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de la séparation pour les uns et du divorce pour les

autres.

L'autorité discrétionnaire appelée à prononcer est élevée fort au-dessus de toute passion, de tout intérêt autre que celui de la patrie; elle sera ce qu'une autorité suprême doit être pour les hommes, une seconde providence.

Je n'ajoute qu'un mot en Angleterre, quelle que soit d'ailleurs la disparité des procédures, un grand acte national est nécessaire pour un divorce; aussi il n'y en a pas eu deux cents depuis plus de deux cents ans. En France, où les tribunaux le prononcent, dans l'an X seulement Paris-seul en a compté' près de mille.

C'est ainsi, tribuns, que, dans un noble exercice de la raison, mais dans le silence des passions, tous gouvernés et gouvernants, justiciables et magistrats, différents quelquefois d'opinions, unanimes d'affections et de pensées, nous travaillons avec une sainte émulation à donner au peuple français les meilleures lois.

Serions-nous encore destinés à être distraits de ces utiles occupations?

Quoi! ni la victoire, ni la sagesse plus grande que la victoire, n'ont pu étouffer, désarmer de jalouses inquiétudes !

Certes, si une nation heureuse et florissante dans ses cités et dans ses campagnes, forte de la sagesse de son administration, brillante de l'éclat des arts, sait apprécier une paix qui double pour elle la jouissance de tant de biens, c'est sans doute la nation française.

Mais aussi, si une nation, invincible dans son courage, innombrable dans ses armées, infatigable dans ses travaux, pleine d'amour et de confiance dans ceux qui la dirigent, exaltée par les souvenirs, susceptible d'espérances doit redouter peu la guerre, c'est encore la nation française.

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ART.

De quoi ne fut-elle pas toujours capable quand à ATR. la conscience de sa force elle unit celle du génie et des vertus de ses chefs.

Depuis Henri IV cette harmonie, cette heureuse correspondance, n'avait pas existé au même degré : en avez-vous calculé les résultats, rivaux imprudents et jaloux?

Et vous, magistrats suprêmes, poursuivez la route que vous vous êtes tracée. Nous vous remercions d'une fermeté digne de vous; nous vous remercions d'une modération qui, à la tété d'un tel peuple, ne saurait être calomniée. Heureux d'avoir déposé dans cet épanchement solennel l'expression d'une confiance inaltérable et d'un dévouement sans bornes, les organes du peuple poursuivront paisiblement leurs travaux constitutionnels, sous la garde puissante de ceux qui tiennent pour lui l'épée et le bouclier.

Tribuns, par les raisons que j'ai déduites, je pense que la loi proposée sur le divorce ne peut, sans de graves inconvénients, être adoptée telle qu'on la présente.

N° 23.

DISCOURS prononcé au corps législatif, par le tribun GILLET, l'un des orateurs chargés de présenter le vœu du tribunat, sur la loi relative au divorce. (Tome 1, page 43.)

LEGISLATEURS,

Séance du 30 ventôse an xx.

Quand on parle du divorce, il est trop commun de confondre deux caracteres de la loi qui sont essentiellement distincts; savoir: celui de la loi qui autorise, et celui de la loi qui tolere; la disposition qui établit, et celle qui ne fait que limiter ce qui déja subsiste.

Dans le premier cas, le but du législateur est le bien; dans le second, il s'occupe seulement à diminuer la somme du mal.

Là, il a pour guide la morale, c'est-à-dire, ce type régulateur de ce que les mœurs ont de meilleur et de plus utile. Ici, il opere sur les mœurs, telles qu'elles sont, comme ces génies que quelques philosophes nous représentent luttant dans leurs créations contre une matiere imparfaite et rebelle.

C'est à cette derniere classe qu'appartient la loi proposée son objet n'est pas de créer au profit des passions une liberté nouvelle, mais bien plutôt de faire en sorte que la liberté naturelle dont elles abusent ne reste pas indépendante en ses

écarts.

Cette distinction nécessaire nous a dirigés dans l'examen de la loi proposée.

ART.

ART.

Sans doute, à ne contempler dans le mariage que le principe de son institution, la permanence est son état, la perpétuité son vou, l'indivisibilité entre les deux époux sa condition naturelle.

Mais à le considérer dans ses effets, tel que la marche de la société nous le présente, tous ne répondent pas à la dignité de ce grand contrat; il est des atteintes qui le brisent, il est des résistances qui en soulevent tous les fondements.

Ces atteintes et ces résistances seront-elles comptées pour rien par le législateur? Croira-t-il qu'elles seront sans danger, du moment qu'il aura proclamé qu'elles seront sans remede; et satisfait d'avoir établi, par une théorie générale, que l'union conjugale est toujours entiere, dédaignera-t-il de s'occuper de ce qui altere son intégrité dans la pratique? Conserver par de telles maximes, serait détruire. Qui est-ce qui ne voit pas en effet que bientôt le mariage serait ainsi livré à l'anarchic de toutes les passions, et que le principe des devoirs entre les époux serait corrompu dès que tous deux, avec le même droit de les exiger seraient dans la même impuissance de se les faire

rendre.

ce

Aussi fut-ce toujours, pour ceux qui présiderent aux institutions des peuples, un soin important que de régler quelle conduite doit être tenue à l'égard des époux qui manquent aux conditions essentielles du contrat destiné à les unir.

C'EST UNE PENSÉE COMMUNE A TOUS QU'IL FAUT EN CE CAS FAIRE CESSER UNE SOCIÉTÉ QUI N'EST PLUS QU'UNE OCCASION DE DÉSORDRE. Et véritablement est-il d'autre moyen par lequel l'autorité soit capable d'opérer sur des passions qui, par leur activité renaissante et surtout par l'asile domestique où elles se réfugient, échapperaient sans cesse à sa puissance?

Si donc les systêmes différent à cet égard, c'est

seulement sur les effets et la durée qui doivent suivre (alors qu'elle devient nécessaire) la cessation de la société conjugale.

Dans les pays où le célibat, placé sous les auspices de la religion, est un état respecté, les mariages étant moins multipliés, l'infortune de ceux qui sont désunis y est aussi moins généralement sentie; et s'il y arrive que la société conjugale doive cesser, les retraites sacrées, que la même religion protege, offrent à la femme un asile honorable si elle n'est que malheureuse, une sauvegarde pour ses mœurs si elle est coupable on a donc pu, sans inconséquence, dans un tel ordre de choses, lui interdire la faculté de contracter de nouveaux nœuds; la situation où elle se trouve alors placée est celle de la séparation de corps.

Dans les pays au contraire, ou le mariage a plus de faveur, où la femme hors le mariage ne peut guere prétendre à la considération, s'il arrive qu'elle soit forcée de sortir de la société conjugale qu'elle a contractée, il est convenable de lui permettre d'en former un autre. Sans cela, que serait sa situation dans le monde, sinon une situation toujours équivoque aux yeux du public, inquiétante pour les mœurs, et périlleuse pour ellemême? C'est cette faculté d'un second mariage qui lui a été ouverte par le divorce.

Le premier de ces systêmes a subsisté chez nous tant qu'ont subsisté aussi dans toute leur vigueur les autres institutions avec lesquelles il se lie; c'està-dire, pendant plusieurs siecles s; et il conserve encore sur les consciences une grande influence, appuyée par de nombreux et d'éloquents défenseurs : indépendamment des idées religieuses qui le consacrent, on ne saurait disconvenir que l'indissolubilité qu'il maintient dans le mariage ne soit un caractere très-imposant ajouté à sa dignité.

D'un autre côté, le second systême est celui d'un

ART.

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