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ture.

Contrôle. Ce fut lord Stanley qui lui succéda dans ces fonctions, tandis que le ministère des Colonies passait à sir Bulwer Lytton. Homme de talent, populaire et d'ailleurs conciliant, il calma l'ire de l'opposition. On reprit aux Communes, et sous la conduite de lord Stanley, la discussion des résolutions relatives à l'Inde; les principales ayant été adoptées, on trouva plus simple de faire de l'ensemble un bill qui fut adopté dès la première lec24 juin, seconde lecture. Après avoir subi le contrôle et les modifications de la Chambre des Lords, il passa enfin définitivement en juillet (le 23). Lors de la troisième lecture, l'archevêque de Cantorbéry exprima l'espoir qu'à l'avenir on n'aurait plus égard aux distinctions de castes dans l'Inde; que les saintes Ecritures seraient lues sans commentaires dans toutes les écoles publiques, que les personnes converties au christianisme obtiendraient de l'avancement, et que les terres ne seraient pas employées à l'entretien de temples païens.

A quoi le chef du Cabinet répondit, qu'il était opposé à toute tentative de la part du Gouvernement en vue de convertir les indigènes au christianisme : « Et bien, disait-il, que le Gouvernement ne doive pas se montrer trop indulgent pour les castes, il ne doit pas non plus refuser absolument de les reconnaître; car ce serait violer directement les sentiments de la population.

Toutefois, quant aux terres léguées pour l'entretien des temples, lord Derby pensait que le Gouvernement devait s'abstenir de toute intervention active. Lord Ellenborough s'exprima à peu près dans le même sens : une propagande active nuirait, pensait-il, au christianisme.

C'est ici le lieu de se reporter vers le passé que le bill tendait à réformer, vers le présent qu'il établissait, et d'envisager l'avenir qu'il préparait à cette vaste conquête due autant à la diplomatie qu'aux armes anglaises. Et d'abord il importe de mentionner qu'une des pièces importantes du procès dont le Parlement venait d'être saisi, la proclamation de lord Canning, amena de sa part des explications publiées par le gouvernement de la métropole longtemps après leur date (4 juillet), et lorsque déjà l'incident mémorable que cette pièce avait provoqué, était vidé. « Votre honorable Cour, disait le Gouverneur général,

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fait remarquer que je dois avoir été bien convaincu que les termes de la proclamation, sans le commentaire qui la concerne (on y avait fait allusion lors de la discussion dans le Parlement), doivent avoir amené la croyance que la dépossession serait appliquée d'une manière plus générale qu'il ne conviendrait pour se conformer aux besoins de l'équité et de la politique. a Cela n'est pas douteux, répondait le noble Lord,» mais en même temps il expliquait assez habilement que s'il ne s'était pas servi d'expressions positives, péremptoires et pour ainsi dire absolues, déclarant que le droit de propriété du sol de la province était confisqué au profit du Gouvernement, qui disposait de ce droit de la manière qui lui paraissait la plus convenable, l'impresslon eût été moins profonde sur des populations qui s'inquiétaient fort peu des menaces, tandis qu'elles avaient un grand respect pour les ordres précis de l'autorité supérieure. Sans doute, pouvait-on objecter à lord Canning; mais ce respect serait-il bien durable une fois qu'il serait manifeste que la confiscation devait être purement comminatoire? Quelles que fussent les intentions du Gouverneur général, il faisait nécessairement halte dans une mesure imprudente et impolitique. Néanmoins, tout l'esprit de sa réponse aux Directeurs de la Compagnie se trouvait dans cette observation fondée sur le caractère indigène. Il ajoutait cette atténuation, que sa proclamation s'adressait à une province en armes, dans laquelle le Gouvernement n'avait alors aucun ami, aucun intérêt survivant à défendre, et que, par conséquent, on n'avait nullement à redouter le danger de provoquer une révolte ou une résistance capable de rendre sa position plus mauvaise. Ces raisons avaient quelque valeur, sans doute, mais le Gouverneur général devait tenir compte du retentissement qu'aurait dans l'Inde tout entière une menace d'universelle spoliation.

En présence de cet acte, sinon irréfléchi, au moins peu habile, il s'agit de placer la situation que devait faire à l'Inde le nouveau bill. Le changement était profond, considérable, presque une révolution. A la place de cette Compagnie puissante, qui à elle seule était un gouvernement avec tous ses rouages : tribunaux, armée, comptables et tout le reste, on allait avoir un ministère

responsable chargé d'administrer cet empire de 180 millions d'habitants. Grave innovation, et dont on ne pouvait mesurer toute la portée, administrer de loin et avec les traditions habituelles n'étant pas chose aisée. Naturellement aussi cette administration elle-même se ressentirait des fluctuations ministérielles, aujourd'hui déterminées par tel parti, une autre fois par tel autre. Si l'on examinait ensuite les conséquences en quelque sorte morales de la centralisation, on pouvait trouver que cette inégalité sociale qui se rencontrait dans la Grande-Bretagne, et qui partout opposait dans les emplois publics l'élément aristocratique à l'élément bourgeois, perdait singulièrement de sa force dans l'Inde, où ce dernier élément, acceptant les conditions d'aptitude imposées aux candidatures administratives par la Compagnie, n'avait presque pas à redouter de concurrence de la part des classes aristocratiques, dédaigneuses des épreuves qu'il fallait subir. Cette différence était surtout frappante dans l'armée particulière et indigène de la Compagnie (indépendante de l'armée royale). L'avancement ne s'obtenait plus ici à prix d'argent et de recommandations puissantes, il fallait un mérite réel, constaté par de sérieuses épreuves. Cet état de choses, auquel cependant on avait dû de glorieux capitaines : les Havelock, les Outram et nombre d'autres, allait nécessairement cesser en présence d'une armée royale proprement dite. C'est à cet endroit, comme à d'autres que l'expérience ferait connaître, que devaient commencer les doutes, et même les appréhensions au sujet du système qu'allaient introduire les résolutions ou plutôt le bill voté par le Parlement. Ce que l'on appelait les influences, le népotisme, cette plaie invétérée des administrations à rouages compliqués, allait donc faire invasion dans le gouvernen ent de l'Inde! Cette crainte et d'autres marquèrent la discussion du bill actuel. De là nombre de correctifs proposés durant la discussion. M. Bright demandait, par exemple, la division de l'Inde en plusieurs districts, qui pourraient arriver à s'administrer cux-mêmes; ce qui était bien un peu prématuré. Un autre homme politique, lord Stanley, eût voulu tout d'abord introduire l'élément électif dans le conseil qui devait éclairer le Gouvernement. «Encore trop tôt, faisait observer sir Graham : vous supprimez la Cour des Direc

