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M. Bérenger répondit au ministre : il pensait que la Chambre devait se regarder comme atteinte dans son indépendance, par l'acte qui avait frappé deux de ses membres.

« Dès l'instant où un député n'a plus l'indépendance de son vote, la Chambre elle-même n'a plus d'indépendance ( adhésion des extrémités); êt si vous n'adoptiez pas ce principe, vous retomberiez dans les aberrations, dans les fautes graves que les administrations de M. de Villèle et de M. de Corbière ont commises, et qui leur ont valu l'animadversion de toute la France. (Très-bien! très-bien !)

« M. le ministre de l'instruction publique a bien accordé aux députés une certaine indépendance ; il leur permet de voter silencieusement, mais il ne leur permet pas le vote systématique. (M. le ministre de l'instruction publique fait un mouvement négatif.)

« Vous l'avez dit, vous avez parlé du vote silencieux et du vote systématique.

« Je réponds que, lorsque les électeurs nomment un député, ce n'est pas seulement pour aller à la Chambre, pour être un simple instrument, pour déposer une boule dans l'urne du scrutin; c'est pour dire son opinion, et pour la dire hautement. (Oui, oui! très-bien!)

«Eh bien! deux députés ont manifesté leur opinion sur une question soulevée dans cette enceinte, et vous les frappez!

« Vous dites : « Ils font de l'opposition systématique! »

« Mais, messieurs, considérez quels sont les députés dont il s'agit : sont-ils de ceux qui font partie de cette opposition systématique qui a attaqué l'administration depuis la révolution de juillet? Mais souvent je vote avec eux; je m'en fais honneur, et certes je ne crois pas faire de l'opposition systématique?.

«Je le répète, si la Chambre laissait passer une pareille circonstance sans exprimer hautement combien elle a été profondément blessée dans son indépendance, elle s'abdiquerait elle-même.

« On doit sentir combien j'éprouve de peine à prendre la parole dans cette circonstance. Le plus souvent j'ai soutenu le gouvernement, et je le soutiendrai; car je suis attaché de cœur et de conviction au gouverment de juillet, au trône que nous avons élevé, et certainement ce ne sera pas moi qui voudrai apporter des entraves à la marche de l'administration: mais lorsqu'il s'agit de l'indépendance de la Chambre, de la liberté de nos votes, il ne m'est pas permis de garder le silence. (Nom breuses marques d'approbation. ) »

La discussion se prolongea encore: MM. Jouffroy, de Tracy, Emile Chaigneau et Mauguin parlèrent dans le même sens que M. Bérenger; MM. Madier de Montjau et Barthe dans le sens contraire. L'incident n'eut d'ailleurs aucun résultat, et, dans le cours même de la séance, la Chambre en revint à l'ordre du jour (1).

(1) M: Dubois a réussi à faire décider en sa faveur la question de l'ina-. movibilité des fonctionnaires de l'Université dans le cas où il se trouvait ;

Le budget des finances avait été voté dans la séance précédente.

Commerce et Travaux publics.

22 février, 13, 14, 15 et 18 mars. Le rapporteur de la commission chargée d'examiner ce budget (M. de Rambuteau), proposa en son nom diverses réductions s'élevant ensemble à la somme de 391,800 francs.

Sur la proposition de M. Vatout, la Chambre augmenta d'une somme de 66,000 francs, celle de 234,000, portée au chapitre des encouragemens aux beaux-arts. A l'occasion du chapitre des subventions aux théâtres royaux, aux caisses des pensions de l'Opéra et du Conservatoire, un membre, M. Jars, attaqua l'inégalité de la répartition, qui, dotant avec excès l'Académie royale de Musique, laissait le Théâtre Français et l'Opéra-Comique dans la détresse. M. Vatout signala dans l'acte constitutif de la société du Théâtre-Français, la véritable cause de sa décadence. M. Mauguin demanda au ministère de quel droit il avait suspendu la représentation d'une pièce, jouée depuis, le Cardinal Voltaire. D'autres interpellations lui furent adressées relativement à la censure préventive, qu'à différentes reprises il s'était permis d'exercer. Dans sa réponse, le ministère fonda son droit sur le décret de 1806, bien qu'à une autre époque, doutant de la puissance de ce décret, il eût jugé la présentation d'une loi nécessaire. Ce budget passa ensuite sans autre incident remarquable.

*

Marine.

to et 22 mars. Les réductions proposées par la commission de ce budget, qui avait pour rapporteur M. Charles

M. Baude, qui n'avait pas une pareille garantie à faire valoir, est resté définitivement exclu du conseil d'état.

Dupin, s'élevaient à une somme de 375,882 francs; une autre somme de 400,000 fr. pour service de bateaux à vapeur entre Toulon, Alger, Oran et Bone, avait été reportée par elle du budget du ministre de la guerre à celui de la marine le total de ce dernier se trouvait ainsi fixé à 65,406,148 francs. Sur la proposition de M. Arago, une somme de 30,000 francs y fut ajoutée pour qu'un chronomètre et un cercle de réflexion, destinés aux observations astronomiques, fissent à l'avenir partie de l'armement de chaque bâtiment de l'état.

Instruction publique.

