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plus de quarante. Une longue discussion s'établit sur ce point capital. Le ministre de l'intérieur adopta la proposition de la commission, en substituant seulement le maximum de 36 à celui de 40 qu'il trouvait trop large. Presque toutes les opinions exprimées à la tribune semblèrent conçues dans le même esprit, et la plupart des amendemens tendirent à resserrer plutôt qu'à étendre le chiffre de la commission, chiffre qu'elle abandonna elle-même pour accepter celui du ministre. Enfin la Chambre, par une sorte de transaction entre le premier maximum de la commission et le nombre limitatif de 24, proposé par M. de Montalivet et combattu par le ministre de l'intérieur, comme inférieur à celui que M. de Martignac avait posé sous la restauration, statua sur la proposition de M. de Fréville," que les conseils-généraux seraient au plus composés de 30 membres..

La question de l'éligibilité des membres du clergé of frait aussi un grand intérêt, elle ne fut pas moins vivement débattue. Reconnus éligibles dans le projet primitif du gou-: vernement, par cela seul qu'ils n'étaient point compris dans les exclusions, les membres du clergé avaient été déclarés par la Chambre des députés incapables d'être conseillers. La commission de la Chambre des pairs ayant proposé, comme nous l'avons dit, de les réintégrer dans le droit commun conformément au projet du gouvernement, M. le comte de la Rochefoucauld avait présenté un amendement qui reproduisait l'exclusion prononcée par la Chambre des députés. Appuyé par MM. de Montlosier et Ræderer, qui signalaient avec force l'esprit envahisseur et persévérant du clergé, et qui démontraient les dangers de l'investir de fonctions civiles, l'amendement fut combattu par M. Sylvestre de Sacy, par M. le comte. Portalis et par le ministre de l'intérieur. Le ministre, repoussant le reproche adressé au gouvernement de tendre à faire rentrer le clergé dans les affaires civiles, à lui rendre

l'influence politique perdue depuis 1830, et à chercher à se concilier la faveur de la cour de Rome par des conces sions préjudiciables à l'intérêt et à la dignité de l'état, s'exprimait ainsi :

« Le désir du gouvernement est sans doute d'avoir pour le souverain pontife tous les égards et tous les respects que commandent la position élevée qu'il occupe, le caractère dont il est revêtu, et sa qualité de chef de l'église catholique, dont la croyance est celle de la majorité des Fran çais. Mais l'intention forte et persévérante du gouvernement est de maintenir, avec vigilance et avec fermeté, les libertés de l'église gallicane, et de s'opposer à toute prétention, à toute tentative d'empiétemens qui serait nuisible à l'intérêt de l'état, si elle venait à se manisfester : toutefois je désire qu'on n'infère pas de mes paroles que des prétentions injustes, que des exigences déraisonnables aient été manifestées par la cour de

Rome.

«Les intentions du gouvernement vis-à-vis du clergé, c'est de le faire jouir de la protection et de la liberté qui lui sont garanties par la Charte et les lois de l'état, c'est qu'il puisse exercer son culte avec toute sécurité : de le défendre et de le garantir avec énergie des insultes, des voies de fait et des violences qui pourraient être dirigées contre lui, mais en même temps de réprimer avec une égale sévérité tous les, écarts, tous les abus, tous les désordres auxquels il serait possible que quelques membres dans un corps aussi nombreux pussent se livrer,

«Voilà la profession de foi du gouvernement sur la question que M. le comte de Montlosier a bien voulu luí adresser. ( Marques unanimes d'approbation.)

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L'amendement de M. de la Rochefoucauld ayant été écarté, l'article proposé par la commission fat adopté.

Quant à l'amendement introduit par M. le comte Roederer, et relatif à l'intervention du roi, il ne subit pas de discussion. Le ministre de l'intérieur l'ayant repoussé comme contraire aux intérêts bien entendus de la monarchie, son auteur de retira, «ne contestant pas, disait-il, aú pouvoir, une victoire plus malheureuse pour lui qu'une défaite »

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Nous devons mentionner encore ici, quoiqu'elle ait été volée sans grande discussion, une troisième modification assez importante. Au lieu des bases électorales posées par les députés, la Chambre des pairs décida que le droit d'élire ne serait attribué qu'aux citoyens portés sur la liste électorale et du jury, auxquels seraient adjoints les plus imposés pour les cantons qui n'auraient pas cinquante ha

bitans sur cette listé. Le nombre des électeurs était ainsi considérablement réduit.

Adopté avec ces dispositions nouvelles par la Chambre des pairs, à la majorité de 98 voix contre 18, dans la séance. du 25 mai, le projet de loi fut reporté à la Chambre des députés, le 1 juin : il n'y donna lieu à aucuns débats. Conformément aux conclusions du rapporteur, qui dans la séance du 9 proposa l'adoption pure et simple, la Chambre ratifia à la majorité de 224 voix contre 42 les changemens introduits par la Chambre des pairs (10 juin). Ge vote fut dû en grande partie à cette considération qu'une modification quelconque en obligeant de soumettre de nouveau la loi aux délibérations de la pairie, pourrait en priver encore long-temps le pays, parce qu'il était douteux que la Chambre inamovible pût statuer avant la clôture de la

session.

