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Cet entrepreneur ayant ainsi un droit acquis à la résiliation de son entreprise, l'Administration ne peut pour contester ce droit et échapper aux conséquences qui en découlent, se prévaloir de ce qu'il a été procédé à une réception définitive des travaux, ni de ce que le préfet a prononcé lui-même la résiliation, alors que cette réception définitive est postérieure à la demande de résiliation et que l'arrêté du préfet a prononcé la résiliation, également après que cette demande avait été formée, et pour d'autres motifs. (Ville de Paris contre Bessineton) (**).

Cette réception définitive et la résiliation prononcée par le préfet ne peuvent non plus faire obstacle à ce que l'entrepreneur demande des indemnités à raison de la marche de l'entreprise. (Ville de Paris contre Bessineton) (***).

Intérêts.

Arrêté attaqué. - Défaut de condamnation.

Dans

le cas où le conseil de préfecture s'est borné à ordonner une expertise. sans prononcer aucune condamnation, il n'y a lieu pour le Conseil d'Etat qui maintient cet arrêté de statuer en l'état sur des conclusions à fins de capitalisation d'intérêts. (Ville de Paris contre Bessineton.)

Expertise. Mission des experts.

Règlement des comptes

entre les parties.- Décidé que les experts pouvaient être chargés

travaux pendant plus d'une année, cas de résiliation prévu au cahier des charges et il avait réclamé en même temps une indemnité à raison de la marche anormale et irrégulière de l'entreprise provenant du fait de 1 Administration A la date du 7 juin 1894, la ville de Paris avait fait procéder à la réception définitive des travaux puis, le 8 mai 1895, le préfet de la Seine avait prononcé la résiliation de l'entreprise, par application d'un article du cahier des charges portant que la résiliation peut être prononcée dans le cas où les travaux pouvant être demandés à l'entreprise excèdent de plus d'un quart le montant des travaux adjugés.

La ville de Paris avait ensuite soutenu que la demande du sieur Bessineton devait être rejetée pour deux motifs. En premier lieu, elle avait exposé que la réception définitive étant du 7 juin 1894, la réception provisoire devait être reportée au 7 juin 1893, que les travaux devaient donc être considérés comme achevés à cette dernière date et que la demande de résiliation, formée seulement le 31 juillet 1893, était sans objet. En second lieu, elle avait soutenu que l'entrepreneur n'avait plus à faire prononcer une résiliation que le préfet avait lui même prononcée le 8 mai 1895.

Mais on ne pouvait admettre que la ville par une réception définitive effectuée une année après la demande de résiliation de l'entrepreneur, fit reporter ictivement la réception provisoire qui n'avait pas eu lieu à une date antérieure à cette demande, pour soutenir ensuite que les travaux étaient achevés avant la demande de résiliation. L'Administration avait d'ailleurs elle-mème considéré l'entreprise comme non terminée, puisque plus tard le préfet avait prononcé la résiliation. D'autre part, même s'il n'y avait pas lieu à résiliation, l'entrepreneur pouvait avoir droit à une indemnité à raison de la suspension des travaux de la marche irrégulière de l'entreprise. Bien qu'il n'ait formulé aucune réserve au moment de la réception définitive, il n'était pas privé de ce droit. En effet, par la réception définitive, on constate seulement le bon esprit des travaux; à partir de ce moment, l'entrepreneur n'a plus à en assurer l'entretien et il peut se faire rembourser son cautionnement et le dixième de garantie. Mais il a toujours le droit de présenter des réclamations tant qu'il n'a pas accepté le décompte.

-ou

de régler les comptes entre les parties, au cas où la ville de Paris s'abstiendrait de procéder à la révision du décompte des travaux. (Ville de Paris contre Bessineton) (*).

I. En ce qui concerne les dispositions de l'arrêté attaqué chargeant les experts de rechercher si un préjudice a été causé au sieur Bessinelon par le retard apporté à la résilliation de son marché et par les conditions, dans lesquelles cette résiliation a été prononcée le 8 mai 1895, et de rechercher si depuis 1887 jusqu'à l'achèvement des travaux, l'entreprise a subi, par la faute de l'Administration, une marche anormale et irrégulière. Considérant qu'aux termes de l'article 58 du cahier des charges, l'entrepreneur a le droit de demander la résiliation de son marché, lorsque l'Administration a suspendu l'exécution des travaux, pendant plus d'une année;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté qu'aucun ordre de service n'a été adressé au sieur Bessineton depuis le 3 février 1892 et que les travaux prescrits par le dernier ordre de service ont été achevés le 15 mars 1892; que, dès lors, le 31 juillet 1893, date à laquelle il a saisi le conseil de préfecture, l'entrepreneur était fondé à demander la résiliation de son marché ;

