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Intérêts. Défaut de justification d'une demande d'intére's antérieure à la demande de capitalisation: cette dernière demande vaut seulement comme demande d'intérêt.

neur. L'article 34 de ce cahier des charges porte, en effet que « le produit du transport des passagers et des marchandises appartiendra exclusivement à l'entrepreneur. Dès lors, si les péages à l'entree du port de Bastia étaient perçus sur le produit du transport des passagers et marchandises pour le compte de l'Etat, sans recours possible à fin de remboursement par l'Etat à la Compagnie requerante, ce produit subirait du fait de 1 Etat le prélèvement du montant de ces péages et par suite il n'appartiendrait plus exclusivement à l'entrepreneur. L'Etat a d'ailleurs implicitement reconnu le bien fondé de la réclamation de la Compagnie, qui ne doit pas supporter des péages n'existant pas lors de la passation de leur marché et n'ayant pu, par suite, entrer en ligne de compte dans la fixation des prix consentis, puisqu'il a demande à la Chambre de commerce de Bastia d'exonérer la Compagnie et que, dans les lois et décrets relatifs aux autres ports de la Corse, notamment dans la loi du 25 fevrier 1901, qui autorise la commune de Propriano à percevoir des peages à l'entrée de son port, il a été inséré une disposition exemptant de ces peages l'embarquement et le débarquement des voyageurs voyageant pour le service de l'Etat où à ses frais ainsi que les marchandises ou objets quelconques appartenant à l'Etat ou destinés à son service. Enfin, dit-on, pour la Compagnie Marseillaise de navigation les motifs invoqués par l'Etat dans la décision attaquée, pour rejeter la demande des requérants, ne sauraient être admis par le Conseil d'Etat. L'Etat prétend que les termes mêmes des articles 45 et 48 du cahier des charges entraînent pour la Compagnie requérante l'obligation de payer les péages afferents aux passagers de l'Etat et au matériel transportes pour son compte. Ces articles, qui fixent les tarifs reduits accordés à l'Etat, stipulent en effet expressément que dans les prix convenus sont compris les frais d'embarquement et de débarquement, parmi lesquels, dit le ministre, rentrent évidemment les peages. Mais, disent les requérants, cette affirmation du ministre ne repose sur rien; elle est contraire au langage courant et aux dispositions formelles du cahier des charges, qui définissent ce qu'il faut entendre par frais de débarquement et d'embarquement. Sur ce dernier point, aucun doute n'est possible; l'argument que le ministre tire des articles 45 et 18 n'a aucune espèce de valeur et il n'est pas moins singulier de qualifier frais de débarquement les péages à l'entrée d'un port qu'il le serait de qualifier de frais de transports les droits d'octroi à l'entrée d'une ville. Au surplus, le cahier des charges a eu bien soin de dire ce que c'était que ces frais de chargement et de déchargement dont parlent les articles 32, 45 et 48, il les definit à l'article 50: ce sont les frais nécessités pour les transports de quai à bateau et de bateau au quai et rien autre. Si donc la pretention du ministre n'avait pas d'autre base que cet argument de texte, elle devrait être condamnée, mais nous croyons très ferme ment, quant à nous, que l'Etat avait d'autres moyens à faire valoir, moyens qui nous restent à exposer et qui s'opposent à l'admission du pourvoi.

Tout d'abord la prétendue règle que les entrepreneurs de fournitures ou de travaux n'auraient point à supporter les conséquences des taxes votées poslérieurement à la passation de leur marche et qui auraient pour effet d'augmenter le prix des marchandises à fournir ou des travaux à effectuer n'a nullement la portée qu'on veut lui attribuer dans la requête. L'idée générale qui domine la jurisprudence du Conseil d'Etat a été fort bien mise en lumière au Recueil de Dalloz dans une note sur un de vos arrêts de 1874 (D. 75. 3. 66) intervenue à propos de l'établissement d'un droit d'octroi sur les charbons, ce qui avait pour effet de majorer le prix des matières premières nécessaires à la confection du gaz, qu'une Compagnie concessionnaire s'était engagée à livrer à un tarif déterminé antérieurement à l'établissement de la taxe d'octroi. « Il ne peut appartenir à une ville dit l'arrêtiste du Recueil de Dalloz, en remaniant son tarif, de porter indirectement atteinte à ses engagements. D'autre part, les entrepreneurs ne pouvant prétendre à une situation privilégiée qui les affranchirait de toute contribution aux charges communes et établirait une différence de traitement entre eux et les autres industriels, il y a là une question de bonne foi et d'interprétation ». Et c'est pour éviter ces difficultés que la plupart des marchés ont prevu