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'Par l'adoption successive des projets de loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique et sur l'organisation des conseils de département et d'arrondissement,. la Chambre des pairs avait, en quelque sorte, liquidé l'arriéré dont l'avait grevée la dernière session, et s'était mise au courant de la session nouvelle. Mais il lui fallait persévérer dans son activité pour pouvoir faire face à ses travaux ultérieurs. Déjà lui avait été présenté le rapport sur le projet de loi relatif à l'instruction primaire, par la discussion duquel on a vu la Chambre des députés ouvrir la session.

La commission chargée d'examiner ce projet lui avait donné un plein assentiment par l'organe de son rapporteur, M. Cousin (séance du 21 mai), ainsi qu'à la plupart des modifications émanées de la Chambre élective. Quelques unes lui avaient paru devoir être rejetées, et particulièrement celle par laquelle les députés avaient supprimé le comité communal de surveillance qu'instituait le projet primitif : M. Cousin en proposait le rétablissement. Il terminait son rapport en répétant les éloges que méritait la loi, mais

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aussi en engageant le gouvernement à la compléter par de bons réglemens, à féconder par de fortes mesures administratives les précieux germes qu'elle renfermait.

25, 27, 28 mai. Cette approbation que la commission accordait au projet de loi ne fut point ratifiée dans la discussion générale. M. le comte Boissy d'Anglas n'admettait la possibilité d'une bonne loi sur la matière, qu'à ces deux conditions: que l'instruction primaire fût complétement gratuite; que les méthodes d'enseignement fussent complétement changées, et le projet ne satisfaisait à aucune de ces deux exigences. M. de Montlosier critiqua, presque l'une après l'autre, toutes les dispositions, s'éleva surtout contre la participation du gouvernement à l'instruction religieuse. Mon attente e mes espérances, disait-il en concluant, sont trompées. Je ne conçois rien de plus flasque, de plus pernicieux que la présente loi. Je la repousse de toute ma conscience et de tout mon cœur.»

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La discussion des articles n'amena pourtant aucun des ..débats animés que pouvaient faire prévoir ces premières attaques. La Chambre, votant dans le sens de la com mission, ne s'arrêta guère que sur l'amendement, par lequel celle-ci proposait le rétablissement du comité communal de surveillance. La convenance de l'exclusion ou de l'admission du curé fut, comme elle l'avait été dans la Chambre élective, le point spécialement débattu. Appuyé par MM: le marquis de Laplace, le comte de Preissac; et M. Aubernon, Tamendement fut adopté; M. de Montlosier l'avait seul combattu, en prédisant à la Chambre qu'elle se repentirait un jour de sa condescendance. Apres avoir encore introduit quelques modifications, dont les plus importantes étaient le droit attribué au comité communal de présenter des candidats pour les écoles, publiques, et le pouvoir accordé au même comité de suspendre provisoirement un instituteur; après avoir rejeté aussi un amendement par lequel M. de Montalivet voulait restreindre le

droit rendu au ministre de l'instruction publique, d'instituer l'instituteur primaire, la Chambre votant sur l'ensemble du projet l'adopta à la presque unanimité (114 voix contre 4) dans la séance du 28 mai.

Un seul des changemens apportés par la Chambre des pairs, celui qui rétablissait le comité communal de surveillance, semblait devoir rencontrer de l'opposition dans la Chambre des députés, qui fut de nouveau saisie de la loi le 1 juin. Le rapporteur, M. Dumon, proposa, au nom de la commission (12 juin), de souscrire à ce rétablissement. Il demandait seulement d'en modifier la composition, en ce sens que les trois délégués du conseil municipal, que la Chambre des pairs y appelait indépendamment du maire ou d'un adjoint et du curé, fussent remplacés par un ou plusieurs habitans notables, à la désignation du comité d'arrondissement. Ce fut encore sur la question relatíve aux membres du clergé que roulèrent les débats, dans lesquels se reproduisirent avec la même vivacité (séances du 14 et 17 juin) les argumens déjà employés. Soutenue par MM. Jouffroy, de Sade, Coulmann et de Vatimesnil, et repoussée par MM. Laurence, Salverte, Eschassériaux, la présence de droit des curés dans le comité de surveillance se trouva consacrée par l'adoption de l'article tel que l'avait amendé la commission. La Chambre revint également sur une autre de ses décisions primitives; d'accord avec la Chambre des pairs, elle rendit au ministre de l'instruction publique le droit d'instituer, qu'elle avait reporté sur le préfet; mais elle restreignit le pouvoir de présenter et de destituer conféré par les pairs au comité communal, en lui accordant seulement le droit d'intervenir auprès du conseil municipal pour la présentation, et auprès du conseil d'arrondissement pour la destitution. Adopté une seconde fois à la majorité de 219 voix contre 57 (le premier vote n'avait donné qué 7 opposans), le projet fut immédiatement reporté à la Chambre des pairs, qui sanctionna sans discussion (22 juin) les amendemens

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