Considérant que le sieur Bessineton ayant ainsi un droit acquis à la résiliation de l'entreprise, la ville de Paris ne peut, pour contester ce droit et échapper aux conséquences qui en découlent, se prévaloir ni de ce qu'il a été procédé à une réception définitive des travaux effectués le 7 juin 1894, ni de ce que le préfet de la Seine aurait prononcé lui-même la résiliation du marché, par arrêté du 8 mai 1895; qu'il en est de même en ce qui concerne les indemnités qui pourraient être dues à raison de la marche donnée par l'Administration à l'entreprise;

II. En ce qui concerne la disposition de l'arrêté attaqué, chargeant les experts de fixer les indemnités, qui pourraient être dues au sieur Bessineton, après tous comptes réglés entre les parties. - Considérant qu'en admettant que le conseil de préfecture ait chargé les experts de régler les comptes entre les parties, cette mission pouvait leur être confiée en cas où la ville s'abstiendrait de procéder à la revision du décompte des travaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Paris n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué;

III. Sur les conclusions du sieur Bessineton à fin de capitalisation d'intérêt : Considérant que l'arrêté attaqué par le conseil de pré

(*) Voyez en ce sens; Poulain et Triolet, 17 février 1899, Ann. 1900, p. 690.

fecture s'est borné à ordonner une expertise et qu'aucune condamnation n'a été prononcée contre la ville de Paris; que, dans ces circonstances, il n'y a pas lieu, en l'état, de statuer sur les conclusions du sieur Bessineton à fins de capitalisation d'intérêts ;... (La requête de la ville de Paris est rejetée; il n'y a lieu de statuer, en l'état, sur les conclusions du sieur Bessineton à fins de capitalisation d'intérêts; les dépens exposés par le sieur Bessineton devant le Conseil d'Etat sont mis à la charge de la ville de Paris).

Travaux publics.

(N° 69)

[7 Août 1903]

-

Prolongation de la durée de l'entreprise. — Fait de l'administration. Indemnité à l'entrepreneur. Ville de Paris. Construction de l'Ecole de Médecine. (Ville de Paris contre sieur Bessineton).

L'Administration est responsable des préjudices causés à l'entrepreneur par la prolongation des travaux provenant de retards qui lui sont imputables et par la marche anormale et irrégulière de l'entreprise due à son fait. (Ville de Paris contre Bessineton) (*). L'indemnité à allouer à l'entrepreneur doit comprendre :

Le préjudice résultant de ce que les droits d'enregistrement du marché, qui auraient dû être régulièrement amortis dans la période correspondant à l'exécution normale des travaux, ne l'ont été que dans un délai beaucoup plus long (II) (Ville de Paris. contre Bessineton (**).

Le préjudice résultant du remboursement tardif du cautionnement (III) (Ville de Paris contre Bessineton (***).

(*) Jurisprudence constante. Voyez notamment: Guitton, 1er mars 1889, Ann. 1890, p. 311; Commune de Coursan contre Roger, 3 décembre 1897, Ann. 1899, p 258.

(**) Voyez pour analogie en cas de perte subie à raison du paiement des frais d'adjudication: Ville de Toulouse contre Lombrail, 30 novembre 1894, Ann, 1895, p. 481 Voy. encore: Assistance publique de Paris contre Durenne, 9 décembre 1887, Ann. 1888, p. 599. Voyez Ville de Paris contre Poulain et Triolet, 17 février 1899, Ann. 1900, p. 690.

(***. Voyez Ville de Paris contre Poulain et Triolet, 17 février 1899. Le cautionnement rapporte un interêt inférieur à celui que l'entrepreneur pourrait tirer de ses fonds; dès lors la prolongation de l'entreprise cause à l'entrepreneur un préjudice certain.

Les frais de location de chantiers, d'écuries et de hangars (V) (Ville de Paris contre Bessineton (*).

Les dépenses faites pour la fourniture de l'eau nécessaire à l'exécution des travaux (VI) (Ville de Paris contre Bessineton).

Les frais supplémentaires de vidange (VI) (Ville de Paris contre Bessineton).

La dépense pour le remplacement de pierres gelées, les travaux ayant été interrompus du fait de l'Administration (VII) (Ville de Paris contre Bessineton).

Les pertes sur le matériel et sur le personnel des chantiers (IX et X) (Ville de Paris contre Bessineton) (**).

Le préjudice résultant du retard dans le remboursement des sommes retenues à titre de garantie des travaux effectués (XI) (Ville de Paris contre Bessineton) (***).

