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́membres fussent tirés au sort et non point choisis par la cour royale, ou, à son défaut, par un' tribunal de première instance, comme dans le projet. Ces deux propositions furent rejetées sur les observations du commissaire du roi, qui fit remarquer qu'un choix éclairé et approprié aux circonstances était de beaucoup préférable dans la matière à l'aveugle désignation du sort.

La Chambre passa rapidement, dans la même séance, sur plusieurs articles relatifs aux opérations du jury, quoiqu'ils fussent pour la plupart accompagnés d'amendemens. Les plus importantes modifications qu'elle y introduisit furent de supprimer la publicité des délibérations du jury, de porter à neuf le nombre de jurés nécessaire pour fonc tionner, et d'assimiler l'usufruitier au propriétaire, en lui donnant des droits pareils sur l'indemnité.

13 mai. Un débat assez vif s'engagea sur une disposition d'après laquelle lorsque l'exécution des travaux était susceptible de procurer une augmentation de valeur au reste de la propriété, cette augmentation devait être prise en considération dans l'évaluation de l'indemnité. Aux yeux de M. Villemain cette disposition était inapplicable et injuste: inapplicable en ce qu'il était difficile, pour ne pas dire impossible, d'apprécier exactement une augmentation future de valeur; injuste en ce qu'on faisait le propriétaire spéculateur malgré lui, et qu'on lui imposait comme paiement une chance de profit dont il pouvait ne pas se

soucier.

M. le comte Molé s'éleva encore avec plús de force contre la plus-value, qu'il appela le principe le plus odieux, le plus redoutable, le plus tertible qui pût être introduit dans une législation de ce genre. M. de Barante parla dans le même sens. Ainsi fortement attaqué, le principe de la plus-value fut défendu avec chaleur par le commissaire du roi, par le ministre de l'intérieur, et par M. Augustin Périer. Le commissaire du roi rappela qu'il existait déjà dans la législation,

qu'il était continuellement appliqué, et que la Cour de cassation l'avait plus d'une fois proclamé, M. Augustin Périer et le ministre de l'intérieur le déclarèrent équitable et salutaire.

« Je soutiens, disait le ministre, que ce principe de compensation est de toute équité, que toutes les choses doivent être égales d'un côté comme de l'autre, que toutes les fois qu'il y a dépossession, on estime non-seulement la valeur de la portion® de propriété que l'on prend, mais on estime en même temps la dépréciation que subit le reste de la propriété; de telle sorte qu'il faut, pour que l'opération soit juste et équitable, que vous estimiez en même temps la plus-value s'il y a lieu. >>

Enfin la commission et le gouvernement ayant accepté une rédaction nouvelle suivant laquelle la prise en considération de la plus-value devenait facultative, au lieu d'être impérative, et pour le cas seulement où l'augmentation de valeur serait spéciale et immédiate, la Chambre sanctionna la disposition.

Ce vote est le dernier de quelque importance que nous ayons à relever; les autres articles passèrent sans recevoir de modifications graves, et, la Chambre votant sur l'ensemble du projet (14 mai) l'adopta à une très forte majorité (84 voix contre 7).

Bien que les amendemens introduits par la Chambre des pairs dans le projet n'eussent changé ni ses principes ni ses bases, ils avaient altéré cependant plusieurs de ses dispositions importantes; aussi quelques uns d'entre eux furentils l'objet d'une sérieuse attention dans la Chambre élective, à laquelle la loi fut reportée le 21 mai. Dans un rapport présenté le 29 du même mois, M. Martin (du Nord), tout en déclarant la loi améliorée par les pairs et en concluant à l'adoption de la plupart des modifications qu'ils y avaient faites, proposait le rejet entre autres de celles qui étaient relatives à la suppression de la publicité dans les délibérations du jury, et aux indemnités à allouer aux usufruitiers. Co. fut sur ces deux points que roulèrent principalement les débats ( séances du 6 et du 7 juin): la Chambre adopta les conclusions de la commission, d'après lesquelles la pu

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blicité devait être rétablie, et l'usufruitier ramené dans les limites de la loi qui réglait la matière, c'est-à-dire astreint à fournir caution pour le capital de l'indemnité dont il devait être mis en possession. Ces amendemens et quelques autres d'une moindre importance obligeaient de soumettre de nouveau le projet à la Chambre des pairs, qui leur donna son assentiment (20 juin), et la loi fut enfin adoptée définitivement elle avait été mise deux fois en délibération, dans chacune des deux Chambres.