teurs, prenez au moins ce qui s'en rapproche le plus. » Ainsi raisonnait cet orateur, et cette manière de voir, assez plausible, entra dans l'esprit et les termes du bill; ce qui valait mieux que l'idée émise par lord John Russell, d'attribuer au ministre ou secrétaire pour l'Inde, le droit de nomination, et, partant, de révocation des membres du Conseil. Celui-ci eût été de la sorte à l'entière dévotion du ministère. Mais, où le débat devait être le plus animé, ce fut à l'occasion des concours pour les emplois civils et militaires. Les maintiendrait-on dans l'un et l'autre cas? Lord Stanley demandait à introduire dans le bill une disposition de ce genre. Lord Derby, appuyé par lord Ellenborough, qui était opposé en principe aux concours, après en avoir pris son parti quant aux fonctions civiles, réussit cependant à faire insérer dans le bill la condition que, pour les corps spéciaux de l'armée, il n'y aurait concours que sur un ordre en Conseil, ce qui équivalait à dire qu'il n'y en aurait plus du tout. Toutefois, il fallait renoncer à tout prévoir. Le chef du Cabinet avait une trop grande expérience politique pour ne pas comprendre, et ses propres expressions en témoignent, que c'est dans l'Inde que l'Inde doit être gouvernée, c'est-à-dire que c'est au cœur du pays qu'il faut puiser les éléments du gouvernement et de l'administration. De là la sage pensée de maintenir les autorités locales existantes: Gouverneur général et Conseil, Gouverneurs de Madras et de Bombay. Seulement il n'y avait plus une Compagnie des Indes égale en puissance à la métropole. Ce n'était rien, selon les radicaux; c'était beaucoup, si l'on considérait l'importance des formules politiques et légales qui presque toujours entraînent les faits à leur suite. En effet, dès qu'il y avait un ministre, même assisté d'un conseil mi - partie nommé directement, il y avait responsabilité, et c'était jouer sur les mots que de soutenir que c'était au fond la résurrection de la Cour des Directeurs. Un gouvernement aussi pratique que celui de la vieille Angleterre (old England) ne s'y pouvait tromper. D'ailleurs, et c'était la disposition vitale du bill, le Conseil de l'Inde n'était plus que consultatif. Or, en matière de gouvernement, délibérer est tout, consulter ou donner des conseils n'est qu'un moyen de produire la lumière. Sous le régime de la

Cour des Directeurs, à elle l'initiative; au Gouvernement, ce qui est d'ordinaire insuffisant, le contrôle. Sous le régime du dernier bill, au contraire, une sorte de centralisation manifestée par l'initiative de l'action attribuée au secrétaire d'Etat pour les Indes. Il demandera au Conseil un avis qui ne l'enchaînera pas, il nommera le Gouverneur général, les Gouverneurs des présidences, en un mot, les plus hauts fonctionnaires. Il dirigera dès lors les affaires, c'est-à-dire que la royauté rentrera en possession d'une conquête dévolue jusque-là aux mains d'une oligarchie, souvent heureuse, souvent habile, mais parfois tyrannique. Et l'on peut dire que si cette formidable insurrection de l'Inde a menacé de ravir à la Couronne son joyau le plus riche, en revanche, une fois vaincue, sinon anéantie, elle l'a fait rentrer dans la plénitude de la possession d'une contrée immense et d'une richesse incalculable.

Pendant que l'on posait les bases du futur Gouvernement, les opérations, dans les contrées insurgées, se poursuivaient avec des succès divers, mêlés, mais en fin de compte, surtout depuis la chute de Lucknow, au profit des armes britanniques. Presque au moment où l'on venait à bout de ce point important, les forces de sir H. Rose se trouvaient réunies devant Jhansi. Le 28 mars, elles assiégeaient les rebelles retirés dans le fort au nombre de 12,000, y compris 1,500 Cipayes, et le 6 avril la place tombait au pouvoir des assiégeants, malgré une tentative d'un parent de Nana-Sahib, Tantea-Togi, pour la délivrer.

Dans le Rajpoutana, une attaque des rebelles contre le palais du Rajah de Kotah fut repoussée. Le général Roberts emporta d'assaut leur position (30 avril).

Dans la partie méridionale du pays des Mahrattes les Dessayis insurgés furent rejetés sur le territoire de Goa. Malheureusement l'intensité des chaleurs de cette époque de l'année entravait infiniment les opérations stratégiques des Anglais, et naturellement aussi éloignait la compression définitive de cette vaste insurrection. Néanmoins les généraux du Gouvernement persévéraient dans leurs héroïques efforts. Sir Hope Grant dispersait un corps d'insurgés commandé par le Rajah

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