Le préjudice résultant de ce que l'industrie de l'entrepreneur a été paralysée pour partie, de ce que ses capitaux ont été immobilisés et de ce qu'il a été empêché, dans une certaine limite, de poursuivre d'autres affaires (XII) (Ville de Paris contre Bessineton) (****).

Il est dû également une indemnité, à raison de l'augmentation survenue dans le prix des matériaux et de la main-d'œuvre (IV) (Ville de Paris contre Bessineton) (*****).

Pour fixer l'indemnité due de ce chef, il n'y a pas lieu, à défaut de pièces établissant les prix réellement payés par l'entrepreneur, de comparer uniquement les prix des séries pendant la période, au cours de laquelle les travaux auraient dû être achevés, avec les prix des séries applicables pendant la durée de la prolongation des travaux; il faut tenir compte de la moyenne des rabais

(***) Voyez Assistance publique de Paris contre Durenne, 9 décembre 1887; Ville de Paris contre Poulain et Triolet, 17 février 1899.

(***) Dans une affaire antérieure du 17 février 1899, Ville de Paris coutre Poulain et Triolet, une indemnite a été refusée par le Conseil d'Etat qui s'est fondé sur l'importance des acomptes versés par la ville à l'entrepreneur. Dans la décision rapportée on accorde une indemnité et avec raison: en effet, la retenue de garantie est une sorte de cautionnement et dès lors l'exactitude apportée dans le paiement d'acomptes qui étaient dus ne fait pas disparaître le prejudice résultant pour l'entrepreneur de ce que le solde des travaux, sur le paiement duquel il était en droit de compter à une certaine date, n'a été mis à sa disposition que plus tard. Sans doute la décision du 17 février 1899 s'explique par des considé rations de fait toutes particulières.

(****) Voyez notamment: Assistance publique de Paris contre Durenne, 9 décembre 1887; Ville de Paris contre Poulain et Triolet, 17 février 1899.

(*****) Voyez Foy, 25 février 1887. p. 183 et la note p. 184. Voyez encore: Ville de Paris contre Poulain et Triolet, 17 février 1899.

obtenus par l'Administration sur les prix des différentes séries ((V) (Ville de Paris contre Bessineton) (*).

L'entrepreneur n'a droit à aucune indemnité à raison de travaux exécutés pendant l'hiver pour protéger contre la gelée les ouvrages qui n'étaient pas couverts, alors qu'il n'est pas étabii que, si l'entreprise avait suivi une marche régulière, la toiture aurait été posée au cours de l'hiver de l'année précédente, année prévue pour l'achèvement de l'entreprise, et que par suite l'entrepreneur n'aurait pas eu à exécuter les travaux de préservation dont s'agit (VII) (Ville de Paris contre Bessineton) (**).

L'entrepreneur n'a pas droit non plus à une indemnité, à raison de ce qu'il aurait acquitté le droit proportionnel de patente pendant les années de la prolongation de l'entreprise, alors que pendant ces années il a exécuté d'autres travaux et que par suite il aurait été imposé au droit proportionnel de patente, même si l'entreprise indument prolongée avait été achevée (VIII) (Ville de Paris contre Bessineton).

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I. En ce qui concerne la prolongation des travaux et le dommage qui en est résulté pour le sieur Bessineton: Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport des experts que de longs retards se sont produits, par le fait de l'Administration, dans l'exécution des ouvrages pour la reconstrution de l'Ecole de médecine; qu'il a été reconnu par les experts que, dans la commune intention des parties, les travaux dont le sieur Bessineton a été chargé, auraient dû être achevés dans un délai n'excédant pas quatre années, c'est-à-dire au cours de l'année 1881, que, par suite de la marche anormale et irrégulière de l'entreprise, provenant du fait de la ville de Paris, les travaux n'étaient pas encore terminés à la date du 1er juillet 1887; que le sieur Bessineton a subi ainsi des pertes résultant, notamment, de l'augmentation des prix des matériaux et de la main-d'oeuvre et de l'accroissement des frais généraux ; que, dans ces circonstances, la ville de Paris n'est point fondée à soutenir que l'entrepreneur n'a pas éprouvé de préjudice et que, dans aucun cas, elle ne saurait être obligée de le réparer ;

II. Sur les conclusions principales de la ville de Paris tendant à la suppression de la somme de 5.309 fr. 30, allouée au sieur Bessineton pour pertes d'intérêts sur la somme par lui payée pour

(*) Voyez en ce sens : Ville de Paris contre Poulain et Triolet, 17 février 1899. (**) Rapport Ville de Paris contre Poulain et Triolet, 17 février 1899, Ann. 1900, p. 690.

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