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vernement annonça (octobre 1857) qu'il comptait faire tout ce qui serait en lui, pour rendre prochainement libres tous les autres ports et stations de la mer Noire. Seulement, il fallait le temps nécessaire pour arrêter les règlements de douane, de police, et surtout de santé si indispensables en cette occurrence, et surtout sur la côte d'Asie, attendu l'état où se trouvaient placées vis-àvis de la Russie les provinces caucasiennes.

S'agissait-il d'un autre sujet important, le sort des populations chrétiennes de la Turquie, le Gouvernement impérial ne perdait de vue, ni l'intérêt qu'il leur portait, ni la part d'influence qu'il avait droit de revendiquer dans toutes les questions soulevées par le traité de Paris. C'est ainsi qu'il insista énergiquement à Constantinople, pour l'amélioration du sort des chrétiens de la Bosnie. A en juger par l'état de l'opinion et une sorte d'agitation religieuse qui se propageait de plus en plus, on eût pu croire que l'on comptait revenir par cette voie sur le passé et reconquérir les positions perdues. On vit, par exemple, un personnage considérable, M. Noroff, ancien ministre de l'instruction publique, faire appel, dans la presse quotidienne, à la foi du peuple orthodoxe, en faveur de ses coreligionnaires de Turquie. Un autre écrivain, M. Maresuroff, écrivit une brochure qui dépeignait la triste situation des chrétiens de la Palestine. Il demandait qu'on leur vint en aide, non-seulement par des moyens matériels, mais aussi par les moyens intellectuels, le clergé oriental étant en général très-ignorant.

La question des Principautés Danubiennes devait surtout tenir en éveil toute la prudente habileté du Gouvernement impérial. L'Union proposée par la France serait-elle bien accueillie à Saint-Pétersbourg? Nul doute que cette idée mise en avant, et pour cause, par la France, n'eût pour objet, dans le principe, d'amoindrir ou de neutraliser l'influence russe dans les Principautés. La nécessité de l'Union fut nettement exposée par le plénipotentiaire de la France, dans les conférences tenues à Paris, du 22 mai au 19 août. On cût dû s'attendre à des objections de la part du représentant de la Russie, et, néanmoins, dès la première séance, le comte Kissélef se rallia à cette idée, les Divans ayant exprimé dans ce sens des vœux qu'il jugeait ra

tionnels, légitimes, et dont il considérait la réalisation comme nécessaire, pour assurer le bien-être futur des populations moldo-valaques. Il ajoutait que son Gouvernement était prêt à adhérer à la réunion, si la conférence voulait l'adopter (Protocole, no 1. 22 mai).

Ce n'est pas que le représentant de la Russie ne fit aucune réserve. Au contraire, le protocole du 10 juin témoigne que, sur sa proposition, il était entendu que la convention à intervenir contiendrait une définition précise des situations respectives de la cour suzeraine, des principautés et des puissances garantes. » Le comte de Kisséleff développa dans une séance subséquente (15 juillet) sa manière de voir sur cette définition ramenée à ces termes. Quant aux relations entre les Principautés et la Cour suzeraine, il les trouvait déterminées par le traité du 30 mars. Elles pouvaient se résumer de la manière suivante: « Droit de la Cour suzeraine de recevoir le tribut, de confirmer l'élection du prince, de combiner avec les Principautés les mesures de défense de leur territoire en cas d'agression du dehors, et de provoquer une entente avec les puissances garantes en cas de nécessité pour le maintien de l'ordre dans les Principautés ; enfin, droit de la Cour suzeraine, d'appliquer aux Principautés les traités internationaux dans tout ce qui ne porte pas atteinte aux immunités du pays.

Droit des Principautés de régler, sans l'ingérence de la Cour suzeraine, toute l'administration intérieure dans les limites stipulées par l'accord des puissances garantes avec la Cour suzeraine, et droit de recours à cette puissance elle-même ainsi qu'aux puissances garantes en cas de violation de leurs immunités.

Droit réservé aux puissances garantes de régler par voie diplomatique, et par une entente avec la Porte, toutes contestations qui seraient survenues entre elle et les Principautés. »

Sur un autre point, les abus de la juridiction consulaire dans les Principautés, la politique du Tzar, par l'organe de son plénipotentiaire, ne s'expliquait pas moins clairement (séance de la Conférence, 16 août). En effet, M. de Kisséleff fit à ce sujet une proposition dont il demanda l'insertion au protocole. Elle tendait à ce que la Commission émit le vœu, « à la presque una