Sur la fin de non recevoir opposée à la requête par le ministre. - Considérant que le ministre ne justifie pas que la décision attaquée soit purement confirmative d'une décision ministérielle antérieure devenue définitive à la date de l'expiration des délais de recours; qu'ainsi, la requête de la Compagnie doit être déclarée recevable;

Au fond: Considérant que par une convention du 29 février 1892, la Compagnie requérante s'est engagée à assurer le service maritime postal entre la France continentale et la Corse et à transporter les passagers et le matériel de l'Etat à des prix réduits ou même gratuitement dans certains cas déterminés ; que, postérieurement à cette date, un décret du 31 juillet 1894, pris en exécution de la loi du 30 janvier 1893, a établi dans le port de Bastia des taxes que la Compagnie a dû acquitter pour les passagers et le matériel de l'Etat embarqués ou débarqués dans ce port;

Considérant qu'à raison de la nature particulière de ces droits, l'éventualité de leur établissement n'avait pas été prévue au moment de la con

la question. C'est ainsi que pour les marchés de fournitures de la Guerre il est stipulé par application des articles 134 et 135 du règlement du 26 mai 1866 sur le service des subsistances, auxquels se réfèrent les divers marchés, que l'établissement de taxes douanières donnera lieu à indemnité au profit de l'entrepreneur. Et voilà pourquoi on ne peut pas invoquer à l'appui de la requête toutes vos nombreuses décisions, intervenues à propos de fournitures d'avoine à l'Administration de la Guerre (table 1894, t. 2, p. 299).

Il n'y a guère non plus à tirer argument de ce qui se passe pour les octrois, Sans doute, depuis votre décision du 9 avril 1897 (gaz de Montlucon, 1897, p. 305). vous avez admis que l'établissement des droits d'octroi, sur les objets servant à la fourniture du gaz, dans les villes où il n'en existait pas, donnait lieu au profit du concessionnaire à une indemnité. C'est qu'en effet, comme le disait M. Arrivière, dans ses conclusions sur cette affaire les parties sont censées avoir stipulé en prenant pour base de leurs conventions les faits existants au moment de la passation du contrat ». Mais cela n'est exact que parce que c'est la ville contractante qui modifie elle-même par l'établissement des droits d'octroi les conditions économiques et financières du marché qu'elle avait contracté. Ici, il n'en est pas de même, il s'agit d'un marché passé par l'Etat et l'on ne peut raisonnablement prétendre qu'il doit indemniser son entrepreneur de transports maritimes à raison de toutes les taxes de navigation, de tous les péages qui seront établis par les communes ou par les Chambres de commerce des ports où les navires du concessionnaire devront toucher. Les parties en contractant n'ont jamais pu sous-entendre une semblable clause. Sans doute l'Etat, quand il exerce ses pouvoirs de tutelle, peut imposer au corps local (Département, Commune, Chambre de commerce), à qui il confère le droit de percevoir des péages sur les navires, l'exemption de ces péages pour les transports effectués pour le compte de l'Etat. Ce faisant, il agit dans son intérêt propre en vue de passer à l'avenir des marchés plus avantageux pour lui. Mais quand il n'a pas, dans les lois ou décrets autorisant la perception des péages, formulé une semblable réserve, l'entrepreneur doit payer ces péages sans recours possible contre l'Etat. Et cette solution s'impose avec la dernière évidence si l'on veut bien réfléchir au caractère propre de ces péages qui ont remplacé l'ancien droit de tonnage de la loi de 1866. Quand l'Etat, au lieu d'exécuter certains travaux maritimes sur les fonds généraux du budget, décide qu'il y a lieu de recourir à des fonds de concours, c'est parce qu'il estime qu'une partie de la dépense doit être supportée directement par les intéressés, qui profitent de l'amélioration du port. S'il s'agit de la création de l'outillage du port, l'Etat n'intervient plus jamais, il en charge la Chambre de commerce qui récupère les intérêts et l'amortissement du capital qu'elle y a employé au moyen des droits d'usage qui constituent le prix réel du service rendu aux bateaux qui se servent de cet outillage.