14, 25 et 26 mars: La commission chargée de l'examen de ce budget ne proposa, par l'organe de M. Gillon, son rapporteur, qu'un petit nombre de modifications. « C'est entre l'indulgence forcée, disait le rapporteur, qui vient de l'état précaire de l'Université, et le vœu sincère, ardent de sa prochaine cessation, que vos commissaires ont adopté le budget conçu par le gouvernement pour l'instruction publique pendant l'année 1833. » Dans la discussion se reproduisit la question soulevée à propos de la récente destitution de M. Dubois, celle de l'indépendance des membres du corps enseignant, dont M. Jouffroy trouvait une garantie plus que suffisante dans les décrets impériaux, toujours respectés par les ordonnances de la restauration. M. Guizot répondit encore que les membres de l'Université, et particulièrement ceux qui administraient l'instruction publique, étaient des fonctionnaires; qu'il s'agissait donc de savoir si le privilége universitaire couvrait les actes politiques. M. Dubois prit lui-même part au débat, et protesta contre la légalité de l'acte qui l'avait frappé, en même temps que contre l'exactitude de la théorie.

er

Guerre.

23, 28 et 29 mars, 1, 2 et 3 avril. La discussion de ce budget, qui arrivait le dernier de tous, fut beaucoup moins longue et moins animée qu'on l'avait présumé généralement. M. Camille Périer présenta le rapport dè la commission et résuma ainsi son travail :

« Les réductions que nous proposons sont donc de.

« Les crédits accordés par vous pour 1832 s'élèvent à la somme de

« Ceux que vous accorderiez d'après nos propositions, ne s'éleveraient qu'à celle de.

<< Différence en moins pour 1833. . .

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10,352,352

309,492,667

306,290,648

En comparant les dépenses prévues pour ce dernier exercice, et les dépenses effectives en 1832, connues jus➡ qu'à ce jour, et qui s'élèvent à.

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« La différence en moins serait de

3,201,419

336,472,067

30,181,419

Parmi les réductions de la commission figurait celle d'une somme de 2,659,000, destinée aux fortifications de Paris. Pour en appuyer le retranchement, on disait que l'allocation se rapportait à l'une des questions les plus importantes et les plus controversées, et, qu'avant de venir demander des fonds, il aurait fallu la soumettre à l'examen des grands corps de l'état. On soutenait que Paris devait trouver sa sécurité dans d'autres moyens de défense que des fortifications on invoquait l'opinion de Napoléon, qui considérait le projet de fortifier complétement et régulièrement une ville de 800,000 âmes comme une entreprise aussi gigantesque qu'impraticable. Dans un sens contraire, on rappelait les souvenirs de l'histoire ancienne et moderne, et l'on demandait que les dépenses afférentes aux travaux des fortifications de Paris, évaluées à 35 millions, formassent, jusqu'à l'entier achèvement de ces travaux, un chapitre spécial dans le budget de la guerre. M. le maréchal Soult déclara que, du moment où le roi l'avait appelé au ministère, occupé des moyens de défense personnelle et matérielle de la France, il avait re

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connu que deux points devaient être l'objet d'une défense particulière; ces deux points étaient Lyon et Paris.

«Je me rappelai, dit-il, qu'en 1815, lorsque j'avais l'honneur d'être major-général de la grande armée, j'avais accompagné l'empereur dans des tournées qu'il fit aux environs de Paris pour déterminer les ouvrages de défense qu'on pourrait y élever. Je me rappelai aussi les ordres qu'il avait dictés et dont quelques-uns écrits par moi-même sont entre mes mains. Ces ordres ne me laissent pas de doute; mes souvenirs étaient présens. Je n'avais donc qu'à en faire l'application, si je voulais suivre un grand exemple, si je voulais remplir un grand devoir. (Mouvement général d'adhésion.) Il me fut bien démontré ainsi que cela est toujours ma pensée, que les mêmes points que l'empereur recommandait de fortifier, étaient ceuxlà mêmes que la commission de défense instituée en 1819, immédiatement après la retraite de l'étranger, avait jugé nécessaire de fortifier. Sa délibération à cet égard fut unanime sauf une voix : elle suffisait pour m'affermir dans la détermination qui était déjà dans ma pensée, mais je dus encore la faire consacrer par les avis du comité de fortification qui tous furent d'accord sur la nécessité de fortifier Paris. Je ne dis pas pour cela qu'il n'y eût pas quelque dissidence, il s'en présente toujours dans les commissions, on en voit quelquefois des exemples au sein de cette assemblée (on rit); mais, je le répète, le comité de fortification a toujours été d'opinion, à une grande majorité, de fortifier Paris conformément au système que l'empereur avait indiqué, que moi-même j'avais reconnu en 1815 comme seul convenable, et que la commission de défense de 1819 avait elle-même consacré. Ainsi, sous ce rapport, uniformité de vues, nécessité bien reconnue de fortifier Paris et système de fortification adopté.

« J'ai dû ensuite examiner le rôle que la ville de Paris était appelée à jouer dans le système de défense générale du royaume ; j'ai remarqué qu'en 1814 et 1815, Paris avait été le but des armées étrangères ; que, négligeant nos places fortes, passant à travers et les masquant avec peu de monde, elles arrivaient à Paris, persuadées que la reddition de la capitale suffirait pour faire capituler tout le pays. (Mouvement.) Messieurs, c'est de l'histoire. (Très-bien, très-bien!) »

Le ministre rendait compte des travaux déjà faits à Paris et à Lyon : suivant lui, Paris fortifié représentait deux cent mille hommes, Lyon fortifié en représentait cent mille. Il adoptait l'avis de consacrer à l'allocation un chapitre spécial du budget de la guerre..

Deux systèmes de fortifications étaient proposés pour la capitale, celui d'une enceinte continue et celui d'une ceinture de forts détachés. La discussion roula sur la préférence que méritait l'un ou l'autre système. M. Benjamin Delessert, adversaire de toute espèce de fortifications, avait cité contre ·les forts détachés cette opinion du général Lamarque: « Ce système, réprouvé par Napoléon, et frappé par lui de ridicule, l'est aussi par le besoin d'économie, car il serait rui

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