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la loi une application vicieuse que de recourir dictés sans doute par des vues équi

à des moyens, dictés sans doute

tables, mais entachés d'arbitraire.

175. Les esprits habitués au despotisme ministériel, relativement aux théâtres, seront disposés à penser que l'administration se trouvera désarmée, si elle n'a point le pouvoir de révoquer les autorisations d'ouverture, et que ce pouvoir est la seule sanction qu'elle puisse donner à ses ordres; mais il est facile de démontrer que ces craintes n'auraient rien de sérieux. Pour tout ce qui touche à l'exploitation journalière de l'entreprise, on a vu combien sont étendus les droits de l'autorité municipale, et qu'elle peut faire exécuter ses ordres en punissant les contrevenants. Quant à l'administration supérieure, deux conditions essentielles seulement peuvent être prescrites par elle : la fixation du genre du spectacle, et la résidence de l'entreprise. Or, tous les agents administratifs auront le pouvoir de faire respecter ces conditions, et quand parfois elles pourraient être enfreintes, elles intéressent bien moins l'ordre public que le droit sacré de la propriété, qui se trouverait livré aux caprices des bureaux, si l'on admettait que les autorisations d'ouverture peuvent être révoquées.

176. Cependant il est à craindre que l'administration ne reconnaisse pas de long-temps l'évidence des principes qui viennent d'être exposés. Jusqu'ici les autorisations d'ouverture, qualifiées de brevets, de priviléges, ont été retirées par le ministre de

l'intérieur dans des cas où ce droit ne lui appartenait point, et l'on ne peut espérer que ces habitudes administratives cèdent devant nos explications. Il est nécessaire d'indiquer le recours qui pourra être exercé dans le cas où cet abus se renouvellerait.

177. L'autorité administrative prononçant la révocation, c'est contre elle que doivent être intentés tous les recours. Les tribunaux ordinaires ne peuvent être saisis de semblables actions; car il leur est interdit de connaître des actes de l'administration. Il est vrai que des droits privés auront dû être blessés par la révocation, que le droit de propriété notamment aura reçu une vive atteinte; mais, quelle que soit la nature du préjudice, il s'agira toujours d'examiner le mérite et la légalité d'un acte de l'administration, et une pareille question ne peut appartenir aux tribunaux ordinaires. C'est ce que le conseil-d'état a jugé dans l'affaire des actionnaires du Vaudeville contre le sieur Bérard, affaire dont nous avons déjà parlé. Ainsi, c'est à la juridiction administrative que devront s'adresser ceux qui auront à se plaindre d'un arrêté du ministre portant révocation d'une autorisation d'ouverture, ou refus de nommer un nouveau directeur par suite de l'annulation des pouvoirs du premier.

178. Mais la juridiction administrative se divise en deux ordres entièrement distincts. Certaines questions ressortissent de la juridiction que l'on nomme gracieuse, et qui n'est autre chose que la

volonté personnelle du ministre. Les autres sont soumises au pouvoir contentieux, c'est-à-dire au conseil-d'état. A laquelle de ces juridictions devrat-on porter le recours? Faudra-t-il se pourvoir auprès du ministre lui-même contre son arrêté, ou pourra-t-on saisir la section du contentieux du conseil-d'état, juridiction réelle, malgré ses imperfections? Il nous semble que la compétence du conseild'état ne peut être contestée : il doit connaître de toutes les difficultés d'intérêt privé, de toutes les affaires qui touchent à un droit personnel; il est le juge administratif de tous ceux qui, s'il n'existait pas, seraient recevables à porter une action devant les tribunaux ordinaires. Le pouvoir gracieux ne règle que les actes d'administration proprement dite, où une mesure générale a été prise par un agent du gouvernement, où un arrêté a été rendu sur une matière entièrement laissée au bon plaisir ministériel. Or, l'arrêté qui ferme un théâtre, ou qui, en refusant de nommer un directeur, risque d'amener la fermeture, est un acte tout-àfait personnel, qui peut motiver un recours individuel, qui blesse un droit particulier, et qui dèslors doit être soumis à la section du contentieux du conseil-d'état.

179. La jurisprudence administrative n'est pas fixée sur ce point. En 1821, le ministre de l'intérieur ayant retiré l'autorisation donnée au directeur du théâtre de Bordeaux, le pourvoi de ce directeur contre l'arrêté du ministre fut reçu par le conseil-d'état. L'arrêt rendu le 14 novembre 1821

prononce sur le fond de la contestation, et juge implicitement la compétence. Mais, depuis lors, deux ordonnances, l'une du 6 septembre 1820, sur la réclamation des théâtres de Paris à l'occasion de l'établissement du Gymnase, l'autre du 12 mai 1824, sur la réclamation du sieur Alaux contre l'arrêté qui ordonnait la clôture du Panorama-Dramatique, ont jugé que les mesures relatives à l'ouverture, à la clôture et à la police des théâtres, sont des actes purement administratifs. qui ne peuvent donner lieu à aucun recours par la voie contentieuse. D'après ces arrêts, le recours ne pourrait avoir lieu qu'administrativement devant le ministre; mais nous ne pouvons admettre le principe qu'ils consacrent. Quant à l'ouverture et à la police des théâtres, nous concevons que l'administration, investie des pouvoirs les plus étendus, ne puisse être appelée à rendre compte de ses actes devant le conseil-d'état; mais les mesures relatives à la fermeture ont, comme nous l'avons prouvé, un caractère spécial qui rend le conseil-d'état parfaitement compétent relativement aux recours qu'elles peuvent amener.

TITRE QUATRIÈME.

Des spectacles publics.

180. Le titre de théâtre n'appartient qu'aux entreprises consacrées au chant, à la déclamation et à la danse, et qui ont reçu l'autorisation de se former

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et de porter ce titre. Il ne peut être pris par les autres spectacles: l'art. 15 du décret du 8 juin 1806 le leur interdit expressément.

181. L'expression générique de spectacle embrasse tous les établissements où le public est admis à satisfaire sa curiosité, tels que les panoramas, cosmoramas, néoramas, marionnettes, expositions de tableaux, et même les jardins publics où sont donnés des fêtes et concerts. La loi de 1791 n'astreignait ces entreprises qu'à une simple déclaration à la municipalité avant leur ouverture; mais les réglements postérieurs, et notamment l'art. 12 du décret du 13 août 1811, les obligent à se pourvoir de la permission de l'autorité. Cette obligation leur est imposée par les mêmes considérations que celles qui y ont fait soumettre les théâtres, et l'on comprend aisément des établissements où le public est admis, où toutes sortes d'objets peuvent être exposés à ses regards, doivent être soumis au contrôle de l'autorité publique et ne puissent s'ouvrir qu'avec son autorisation.

que

182. La permission doit être donnée à Paris par le préfet de police, et dans les départements par les maires. En cas de refus, les entrepreneurs peuvent se pourvoir auprès du ministre de l'intérieur. Aucun autre recours ne leur est ouvert.

183. Il est défendu à ces spectacles de représenter aucun ouvrage dramatique. Une circulaire du ministre de l'intérieur, du 1er juillet 1808, a recommandé aux préfets de donner les ordres les plus sévères pour empêcher qu'aucun entrepre

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