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mettra aussitôt que possible en rapport avec la Commission nommée par le roi;

8o Des ordres ont été donnés pour que la rentrée des contributions en argent, dont plusieurs villes et départements ont été frappés, ne soit pas ultérieurement poursuivie, et qu'à l'avenir aucune contribution de ce genre ne soit demandée par des ordres isolés des intendants des différentes armées. Ces arrangements allant aussi loin que le permettent pour le moment aux Alliés le soin de leurs propres armées et leur situation militaire, les soussignés se flattent que le ministère du roi y reconnaîtra le désir sincère qu'ils ont de contribuer au rétablissement de l'autorité royale et à l'adoucissement des charges de la guerre, autant que les circonstances leur en laissent la possibilité. Ils ont l'honneur d'assurer S. A. M. le prince de Talleyrand de leur haute considération.

Paris, le 24 juillet 1815.

Signé Metternich, Nesselrode, Castlereagh, Hardenberg.

Protocoles des Plénipotentiaires de l'Autriche, de la Grande-Bretagne, de la Prusse et de la Russie.

Quatorzième séance, du 25 juillet 1815.

Laon et Soissons seront occupés par les Alliés. Le prince de Metternich et lord Castlereagh seront chargés de proposer un mode conforme de traiter les bannis en pays étranger.

Quinzième séance, du 26 juillet 1815.

M. le principal secrétaire d'État de Sa Majesté Britannique, vicomte Castlereagh, par suite de la communication qu'il a faite à la Conférence de l'ordre adressé à l'amirauté de suspendre les hostilités contre les côtes de France, observe qu'il y a lieu de prévoir que des armateurs français pourraient se livrer à entreprendre de nouveau la traite des nègres, dans la croyance que l'abolition absolue et totale décrétée par Napoléon Buonaparte', vient à cesser avec son pouvoir; que cependant de grandes et fortes considérations prises dans les motifs d'humanité et dans l'intérêt même de l'autorité du roi, invitent à ne pas différer de maintenir en France l'abolition entière et immédiate du commerce des noirs ; que si, à l'époque du Traité de Paris, le ministère

1. Par décret impérial du 29 mars 1815.

du roi a pu désirer que la cessation de ce commerce ne fût amenée que graduellement dans un intervalle de cinq ans, pour donner au roi l'avantage d'avoir ménagé les intérêts de la classe des Français propriétaires dans les colonies, maintenant que la défense absolue a été établie, la question se présente tout différemment; que si le roi révoquait cette défense, il se donnerait le désavantage d'attirer dans l'intérieur de la France le reproche qui, plus d'une fois, a été fait à son ancien gouvernement, de favoriser les réactions et d'autoriser en même temps au dehors, et nommément en Angleterre, l'opinion d'une opposition systématique aux idées libérales, qu'ainsi le moment paraît venu où les Alliés ne doivent pas hésiter à donner en France un appui formel à l'interdiction immédiate et entière du commerce des noirs, interdiction dont la nécessité a été reconnue en principe dans les transactions du Congrès de Vienne.

Les autres membres de la Conférence partagent entièrement l'opinion de M. le vicomte Castlereagh, et pour examiner la décision de la manière la plus avantageuse au profit de l'autorité et de la considération du roi, on est convenu qu'il serait préférable de faire des observations qui précèdent l'objet d'une communication verbale au roi et à son ministère, afin de porter Sa Majesté à faire cette disposition de son propre mouvement et lui laisser l'avantage d'une initiative qui écartera au dedans du royaume l'idée d'une tendance à la réaction et conciliera au roi, dans les pays étrangers, les suffrages des partisans des idées libérales. Il sera fait, en conséquence, une insinuation confidentielle au roi. Signé Nesselrode, Metternich, Humboldt, Castlereagh.

Seizième séance, du 27 juillet 1815.

Afin de ne pas morceler l'administration départementale, la Loire ne restera plus ligne de démarcation. Les armées du Midi, pays où il y a moins de blé, auront plus de départements. Il est question de demander en outre le Gard, la Lozère et le Cantal.

La France est d'accord sur Condé, mais elle désire une plus forte garnison.

Les ministres français demandent que Mézières et Auxonne, assiégés, soient traités comme Verdun. Cette demande est accordée par Auxonne, des réserves sont faites pour Mézières.

Dix-septième séance, du 28 juillet 1815.

Bonaparte sera envoyé à Sainte-Hélène où il sera transporté par les soins du gouvernement britannique, toutefois, les autres Puissances se réservent d'y avoir des commissaires.

Envoi d'une lettre au prince de Talleyrand pour proposer la ligne de démarcation entre les armées alliées et françaises, les départements du Gard, de la Lozère et du Cantal sont ajoutés.

Mémorandum de M. Capo d'Istria, ministre de Russie,
28 (18) juillet 1815.

L'alliance européenne et la guerre qui vient d'être heureusement terminée par la bataille du 18 juin avaient pour but :

1° De délivrer la France de Bonaparte et du système révolutionnaire qui l'avait reporté sur le trône.

2o De placer cet État dans la situation intérieure et dans les rapports extérieurs rétablis par le Traité de Paris.

3o De garantir à la France et à l'Europe le maintien inviolable des transactions fondées sur le Traité de Paris, et complétées par les Actes du Congrès de Vienne.

4° Bonaparte et les siens sont au pouvoir des Alliés. Son armée est soumise. Elle va être licenciée. Louis XVIII est à Paris. La nation reconnaît ce monarque comme l'intermédiaire de sa pacification avec l'Europe.

5o Les armées alliées occupent la France; elles sont entretenues par elle.

6o Le premier et le plus essentiel objet de l'alliance et de la guerre est donc atteint.