nimité, » de la prompte suppression de la juridiction consulaire dans les Principautés. « La cour de Russie, ajoutait son plénipotentiaire, est disposée à accéder dès à présent à la réalisation de ce vœu, si les autres puissances y consentent. » Dans le cas où cette mesure ne paraîtrait pas encore opportune, l'organe de la Russie, se fondant sur le rapport même de la Commission, jugeait urgent, « surtout pour assurer le succès des nouvelles institutions dont le pays sera doté, » de faire cesser les abus dont on se plaignait. Il n'échappait à personne qu'en demandant la suppression de la juridiction consulaire dans les Principautés, c'est l'Autriche que l'organe de la Russie avait en vue, puisque sous le couvert de la juridiction consulaire, le Gouvernement de Vienne avait de nombreux avantages dans les provinces danubiennes. A Bucharest et à Iassy, les consuls autrichiens, s'il fallait en croire les écrivains russes, s'immisçaient ouvertement dans l'administration, comme aussi dans les affaires judiciaires au moyen des sentences qu'ils prononçaient. Quant à la question principale, celle de l'union ou de la séparation des Principautés, il était évident, par toutes les paroles et déclarations de l'envoyé du Tzar, qu'on ne songeait en aucune façon à Saint-Pétersbourg à empêcher la réunion. Quelle pouvait être la raison d'agir du cabinet impérial en cette circonstance? Les inconvénients, il les voyait; mais peut-être calculait-il qu'il serait plus aisé de faire entrer quelque jour dans ses vues un Gouvernement un et non divisé, que deux Gouvernements séparés. Peut-être aussi, tenait-il à témoigner de la sorte sa bonne entente avec la France en particulier. Dans une autre question léguée à l'avenir par le traité de Paris, la rectification des frontières asiatiques de la Russie et de la Turquie, la première donna à l'Autriche une leçon diplomatique, en soumettant tout d'abord à la Conférence de Paris le projet d'arrangement rédigé par une commission spéciale, et signé à Constantinople le 5 décembre; tandis que le cabinet de Vienne se refusait absolument à soumettre à la sanction de la Conférence le règlement relatif à la navigation du Danube. L'entente du Gouvernement du Tzar avec la France, dans une autre grande difficulté qui intéressait encore l'Autriche et la Porte, nous voulons parler du Montenegro, ap

parut de la façon la plus évidente. Lorsque la question fut posée au congrès de 1856, le représentant de la Russie répondit à M. de Buol, qu'il n'existait entre le Gouvernement russe et les Monténégrins que des rapports de sympathie réciproque. Quand, en 1857, le prince Danilo se tourna vers la France, la Russie ne fit aucun acte significatif. Mais lorsque, à la suite des démonstrations hostiles faites par les armées ottomanes dans le district de Grahovo, le Gouvernement français eut déclaré (Note du Moniteur) en même temps qu'il faisait entrer des bâtiments de guerre dans les eaux de l'Albanie et de la Dalmatie, qu'il ne souffrirait pas que l'on se portât à une entreprise quelconque contre la montagne Noire, le cabinet de Saint-Pétersbourg se joignit aux démarches de la France à Constantinople, pendant que, pour mieux manifester qu'il adoptait les vues du cabinet français, il envoyait une frégate destinée à appuyer les opérations des navires français, que commandait l'amiral Jurien La Gravière.

Nous avons fait connaître ailleurs (Danemark et Confédération germanique) l'attitude de la cour de Russie dans le conflit germano-danois. En résumé, on y concluait qu'il s'agissait d'une question fédérale et non d'une question européenne. C'était aussi l'opinion des Gouvernements français et anglais. Toutefois, en donnant raison sur ce point à l'Allemagne, la Russie comprenait, ainsi que les deux puissances avec lesquelles elle s'entendait en cette occurrence, qu'il fallait sauvegarder, en ce qui concernait le Danemark, les arrangements de 1852.

CHAPITRE VII

TURQUIE.

Question des Principautés danubiennes : encore le traité de Paris. — La Conférence se réunit de nouveau pour régler le sort des Principautés : Convention du 19 août. Teneur de ce document diplomatique; intéressants débats auxquels il a donné lieu. Les provinces moldo-valaques auront la dénomination de Principautés-Unies.-Loi électorale annexéc à la Convention. Les ambitions dans les Principautés. Administration provisoire. Installation des personnages qui la composent. — Le consul général d'Autriche en Moldavie ne reconnait pas sur les passeports la dénomination de Principautés-Unies ; c'est le consulat de France qui délivre les passes. La convention du 19 août n'était-elle applicable immédiatement qu'en matière électorale? Le Gouvernement soutenait l'affirmative. Rôle des Principautés dans la convention fluviale relative au Danube. Avaient-elles le droit de prendre part à l'échange des ratifications? La négative encore soutenue par la Turquie. SERVIE. Impopularité actuelle du Prince: complot où figurent des sénateurs. Leur condamnation. Le prince veut exécuter la sentence. Intervention du gouvernement suzerain. Commutation : les travaux forcés, puis l'exil. - Changement tardif de politique: Wutschitch et Garanschanine appelés à seconder le prince. Cause du malaise. Karageorgievitch accusé de népotisme et de collusion avec le parti turc. Attitude de celui-ci : les forteresses. L'attentat commis sur le consul d'Angleterre. Réparation. La Skuptchina. Loi électorale qui la prépare. Elle se réunit et met en accusation le Prince à qui elle demande d'abdiquer. Karageorgievitch se retire dans la forteresse. Il est déclaré déchu et Milosch Obrenovitch est rappelé.

HERZÉGOVINE et BOSNIE. - Touchante et naïve supplique des Bosniaques au consul autrichien. Part que prend le gouvernement russe aux souffrances de ces populations. — Insurrection. Elle est étouffée et amnistiée par Kiami-Pacha. L'Herzégovine et les Bachi-bouzouks. Plaintes amères des habitants adressées aux consuls européens. Le gouvernement du sultan répond par des démonstrations hostiles. LE MONTÉNÉGRO. Le prince Danilo exécute les dernières trêves que les Turcs cherchent l'occasion de rompre. Les avances pacifiques et de conciliation sont mal reçues. Agression des Turcs de Pogoridtza; ses suites. Affaire de Zoupci. Remontrances de la France au gouvernement ottoman. Note sévère du Moniteur de l'empire français. Envoi de bâtiments par cette puissance dans les eaux de l'Adriatique. Nouveaux engagements entre les Turcs et les Monténégrins. Ces derniers l'em

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