voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.

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Autrefois les cours souveraines rendaient des arrêts de réglement le droit qu'elles prétendaient avoir à cet égard, était fondé sur une ancienne possession et sur les mêmes titres que celui qu'elles exerçaient par rapport à l'enregistrement des lois. Il est évident que ces arrêts de réglement étaient tout à-la-fois des jugements et des lois; des jugements pour la cause sur laquelle ils statuaient, des lois pour les questions semblables ou analogues qui pouvaient se présenter à l'avenir.

Aujourd'hui de tels actes seraient tout à la fois inconstitutionnels et impraticables.

Inconstitutionnels: car la ligne de démarcation est constitutionnellement fixée entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Celui-ci n'a pas plus de droit de faire des lois, que celui-là de rendre des jugements.

Impraticables: car si, par exemple, un tribunal d'appel pouvait faire une disposition générale et réglementaire, il est incontestable qu'elle serait obligatoire pour tout son ressort, et qu'elle ne s'étendrait point au-delà de son ressort. Alors chaque tribunal de cette classe pouvant aussi faire la même

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chose, il en résulterait inévitablement une foule de dispositions contradictoires sur les mêmes points, et le bienfait d'un code général qui consiste à rendre la loi par-tout uniforme, deviendrait anéanti par des lois partielles, dont la réunion offrirait, après un certain laps de temps, un code particulier pour chaque ressort de tribunal d'appel.

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L'article 6 contient une maxime conforme à celle que les Romains avaient consacrée. Une convention particuliere blesse-t-elle l'ordre public ou les bonnes mœurs elle est réprouvée par la loi. Ne contient - elle rien ni contre les bonnes mœurs " ni contre l'ordre public elle doit être et est en effet permise, lors même qu'elle porterait dérogation à quelque disposition de la loi. Tel est le vœu de l'article 6. Le principe est juste, son application est facile. Ainsi, par exemple, deux époux ne pourraient convenir de dissoudre leur mariage à la volonté de l'un d'eux, et sans l'observation préalable des conditions que la loi prescrit. Mais un débiteur et un créancier peuvent faire entre eux une convention particuliere, d'après laquelle l'un promettra de ne pas user contre l'autre d'une prescription légale acquise en sa faveur.

Dans le premier cas, la convention est illicite, parce qu'il s'agit de l'existence d'un mariage, et que cet objet tient essentiellement à l'ordre public.

Dans le second cas, il s'agit d'un intérêt privé, susceptible d'être modifié au gré des parties; il s'agit d'un acte contre lequel l'ordre public ne peut réclamer en aucune façon. La convention est donc valable.

A l'égard des bonnes mœurs, il y a même raison, je dirai plus, l'une est une dépendance nécessaire de l'autre. Les mots ordre public eussent seuls pu suffire, et l'addition qu'on a faite n'a pour objet que de donner à la rédaction de l'article toute la clarté dont elle était susceptible. En effet, tout ce qui concerne

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les bonnes mœurs intéresse l'ordre public; mais tout
ce qui intéresse l'ordre public p'intéresse pas les
bonnes mœurs.

Législateurs, j'ai cru devoir me borner à cette courte analyse sur la loi proposée, l'orateur éloquent qui vous en a développé les motifs, m'a dispensé de tout autre soin. Une loi conçue par la sagesse, mûrie par la réflexion, recommandée par des talents supérieurs, appelle de toutes parts la confiance publique. Le tribunat s'est empressé de l'adopter. C'est à vous, législateurs, qu'il appartient d'en assurer les avantages, en lui accordant une sanction qu'elle sollicite à tant de titres.

N° 4:

EXPOSE des motifs de la loi relative à la jouissance et à la privation des droits civils (Tome I, page 3), par le conseiller d'état

TREILHARD.

LEGISLATEURS,

Séance du 14 ventôse an x1.

L'éclat de la victoire, la prépondérance d'un gou vernement également fort et sage, donnent sans doute un grand prix à la qualité de citoyen français : mais cet avantage serait plus brillant que solide, il laisserait encore d'immenses vœux à remplir, si la législation intérieure ne garantissait pas à chaque Français une existence douce et paisible, et si, après avoir tout fait pour la gloire de la nation, on ne s'occupait pas avec le même succès du bonheur des personnes.

La sûreté, la propriété, voilà les grandes bases
II. Motifs.

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ART.

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