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des fonds dans l'exploitation, ou obtenu une part dans la société pour prix de son industrie.

A ce titre de gérant, il est chargé de faire valoir les intérêts sociaux, selon les conditions stipulées dans l'acte d'association. Ses fonctions doivent consister dans la faculté de faire tous les actes d'administration; il règle les dépenses, perçoit les produits, fait les engagements et traités, soit avec les comédiens, employés, soit avec les fournisseurs du théâtre ; et pour tous les actes qui rentrent dans ses attributions, il a pouvoir d'engager la société.

à

206. Si sa gestion a pour prix une part dans la société, le directeur est solidairement responsable de tous les engagements qu'il contracte. Mais il peut arriver qu'il ne soit qu'un simple employé. gages, chargé d'exploiter moyennant un traitement. Dans ce cas, il doit être considéré comme un fondé de pouvoirs, qui a qualité pour engager ses mandants, mais qui ne s'oblige point lui-même tant qu'il ne sort pas des limites de son mandat ; dans cette position particulière, il ne pourra être poursuivi personnellement pour les dettes de la société, et il lui suffira de justifier qu'il n'a point excédé ses pouvoirs, pour être à l'abri de tout

recours.

207. Pour les rapports privés, les entreprises théâtrales sont dans le droit commun; il suffit de se reporter aux principes généraux pour trouver la solution des difficultés qui pourront se présenter, Mais il existe un grand nombre de cas où l'intervention de l'autorité publique dans l'exploi

tation du théâtre peut modifier les droits et les obligations réciproques des parties. Ainsi le directeur peut être contraint à contracter ou à rompre certains engagements, par l'ordre des fonctionnaires préposés à la direction publique du théâtre. Il peut être destitué avant le temps fixé pår l'acte de société pour sa direction: il serait impossible d'indiquer toutes les circonstances qui se présenteront et qui naîtront des caprices de l'autorité ou de la situation de l'entreprise, et des volontés du public. Une règle unique doit être suivie dans tous ces cas : les ordres de l'autorité doivent être en général considérés comme des faits de force majeure qui l'emportent sur les stipulations sociales; comme on a dû prévoir qu'ils pourraient intervenir dans l'exploitation de l'entreprise, la société doit être considérée comme s'y étant soumise à l'avance. Cependant si quelque faute, soit du directeur, soit des sociétaires, motivait de la part de l'administration une mesure préjudiciable aux intérêts de l'entreprise, celle des parties qui en éprouverait un dommage pourrait se pourvoir pour en obtenir la réparation contre celle dont la faute en aurait été la cause première.

208. Les directeurs de théâtre nommés par l'administration ne peuvent point être considérés comme des fonctionnaires publics; ils ne peuvent en vertu de l'art. 75 de la constitution de l'an VIII, que la jurisprudence applique journellement malgré son abrogation, réclamer le privilége de n'être poursuivis qu'après une autorisation du conseil

d'état. Pour tous les actes de gestion privée et d'administration des intérêts sociaux, de même que pour les délits qu'ils pourraient commettre dans l'entreprise théâtrale, ils pourraient être traduits devant les tribunaux directement et sans autorisation du gouvernement

209. Les pouvoirs de discipline intérieure attribués aux directeurs sont fort étendus: ils exercent une espèce de dictature, et il importe qu'ils soient investis d'une grande autorité pour se trouver à même d'imprimer une marche régulière et unique à tous les rouages de l'entreprise qu'ils sont chargés d'administrer. Il serait difficile d'assigner les limites de cette autorité en cas de discussion, la décision provisoire appartient à l'autorité municipale, comme nous l'avons déjà vu (no 96); et pour le jugement définitif, les parties sont soumises à la juridiction des tribunaux, si elles ne se sont pas choisi des juges particuliers.

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210. L'engagement est un acte par lequel le comédien s'oblige à faire partie d'une entreprise de théâtre pendant un temps déterminé ; c'est un contrat synallagmatique, puisqu'il contient des obligations réciproques. Sous ce rapport, aux termes de l'art. 1325 du Code civil, il doit être fait double, et l'accomplissement de cette formalité

doit être mentionné sur chacun des doubles; à défaut de cette précaution, il serait nul, à moins qu'il n'eût déjà commencé à être exécuté, ou que chacune des parties n'eût entre les mains le moyen de contraindre l'autre à l'exécution du traité : ainsi un engagement qui serait fait par correspondance serait valable, si des lettres produites il résultait que le consentement a été donné de part et d'autre, et que toutes les conditions du traité ont été valablement convenues et arrêtées.

et

211. La promesse d'engagement vaut engagement, si elle contient toutes les conditions, qu'il soit bien certain qu'il n'est resté aucune incertitude entre les parties.

212. Le contrat d'engagement ne peut intervenir qu'entre personnes capables de s'obliger. Ainsi un mineur ne serait pas habile à s'engager sans le consentement des personnes dont il dépend, pour les actes ordinaires de la vie civile.

Si le mineur a encore son père, il ne pourra, sans son consentement, contracter l'engagement : à défaut de père, il devra se pourvoir du consentement de sa mère : et, s'il n'a plus ni père ni mère, du consentement de son tuteur: s'il n'a point de tuteur, le conseil de famille devra être convoqué pour lui en nommer un.

Le tribunal de commerce a consacré ces principes par un jugement du 10 janvier 1828, qui a annulé l'engagement pris envers le théâtre de la porte Saint-Martin par la demoiselle Gougibus, par le motif qu'elle était mineure, et qu'elle « n'a

<< vait pu contracter légalement sans l'autorisation « de ses tuteurs légitimes, ou d'un conseil de fa<< mille. >>

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213. La cour royale de Paris s'est montrée encore plus rigoureuse : le 5 janvier 1828, elle a prononcé la nullité de l'engagement contracté par mademoiselle Ancelin avec l'autorisation de sa mère, envers le théâtre de l'Ambigu-Comique, en se fondant sur ce « qu'une fille de douze ans avait nécessaire<< ment ignoré les dangers de l'engagement qu'on «< lui faisait contracter, d'où il suivait qu'il n'avait << pu y avoir de lien de droit. »

Il résulte de cet arrêt, qu'outre le consentement du père ou de la mère, il est nécessaire que le mineur ait connu l'étendue de l'engagement qu'on lui faisait contracter. La question de la validité des engagements du mineur est donc subordonnée aux faits, c'est-à-dire à l'àge, à la condition du mineur; ainsi la demoiselle Ancelin s'étant aussitôt après l'arrêt de la cour engagée à un autre théâtre, nous croyons que ce nouvel engagement n'aurait pas pu être annulé, parce qu'il n'y aurait plus eu lieu de penser qu'il avait été fait dans l'ignorance des dangers du théâtre.

214. L'autorisation donnée au mineur pour contracter un engagement doit-elle être enregistrée et affichée au tribunal de commerce, conformément à l'art. 2 du Code de commerce? L'affirmative avait été décidée dans l'affaire de mademoiselle Ancelin, par le tribunal de première instance, mais la cour n'a pas reproduit ce moyen

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