7° Il s'agit maintenant de remplir le second, savoir: de garantir, par des mesures grandes et efficaces, le repos de la France, et conséquemment celui de l'Europe.

8° Ce repos ne peut consister, en France, que dans un ordre de choses qui rende à jamais impossible le retour des révolutions. Il ne peut se consolider en Europe qu'autant que la France, comme corps politique, sera mise dans l'impossibilité d'y porter atteinte.

9° C'est de ce principe, de l'état actuel de l'esprit public en France, enfin, du Traité du 25 mars, que dérivent en raison composée toutes les questions relatives aux garanties que les Alliés ont le droit d'exiger de la nation française, à l'effet d'assurer d'une manière immanquable et permanente le résultat des grands sacrifices qu'ils ont faits au bien. général. Ces garanties sont morales et réelles. Les unes ne peuvent reposer sur l'opinion; les autres se fondent sur la force. Une constitution qui affermira le pouvoir du gouvernement du roi sur celui d'une représentation nationale et qui identifie les intérêts créés par vingt-cinq

ans de révolutions à ceux de la royauté, peut seul présenter des garanties morales.

Il importe d'examiner les garanties de l'une et de l'autre classe pour décider:

10° Si dans l'une ou dans l'autre, ou enfin dans toutes les deux espèces de garanties les Puissances alliées peuvent légitimement trouver celles qu'elles sont en droit de demander à la France.

Après avoir déterminé avec précision la valeur de ces garanties, il est également important d'examiner quelles sont les formes moyennant lesquelles les Puissances alliées peuvent les obtenir régulièrement et d'une manière analogue aux principes sur lesquels se fonde leur alliance.

Garanties réelles.

On commence par l'examen des garanties de ce genre. Elles pourraient consister dans les suivantes :

A. Resserrer les limites assignées à la France par le Traité de Paris. B. Lui enlever la ligne de défense qui garantit les frontières, ou en détruire les fortifications.

C. La priver de tout le matériel de son état militaire, et en détruire les sources.

D. Frapper la nation d'une forte contribution pécuniaire, qui la mette pour longtemps dans l'impossibilité de se relever de la crise. actuelle.

Les Puissances alliées, en prenant les armes contre Bonaparte et ses adhérents, n'ont point considéré la France comme un pays ennemi. (Déclaration du 13 mars, Traité du 25 mars, Déclaration du 12 mai).

Maintenant qu'elles occupent le royaume de la France, elles ne peuvent donc y exercer le droit de conquête.

Le motif de la guerre a été le maintien du Traité de Paris comme base des stipulations du Congrès de Vienne. La fin de la guerre ne saurait donc exiger la modification du Traité de Paris, et celles qui s'ensuivront nécessairement pour toutes les transactions subséquentes. Conséquemment, si les Puissances alliées devaient, dans les circonstances, exercer en France le droit de conquête, il faudrait nécessairement qu'un nouveau Traité déterminât au préalable les motifs de ce changement de système, et en fixât les principes; mais ces motifs et ces principes seraient en contradiction avec ceux qui ont été consacrés par le Traité de Paris et par toutes les stipulations de Vienne.

Ces stipulations, en effet, ont eu pour but de reconstruire les États respectifs sur une échelle propre à rétablir un juste équilibre en Europe. En portant atteinte à l'intégrité de la France, il faudrait revenir sur toutes les stipulations de Vienne, procéder à de nouvelles stipulations

territoriales, combiner un nouveau système d'équilibre. Cette opération difficile et peu analogue aux principes libéraux qui caractérisent la politique des grandes Puissances, provoquerait une divergence dans la conduite uniforme qu'elles ont suivie jusqu'ici, et de laquelle seule les peuples attendent le repos.

Les Alliés ont reconnu le roi de France durant l'usurpation de Bonaparte; il vient d'être replacé sur son trône par la force de leurs armées. Il est donc de leur justice autant que de leur intérêt d'affermir l'autorité de ce monarque, et de l'aider du concours de toute leur puissance, à fonder sur un intérêt général et national la force morale de son gouvernement.

Ce serait détruire dès son principe la restauration de cette monarchie que d'obliger le roi à consentir à des concessions, qui donneraient au peuple français la mesure de la méfiance avec laquelle les Puissances alliées envisagent la stabilité de leur propre ouvrage.

Affaiblir directement les forces de la nation française, pour obliger à respecter le gouvernement que l'Europe veut reconnaître comme légitime, c'est dire à la France qu'un gouvernement légitime est pour elle une calamité; c'est justifier peut-être aux yeux de la postérité toutes les horreurs de la révolution; c'est faire croire à la guerre, c'est engager les Puissances à se tenir en mesure de la faire avec succès.

Ces considérations, et celles qu'on pourrait aisément en déduire, donnent la juste valeur politique de toutes les garanties qui appartiennent exclusivement à cette classe.

Garanties morales.

Un système de gouvernement quelconque ne peut offrir à lui seul la garantie absolue de sa stabilité.

Il est inutile de développer cette observation, comme il serait déplacé d'examiner ici quelle serait, dans la situation actuelle de la France, la réforme constitutionnelle la plus propre à raffermir solidement le pouvoir souverain, et à éteindre entièrement dans ce pays tout foyer de révolution.

Ce dont toutefois l'on peut convenir, c'est qu'en préservant à jamais la France du retour de la dynastie de Bonaparte et de son influence pernicieuse, le roi peut et doit rétablir son autorité constitutionnelle, de manière à ce que la partie saine et la majorité de la nation se rallie fortement à son trône.

Les Puissances alliées ne sauraient néanmoins faire consister les résultats de tous leurs sacrifices dans cet état de choses hypothétique, qui n'aurait pour garantie que des opinions abstraites et des combinaisons conjecturales. Il paraît conséquemment juste d'affirmer que

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