vention précitée et que la Compagnie n'avait pas pu en tenir compte dans la fixation des conditions de transport qu'elle consentait à l'Administration; qu'il suit de là que la Compagnie requérante est fondée à demander à l'Etat le remboursement des charges nouvelles qui lui ont été ainsi imposées et qu'il y a lieu de la renvoyer devant le ministre pour être procédé à la liquidation des sommes qui lui sont dues pour cette cause;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts: - Considérant que la Compagnie ne justifie pas avoir réclamé les intérêts antérieurement au 4 mars 1903; que ses conclusions à fin de capitalisation présentées à cette date, ne peuvent donc valoir que comme demande d'intérêts;... (Décision annulée; l'Etat remboursera à la Compagnie les taxes que celle-ci aura acquittées à raison des passagers et du matériel embarqués ou débarqués pour le compte de l'Administration dans le port de Bastia; Compagnie

Pour ces droits d'usage payés pour le chargement, le déchargement, les réparations, les remorquages de navires, l'emmagasinage des marchandises, etc... comme il s'agit des prix d'un service naturel rendu, il ne saurait évidemment être question d'un remboursement possible de l'entrepreneur, qui se sert de cet outillage parce qu'il y trouve avantage et presque toujours économie. Sur ce point pas de doute.

Pourquoi en serait-il différemment en ce qui touche les péages qui sont destinés à payer les dépenses d'amelioration des ports, approfondissement, balisage, éclairage, établisseiuent de quais. De ces améliorations tous les navires entrant dans le port profitent ou du moins tous sont présumés en profiter. Ce sont donc, comme les droits d'usage, quoi qu'on dise, des taxes établies en compensation d'avantages présumes et presque toujours réels que les navires trouvent aux améliorations que l'établissement de ces péages a permis d'obtenir. Il ne s'agit pas là de ces impôts généraux, à propos desquels sont intervenues les décisions qu'on invoque; il s'agit de taxes compensatoires d'un service rendu, dont la Compagnie requérante n'est nullement fondée, suivant nous, à réclamer le remboursement. Elle y est d'autant moins fondée qu'elle n'était nullement liée par un de ces contrats impératifs, à longue échéance, dont elle ne pouvait s'affranchir. Le contrat de la Compagnie Morelli, dont elle avait pris la suite, est expiré depuis le 30 juin 1895. C'est par une convention provisoire que le marché s'est trouvé proroge, sans qu'aucun délai ait été déterminé pour son expiration. La Compagnie requerante pouvait donc parfaitement subordonner les péages par elle payés å l'entrée de Bastia à peine de dénonciation de son contrat. Elle ne l'a pas fait et c'est seulement en 1901 qu'elle réclame rétroactivement ce remboursement à partir de 1894. En continuant pendant six ans un marché qu'elle pouvait dénoncer, à l'exécution duquel elle n'était pas obligée pour un temps fixe, elle nous paraît avoir implicitement condamné sa prétention actuelle.

Il nous semble qu'on pourrait tirer à l'appui de ce que nous avançons un certain argument d'analogie d'une de vos décisions rendue dans une affaire concernant la Compagnie du gaz d'Aurillac du 1er mai 1896. Il s'agissait d'une compagnie gazière qui avait consenti une prorogation de son contrat postérieurement à l'établissement d'une taxe doctroi sur les matières entrant dans la fabrication du gaz. Le Conseil d'Etat a rejeté la demande en remboursement des droits ainsi établis formee par la Compagnie pour les motifs suivants: considérant que la Compagnie a consenti la prorogation du traité de 1866, sans exiger qu'il fût apporté aucune modification à l'art. 24; qu'ainsi c'est à bon « droit que le conseil de préfecture a rejeté sa réclamation. Dans notre espèce, il n'y a pas eu renouvellement de contrat, il est vrai, mais il y a eu continuation d'un marché que les requérants pouvaient librement dénoncer. L'argument à lui seul serait peut-être insuffisant, mais s'ajoutant à ceux que nous venons de développer, il achève de nous convaincre du mal fondé de la réclamation de la Compagnie Marseillaise de navigation. Nous concluons en conséquence au rejet de son pourvoi.

renvoyée devant le ministre pour être procédé à la liquidation des sommes dues en vertu de la présente décision, avec les intérêts à partir du 4 mai 1903; l'Etat est condamné aux dépens).