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Le projet de loi sur l'organisation des conseils d'arrondissement et de département, dont la Chambre des pairs s'occupa aussitôt après avoir voté sur le précédent, lui avait été aussi présenté dans le cours de la dernière session (29 février), et elle en avait également entendu le rapport (4 avril); mais la clôture étant survenue, une nouvelle présentation et un nouveau rapport avaient dû avoir lieu (2 et 4 mai). Nous avons déjà vu quel était le but, quelles étaient les bases de ce projet, lorsque nous avons eu à résumer la discussion approfondie dont il a été l'objet dans la Chambre élective (voyez pag. 37). Les modifications que cette Chambre y avait introduites n'avaient pas toutes obtenu l'assentiment dugouvernement le ministre de l'intérieur l'avait déclaré dans son premier exposé des motifs devant la Chambre des pairs; il avait même semblé annoncer que dans le cas où elle les confirmerait par son vote, le projet pourrait encore subir un ajournement avant de passer en loi.;

«Nous vous les soumettons (les modifications); messieurs, avait dit le ministre, en les accompagnant d'observations dont la sincérité est pour nous un droit et un devoir: un droit, car nous les avons déjà fait entendre avec la même franchise dans le sein de la Chambre des députés; un devoir, car il s'agit d'une de nos institutions fondamentales, dont l'imperfection aurait de graves conséquences. Le ministère en réfère donc à vos lumières, dont il attendra les inspirations avant de conseiller le

roi. »

Le ministre avait mis, en conséquence, sous les yeux de la Chambre le projet primitif et le projet amendé, Lá commission d'examen, comme si elle eût agi sous l'influence

de cette opinion exprimée par le rapporteur, M. de Barante, que la matière n'avait pas encore été suffisamment approfondie pour qu'une loi bonne et stable pút être faite, n'avait proposé que peu d'amendemens. Les deux plus importans consistaient à substituer au mode électoral adopté dans la Chambre des députés, pour les conseils-généraux, l'élection par cafton, avec cette restriction que le nombre des conseillers ne pourrait pas excéder quarante, et à rendre le droit d'éligibilité aux membres du clergé. Elle avait cherché d'ailleurs à ménager les intentions de la Chambre élective, tout en se rapprochant des vues du gou.

vernement.

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En présentant de nouveau le projet de loi (1⁄2 ma), le ministre de l'intérieur avait encore constaté le défaut d'assentiment que les amendemens de la Chambre des députés avaient rencontré dans le gouvernement. La même commission nommée par la Chambre des pairs déclara qu'elle s'en rapportait à son premier travail.

14, 15, 17, 18, 20, 21, 25 mai.. Lorsque la discussion s'ouvrit, M. le marquis de Dreux-Brézé, premier orateur inscrit, condanna la réserve qu'avait gardée la commission.

Quelle serait donc, disait-il, notre position dans l'état, si nous n'intervenions pas entre le gouvernement et la Chambre élective, pour indiquer dans quelle situation la France peut enfin trouver le repos qu'elle désire, ét dont elle a si grand besoin.» Il votait d'ailleurs contre le projet, qui ne pouvait produire qu'une loi mauvaise et transitoire, en ce qu'elle ne serait pas fondée sur le principe absolument nécessaire d'une représentation directe de chaque commune à des conseils de canton. Prenant la parole après M. le comte Alexandre de la Rochefoucauld, qui présenta sur l'esprit et sur l'économie de la loi les considérations les plus étendues, M. le comte Roederer, signala la nécessité de tempérer le système d'élection, sur lequel reposait tout le projet, par l'intervention du choix royal. Il voulait que la nomi

nation des conseillers-généraux, entre candidats élus, fût au choix du roi. Il s'étonnait et s'effrayait de l'exclusion que le projet prononçait contre la royauté, tandis que la nature des choses et l'autorité du passé réclamaient son influence.

M. de Montlosier développa avec force des opinions analogues. Il avait attaqué la centralisation sous la restauration, il la défendait aujourd'hui, parce qu'alors la liberté était menacée, tandis qu'aujourd'hui c'était la monarchie, contre laquelle surgissaient, de toutes parts, des principes subversifs. Il reprochait à l'administration de ne pas rompre assez ouvertement avec ces principes et de ne pas leur poser des principes contraires.

op

Le ministre de l'intérieur déclara que la loi était mixte; forcément politique et administrative par șa nature même; fondée à la fois sur le principe de la 'souveraineté du peuple et de la délégation du pouvoir royal, et combinée de manière à garantir l'intérêt général et les intérêts locaux.

Nous avons déjà indiqué les points sur lesquels devait porter principalement la délibération : l'élection pår cantons, le droit d'éligibilité rendu aux membres du clergé (par amendement de la commission), et la nomination des conseillers-généraux attribuée au roi (par amendement de M. le comte Roederer).

La question du mode d'élection mettait trois systèmes en présence celui du gouvernement, qui réglait le nombre variable des membres du conseil-général par un tableau annexé à la loi ; celui de la Chambre des députés, qui, donnant à chaque canton un représentant au conseil général, posait le chiffre 60 pour maximum du nombre des conseillers; enfin celui de la commission des pairs qui, accordant également à chaque canton un représentant, posait 40 comme maximum, plusieurs cantons devant se réunir pour une seule élection dans les départemens qui en comptaient

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