(N° 308)

[20 mai 1904]

Travaux publics communaux. Décompte. Réclamations. Délai. Forclusion de l'article 41. Réclamations formulées contre un premier décompte non renouvelées lors de la présentation d'un second décompte définitif (Sieur Valentin contre commune de Florent). Un entrepreneur qui, dans le délai de vingt jours imparti par le cahier des charges, a formulé des réclamations motivées, comme il y était invité, contre un décompte de son entreprise portant la signature de l'agent-voyer cantonal et à lui signifié par un cantonnier-chef, est-il tenu, sous peine d'encourir la forclusion de l'article 41 du cahier des clauses et conditions générales, de renouveler ses réclamations dans les vingt jours du nouveau décompte, dit définitif, qui lui a été ultérieurement présenté ? Rés. nég. alors surtout que le nouveau décompte s'élevait, à quelques francs près, au même chiffre que le précédent (*).

Considérant qu'à la date du 25 juin 1901, il a été notifié au sieur Valentin un décompte de l'entreprise dans les formes prescrites pour la présentation du décompte définitif par l'article 41 du cahier des clauses et conditions générales imposées aux entrepreneurs des chemins vicinaux, et déclarées applicables à l'entreprise du requérant par l'article 26 de son cahier des charges; que, dans le délai imparti par ledit article, le sieur Valentin a adressé à l'agent-voyer un mémoire détaillé contenant ses réclamations; qu'il a déclaré les maintenir dans une lettre du 5 octobre 1901; que, dans ces circonstances, le fait que le sieur Valentin n'aurait pas formulé à nouveau ses réclamations contre le nouveau décompte définitif, qui lui a été notifié le 14 octobre 1901, dans le délai de vingt jours à partir de cette notification, n'est pas de nature à rendre ses réclamations non recevables tout au moins quant aux chefs de demande qui avaient fait l'objet du mémoire du 13 juillet 1901; qu'ainsi, c'est à tort que le conseil

(*) Comp. Ruth, 4 décembre. 1891, Ann. 1893, p. 131.

de préfecture a, par application de l'article 41 du cahier des clauses et conditions générales, rejeté dans son ensemble la demande du sieur Valentin ;... (Arrêté annulé ; les parties sont renvoyées devant le conseil de préfecture pour être statué sur les réclamations du sieur Valentin contenues dans son mémoire du 13 juillet 1901, et développées dans sa requête du 8 janvier 1902; commune de Florent condamnée aux dépens).

(N° 309)

[20 mai 1904]

Travaux publics. - Dommages (Commune d'Orsay, sieur Neustadt). Travaux de réfection et de relèvement du niveau d'un chemin vicinal ayant eu pour effet de rendre plus difficile l'accès d'une porte de communication avec la voie publique et d'aggraver la servitude naturelle des eaux provenant du chemin par suite de la pose dans l'un des caniveaux du chemin d'une pierre faisant refluer les eaux vers la propriété riveraine; indemnité allouée (Commune d'Orsay, 1re esp.).

Plus-value. Doit-on faire entrer en compensation dans l'indemnité allouée pour modification des accès et aggravation de la servitude naturelle d'écoulement des fossés à la suite de travaux de réfection d'un chemin vicinal l'avantage général résultant pour les propriétés riveraines de l'amélioration de la viabilité? — Rés. nég. Il s'agit ici d'une plus-value qui ne serait ni directe ni spéciale (Commune d'Orsay, 1re esp.) (*).

Dommage. Procédure. Expertise. Fait nouveau postérieur au rapport des experts. Demande de supplément d'expertise. Le conseil de préfecture peut-il se refuser à ordonner sur la demande d'un propriétaire lésé par la construction d'un chemin un supplément d'expertise, lorsque, postérieurement au rapport des experts, un arrêté préfectoral a cédé à un voisin un hors-ligne et qu'aux dires du réclamant cette cession aurait pour effet d'augmenter les difficultés d'accès de l'immeuble en cause et d'accroître le dom

(*) Rappr. Comm. de Fontès, 6 mai 1898, Ann. 1899, p. 949. Dans l'espèce, les travaux de réfection avaient été exécutés sur la demande et en grande partie au moyen des offres d'un voisin, qui cherchait à allotir son terrain. La propriété Beaugé, au contraire, ayant un double accès, et ne devant pas être allotie n'obtenait pas d'avantages particuliers de l'amélioration du chemin; spécialement le trajet de la propriété à la gare n'était pas plus court par ce chemin que par la route sur laquelle donnait la porte principale de la propriété.

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